Le règlement intérieur de cette institution unique en Tunisie demeure dans l'attente d'une homologation du Conseil de l'Europe afin qu'il soit conforme aux normes internationales en la matière. Le premier centre gouvernemental d'hébergement des femmes victimes de violence « Al Amen », inauguré en 2012 pour être fermé ipso facto, a rouvert ses portes, en mars 2016, suite à la signature d'une convention entre le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance et l'association Afturd. Baptisé désormais « Espace Tamkine », il accueille des femmes agressées ainsi que leurs enfants, pour un séjour de trois mois, ou plus, si nécessaire. Selon Mme Olfa Jemaâ, chef de service de lutte contre la violence à l'égard des femmes à la direction générale des affaires de la Femme et de la Famille, la fermeture antérieure du centre revenait à l'inadaptation préalable de cette première expérience, en Tunisie, aux standards internationaux. La sécurité, d'abord ! En effet, avant même l'ouverture dudit centre, il fallait prendre connaissance des critères internationaux régissant ce genre de structures spécifiques, chose qui n'a pas été prise en considération en ce temps-là. « Parmi les lignes rouges à ne pas dépasser, figure la médiatisation de la localisation dudit centre, et ce, afin d'éviter tout risque pour les femmes d'être repérées par leurs agresseurs. De même, il est strictement interdit aux étrangers d'y accéder, et ce, quel que soit le motif », explique-t-elle. D'un autre côté, il fallait optimiser la sécurisation du centre avant même d'accueillir les femmes. Aussi, le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance a-t-il sollicité une expertise sécuritaire auprès du ministère de l'Intérieur afin de mettre le doigt sur les critères de sécurité manquants. Suite à quoi, des travaux d'élévation des enceintes ont été effectués, ainsi que la mise en place de caméras de surveillance. « Nous devions, aussi, combler toutes les défaillances, dont le manque de l'eau potable, de l'électricité, etc.», renchérit la responsable. « Al Amen » converti en l' « Espace Tamkine » se substitue à un centre intégré de prise en charge d'enfants en difficulté. Il n'hébergeait alors qu'un petit nombre d'enfants. Isolé, il incommodait les enfants qui se trouvaient, alors, dans l'obligation de parcourir de longues distances pour accéder à l'école. « D'autant plus que la politique de protection de l'enfance privilégie le placement familial ou encore l'octroi de bourses afin de soutenir les familles qui, en raison de difficultés financières, sont dans l'incapacité de subvenir aux besoins de leurs enfants », souligne Mme Jemaâ. De la protection à l'autonomisation «L'Espace Tamkine» est spécialisé dans la stabilisation des situations des femmes victimes de violence. Une stabilisation qui rime avec prise en charge pluridimensionnelle, avec protection et autonomisation pour en finir avec la domination machiste. Recevant une enveloppe annuelle de 400 mille dinars, l'Afturd assure la gestion du centre, le recrutement et la formation du personnel, tout comme elle doit veiller sur la protection et la sécurité infaillibles des femmes hébergées. « La prise en charge est fondée sur plusieurs axes complémentaires, notamment psychologique, le conseil juridique et l'aide judiciaire ainsi que l'assistance et l'aide sociale. Ces prestations sont accordées à titre gratuit », ajoute Mme Jemaâ. Une mission qui mobilise une équipe multidisciplinaire, comptant quatre accompagnatrices qualifiées, trois psychologues, une infirmière, une aide-soignante, une assistante sociale et une éducatrice pour les enfants. Et pour renforcer l'aspect sécuritaire et des femmes hébergées et du personnel, quelque cinq gardiens assurent la surveillance permanente du centre. Autant de femmes que d'enfants La capacité d'accueil du centre est de trente lits, une limite que l'on dépasse souvent en cas de nécessité. La population cible concerne les femmes âgées de plus de 18 ans et qui sont exposées à la violence sous toutes ses formes. Les enfants de ces femmes sont aussi admis. Une admission qui obéit à une restriction d'âge, soit de 0 à 18 ans pour les filles et de 0 à 12 ans pour les garçons. « Il ne s'agit point d'une discrimination à l'égard des garçons, mais plutôt par respect de l'intimité d'un espace essentiellement féminin», précise la responsable. Selon le rapport de l'Afturd, remis à la direction des affaires de la femme et de la famille, et relatif à la période située entre mars et fin septembre 2016, quelque 37 femmes et 37 enfants ont été hébergés audit centre. Ce qui est à constater, en outre, c'est que la demande des femmes victimes de violence est assez importante. La sélection des bénéficiaires se fait en collaboration avec la sous-direction de prévention sociale, relevant du ministère de l'Intérieur. Une sélection qui prime les cas jugés comme étant les plus graves, car menaçant la vie des femmes et de leurs enfants. « La violence physique reste plus importante que les autres formes de violence, à savoir celle psychologique, sexuelle et économique », fait remarquer la responsable. L'activité au centre suit son rythme. Cela dit, le règlement intérieur de cette institution unique en Tunisie demeure dans l'attente d'une homologation du Conseil de l'Europe afin qu'il soit conforme aux normes internationales en la matière. Une validation tant attendue, qui ouvrira la voie à la mise en place d'un cadre juridique spécifique à ce genre d'institutions gouvernementales, surtout que leur multiplication figure parmi les lignes directives du présent plan quinquennal.