Par Khaled TEBOURBI Deux regrets à la fois : l'été qui décline et Ramadan qui s'en est allé. Malgré tout. Malgré la canicule et les jeûnes marathoniens, malgré cette saison festivalière qui aura plutôt déçu, étrange, mais c'est comme perdre des êtres chers. En un rien de temps, plus de sorties, plus de soirées aux concerts, plus de veillées tardives sur les terrasses des cafés, plus de télé, du trop-plein au presque vide : au décompte, on manque de tout. L'Aïd même n'y peut plus grand-chose. Il n'y a pas si longtemps, c'était une fête pour de vrai. Tôt le matin et jusqu'à l'heure du déjeuner, il y avait foule dans la cité; pères et enfants, parés d'habits flambant neufs, pressaient le pas, par files successives, pour aller rendre visite à la famille. L'après-midi, le mouvement repartait de plus belle : place aux manèges, aux jeux forains, aux cinémas de quartier, et aux heureux petits bénéficiaires de la mahba, enfin lâchés à leur guise, qui s'en donnaient à cœur joie jusqu'à la nuit tombante. Parti tout cela. Evaporé. On n'en comprend toujours pas les raisons. Le fait est, qu'aujourd'hui, l'Aïd est synonyme de boutiques closes, de rues désertes, d'absence totale d'animation, les cinémas de quartier ont disparu, les restaurants font la pause, les cafés comptent leur clientèle. Quatre jours durant, la vie suspend son cours, un voile de mélancolie s'étend sur la ville. Que fêtons-nous ainsi? Gagner sur les deux tableaux Pas facile de renouer avec l'atmosphère festive des Aïds d'antan, soit. Mais la brusque interruption automnale des spectacles peut toujours trouver remède. La culture n'a pas de saisons. Encore moins la création artistique. Le mal, semble-t-il, est que l'on concentre tout dans la seule période estivale. Une surdose de festivals et puis rien, ou si peu, le restant de l'année. La raison? Cette priorité absolue donnée au divertissement. L'été est propice et les théâtres de plein air fleurissent partout. On croit suffire à la tâche en remplissant un temps de loisir, alors que l'objectif, à la base, est d'entretenir la perception collective des arts. Fondre la culture dans le divertissement crée peut-être la fête, affine-t-il, pour autant, les esprits et les goûts? En équilibrant les deux vocations du spectacle (culturelle et récréative), on gagnerait sur les deux tableaux : une animation en continu et des publics sans cesse en éveil. Réfléchissons-y au moins. Drame ou buzz people? Une exception cet automne : l'affaire Sarra. Tout un pays s'en est ému. Et il faut louer les efforts de tous (services de police, citoyens, médias) pour que le bébé soit finalement rendu aux siens. Le bien est encore de ce monde. A preuve. Reste l'impression, un zeste gênante, que le drame humain ait plutôt viré au «buzz people». Un moment, on a bien cru que la course à l'audience se substituait aux bons sentiments. Sur une chaîne privée, l'autre soir, on a même associé les malheureux parents à une sorte de reconstitution, par trop mélodramatique, du rapt et des retrouvailles. Au final, on ne savait plus à quoi se fier : à la tragédie vécue ou aux artifices d'une fiction. Et la déontologie? «La Hadhra 2010» de Fadhel Jaziri n'en finit pas de faire couler encre et salive. Curieusement, les avis s'opposent sans nuances. C'est ou le rejet absolu ou le dithyrambe. Il est bon que l'art partage la critique, que cela aille, toutefois, jusqu'aux vitupérations réciproques, laisse pour le moins perplexe. Plaider pour une œuvre ou en souligner les défauts eut parfaitement convenu. Le reste n'est qu'humeur de trop.