• Les femmes du Sud-Ouest et du Sud-Est sont les plus violentées en Tunisie • Un faible niveau d'éducation agit comme un facteur favorable à la violence de genre La violence de genre n'est pas un phénomène de société, susceptible d'être stoppé. Il constitue une réalité amère que vivent les femmes tunisiennes de tout âge et de tout milieu. Un mot déplacé, lancé à une femme dans un lieu public, est monnaie courante, une drague vicieuse, une bousculade préméditée à l'encontre de la gent féminine laissent déjà deviner une forme parmi d'autres de la violence de genre. L'agression physique ou celle sexuelle sont vues comme étant l'apogée de la violence à l'égard de la femme. En réalité, elles s'avèrent bien concurrencées et tout aussi dégradantes que la violence psychologique. En effet, le rapport principal de l'enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie, un projet de coopération tuniso-espagnole, réalisé par l'Office national de la famille et de la population (Onfp) et l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (Aecid), explicite clairement la prévalence de la violence à l'égard des Tunisiennes; une prévalence qui varie, certes, selon des critères sociologiques, géographiques, économiques et aussi selon les régions, mais qui montre l'atteinte à la dignité que subissent les descendantes d'Eve. Quels que soient leurs statuts civils, leurs niveaux d'éducation, leurs régions, leurs activités ou leurs âges, les femmes tunisiennes subissent au moins l'une des formes de violence de genre, et ce, tant dans le cadre d'une relation intime que dans la sphère familiale ou sociale élargie. Plus elle avance dans l'âge, plus la Tunisienne endosse sa féminité tel un motif fort, permettant à l'homme de l'agresser tant par des invectives que par la loi barbare de la force physique. Selon l'enquête, 47,6% de l'échantillon féminin représentatif interviewé, âgé entre 18 et 64 ans, affirment avoir subi au moins une forme de violence durant les 12 derniers mois. Toutefois, il y a lieu de noter que la tranche d'âge située entre 41 et 64 ans s'avère la plus sujette à la violence. Ce constat se justifie, en outre, par le cumul de la prévalence de la violence; un cumul favorisé par le nombre d'années passées dans cette logique sexiste. Cette tranche d'âge est, en effet, victime de 34,4% des cas de violence physique, 31,7% des cas de violence psychologique, 17,7% des cas de violence sexuelle et 8,9% des cas de violence économique; soit des taux nettement plus élevés que ceux relatifs à la tranche d'âge 18/40 ans. Par ailleurs, l'enquête a démontré que le facteur éducatif représente, dans la majorité des cas, l'un des éléments favorables à la violence de genre. Réduit au niveau primaire ou encore à l'analphabétisme, le niveau d'instruction de la femme joue en sa défaveur dans le duel de forces déséquilibrées entre elle et son partenaire. Les indicateurs montrent que, quelle que soit la typologie de la violence sexiste, les femmes de faible niveau d'instruction en sont les premières victimes. Aussi, les femmes analphabètes détiennent le plus grand taux des cas de violence physique avec 37,3%; celles ayant un niveau primaire subissent 31% des cas de violence psychologique, 194% des cas de violence sexuelle et 9% des cas de violence économique. Cette réalité est valable pour toutes les femmes, indépendamment de leur statut civil. En revanche, si la dépendance à l'homme, c'est-à-dire à la sphère intime, dessert la femme d'un faible niveau intellectuel ou économique, son indépendance s'avère, paradoxalement, encore plus menaçante. Et pour preuve: les femmes divorcées sont les plus violentées sur le plan physique avec, à elles seules, 67,3% des cas de violence physique. Les femmes mariées, elles, représentent 23,6% de cette population. Il est à souligner, dans ce sens, que la sphère intime, notamment la relation entre femme et homme dans le cadre conjugal, de fiançailles ou encore de relation amoureuse, est la plus propice à la violence physique. Le partenaire intime (mari, fiancé ou encore petit ami) apparaît souvent comme l'acteur des actes de violence physique et ce dans 47,2% des cas. L'environnement familial vient en seconde position. Le père ou le frère infligent les agressions sexistes dans 43% des cas interviewés. Certes, la prévalence de la violence de genre varie selon certains critères sociaux, liés à l'aptitude de la femme à se défendre contre son agresseur et à réclamer son droit à l'autonomie et à la dignité. Toutefois, certains indicateurs dévoilent une constance particulière de la violence dans des régions bien précises. En Tunisie, les femmes issues des régions du Sud-Ouest et du Sud-Est subissent plus de violence que les autres avec, respectivement, 72,2% et 54,7%, et ce, tout au long de leur vie. Par contre, les femmes habitant les régions du Centre-Est représentent le plus faible taux de violence de genre avec 35,9%. Ces indicateurs traduisent les répercussions d'une population conservatrice, à dominance masculine et où les femmes sont dépendantes des deux sphères de pression, à savoir celle intime et celle familiale. D'un autre côté, et pour ce qui est de la violence sexuelle, elle compte un pic socio-géographique situé dans le Grand-Tunis.