• Etude quantitative de l' ONFP sur un échantillon de 5.600 femmes, susceptible de dresser l'état des lieux de la violence à l'égard des femmes et de constituer la base d'éventuels programmes d'intervention. • L'impératif de réviser les textes de loi relatifs à la violence à l'égard des femmes et d'instaurer les principes d'une prise en charge efficace des femmes victimes. L'Office national de la famille et de la population (ONFP) vient d'achever une étude quantitative portant sur la violence à l'égard des femmes. Cette étude est susceptible d'être représentative de la situation des femmes victimes de violence car elle est basée sur une approche plus scientifique et plus approfondie. Elle vise, en effet, à cerner l'état des lieux d'un problème des plus délicats que vit la femme tunisienne, et toutes les femmes d'une manière générale, et ce, indépendamment de leur âge, de leur niveau d'instruction et de leur niveau social. Elle est fondée sur un sondage national, touchant près de 5.600 femmes et 4.200 familles issues des différentes régions. L'objectif étant de déterminer la prévalence de la violence physique, verbale, professionnelle, économique ou sexuelle exercée à l'égard de la femme ainsi que les facteurs qui la favorisent. Elle permet, également, aux chercheurs et spécialistes d'analyser la réaction des victimes et d'étudier les répercussions de l'agression sur la santé physique et psychologique des femmes et sur l'harmonie familiale d'une manière plus générale. Les résultats de cette étude n'ont pas encore été publiés. Il apporteront sûrement une vision plus claire et plus utile pour l'élaboration de programmes d'intervention plus efficaces. Il faut dire que la violence à l'égard des femmes constitue, dans notre pays comme dans le monde, un problème tenace, dont la résolution s'avère quelque peu compliquée. Elle l'est en raison, sans doute, de la diversité voire de la disparité des facteurs et des contextes qui la favorisent, dans le silence et parfois la résignation des victimes, mais aussi dans une prise en charge complexe qui se trouve souvent défaillante. Le traitement même du thème de la violence à l'égard des femmes dans les médias est généralement réduit à l'occasionnel, notamment pour célébrer la Journée mondiale de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Et, bien qu'il altère et la relation entre les genres et la vie de famille, ce problème n'est toujours pas considéré comme un phénomène de société qui mérite un intérêt accru et des actions globales. Certes, maints programmes établis sous l'ancien régime développent une approche pro-féministe. Toutefois, la stratégie nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes n'a été mise en place que dans les dernières années, et plus précisément en 2008. Des lois plus moralisantes que répressives Par ailleurs, et sur le plan législatif, l'écart entre l'importance du problème et les sanctions pénales est facile à relever. En 2005, un travail intitulé : «Etude sur la violence liée au sexe‑: état des lieux sur les aspects juridiques et la prise en charge actuelle des femmes victimes de violence en Tunisie» a été mené afin d'examiner la législation tunisienne en matière de violence à l'égard des femmes. Si l'agression physique, l'avortement forcé, le viol ou encore les rapports sexuels avec des mineures sont sanctionnés, le viol ou l'enlèvement sont, quant à eux, dépénalisés dans le cas où le coupable consent à épouser la victime. Dans le contexte conjugal, la violence est sanctionnée. Mais, pour l'époux-agresseur, qui engendre des mutilations, des incapacités ou encore une défiguration, la loi ne retient pas les circonstances aggravantes. Cette précision est de taille et est prise en compte dans le cas où l'agresseur est un descendant. L'étude montre également que certains textes suscitent polémique et confusion. C'est, à titre d'exemple, le cas pour l'article 228 du Code pénal, qui ne sanctionne pas le viol conjugal et met la femme-victime dans une situation paralysante, car elle doit apporter les preuves d'une telle violence. En 2004, le législateur a introduit la notion de violence sexuelle dans les textes de loi. La loi 2004-73, tout comme la dépénalisation du viol ou de l'enlèvement, s'inscrivent plus dans une optique morale. Pour des cercles de sensibilisation et de dialogue au profit des hommes violents Le manque de pertinence des textes de loi ne constitue pas le seul «hic». La prise en charge s'avère souvent contrecarrée par des défaillances qui privent la femme victime du droit de bénéficier d'une assistance intégrale, comptant à la fois des prestations médicales, psychologiques, ainsi qu'un suivi efficient de la situation. Dans une étude effectuée en 2009 et portant sur l'accueil et la prise en charge des femmes victimes de violence, il a été constaté que les prestations reflètent une grande disparité d'un établissement à un autre, mais aussi dans les circuits de prise en charge. La confidentialité n'est pas toujours garantie à cause de la contiguïté des locaux. D'autant plus que, dans les hôpitaux, la prise en charge se limite le plus souvent à de brèves consultations à caractère purement médical. Quant à l'aspect psychologique, — qui est le plus compliqué —, il se trouve surtout restreint à l'écoute et à l'orientation vers d'autres structures. Pourtant, un suivi ininterrompu s'impose dans le cas de violence endurée dans le milieu familial, scolaire et professionnel. Les structures étatiques sont appelées à fournir plus d'efforts dans la prise en charge et dans le suivi des femmes violentées. Des formations spécifiques au profit des médecins, des psychologues et des cadres paramédicaux s'imposent. Des cercles de débat et de sensibilisation à l'adresse des hommes violents sont aussi de nature à lutter efficacement contre ce phénomène et contre cette relation néfaste entre les genres, surtout qu'un homme violent est un homme qui souffre souvent d'un problème psychologique et, donc, qui a besoin lui-même d'une assistance spécifique. D'où le rôle de la société civile dans l'instauration de pareilles approches.