• La violence physique et psychologique est souvent endurée pour la vie. • Les conditions socio-démographiques jouent un rôle notable dans la prolifération du phénomène de la violence conjugale: les partenaires au chômage sont plus violents que ceux qui travaillent. La violence exercée à l'égard des femmes dans la sphère conjugale demeure, jusqu'à nos jours, une forme de violence sexiste assez répandue dans notre société. Une violence vécue par certaines femmes comme étant une fatalité à accepter et une honte à passer, absolument, sous silence. Même si le profil du mari-bourreau et celui de la femme-victime ou consentante diffèrent selon les milieux et le niveau d'instruction, le problème est incontestablement de la même gravité et ses répercussions d'ordre sociologique, psychologique et physique dépassent la seule victime pour altérer l'harmonie familiale. Dans le rapport principal de l'enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie — une enquête concoctée par l'Office national de la famille et de la population (ONFP) et l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID) —, la violence conjugale peut avoir différentes formes. Elle peut s'étendre sur une période bien déterminée de la vie du couple tout comme elle peut perdurer toute la vie. Selon l'enquête, la violence psychologique (harcèlement moral, agressivité verbale exercée volontairement dans le but de minimiser l'autre et influer négativement sur son estime de soi) accapare la part du lion dans les ménages. En effet, 24,9% des femmes interviewées subissent en permanence ce type de violence. Elle est directement suivie de la violence physique avec un taux de 21,6%. Il y a lieu de souligner que ces deux formes de violence sont récurrentes aussi bien à long qu'à moyen terme. Leurs prévalences respectives et relatives à l'année précédant l'enquête s'élèvent à 16,8% et à 7,5%. Pour ce qui est de la violence sexuelle, sa prévalence n'est pas moindre puisqu'elle est autour de 15,2% sur toute la vie. Il y a lieu de noter que ces trois formes de violence sont répandues dans les milieux socio-démographiques défavorisées et touchent plus les femmes ayant un faible niveau d'instruction et d'éducation. Aussi, les études antérieures ayant porté sur le thème de la violence à l'égard des femmes montrent l'impact protecteur du niveau intellectuel des femmes. Ces dernières sont, ainsi, moins touchées par la violence psychologique, physique et sexuelle que celles non éduquées. En effet, 28,7% des femmes victimes de violence physiques sont analphabètes contre 15% de femmes ayant un niveau secondaire et seulement 8,5% ayant poursuivi des études supérieures. Elles acquièrent ainsi plus de facteurs de protection dont l'aptitude à bien choisir leur partenaire, son niveau intellectuel et ses ressources économiques. D'où l'amoindrissement réfléchi des facteurs de divergence et de crise dans le ménage. Il est par contre à remarquer que l'écart entre les femmes instruites et celles non instruites, victimes de violence psychologique, n'est pas pour autant terrible: les femmes analphabètes, victimes de cette forme de violence, sont de l'ordre de 28,4% ; celles ayant un niveau secondaire sont de l'ordre de 20,6% et celles ayant un niveau d'instruction supérieur comptent 16,3% de cette population cible. Le milieu rural est en haut de la liste Par ailleurs, la violence exercée à l'égard des femmes varie selon le milieu. Elle s'avère plus prononcée dans le milieu rural que dans celui urbain. Ainsi, la violence physique décelée dans le milieu rural est de l'ordre de 24,3% contre 20,2% dans le milieu urbain. Celle psychologique correspond à 25,7% contre 24,5% dans le milieu urbain. L'écart est également notable pour la violence sexuelle: 17,8% dans les zones rurales contre seulement 14% dans le milieu urbain. Certes, l'écart est significatif. Toutefois, il suit la courbe de la littérature internationale sur ce point, notamment dans les pays émergents ou sous-développés comme le Brésil et le Bangladesh. Le rapport principal de l'enquête a également démontré que la violence sexiste dans les ménages tunisiens va crescendo avec l'âge, sauf pour le cas de la violence sexuelle. Dans ce cas, et selon une enquête élaborée par l'OMS, ce sont les femmes les plus jeunes qui subissent le plus ce genre d'agression de la part de leurs partenaires. Les mauvaises conditions socioéconomiques représentent par ailleurs un facteur favorable à la tension et à la violence à l'égard du genre. L'enquête montre que les partenaires au chômage exercent plus de violence que ceux qui travaillent; soit 33,9% contre 20,3% des partenaires qui exercent une violence physique; 17,7% contre 15,1% de ceux qui exercent une violence sexuelle à l'égard de leurs femmes. Dans le cas de la violence psychologique, l'écart est plus flagrant: 46,8% contre 23,7%. Le silence : l'autre ennemi Quels que soient les prétextes et les facteurs favorables à la violence à l'égard des genres, cette dernière ne peut aucunement être admise. Elle traduit un déficit communicationnel castrant, qui se transforme en un rapport de force déséquilibré, voire barbare. Ses répercussions sur la victime sont souvent tragiques. Selon le présent rapport, 16,2% des femmes victimes de violence physique indiquent qu'elles ont perdu connaissance et 4,6% avoir eu des fractures. Sur le plan psychologique, 27% des femmes violentées endurent désormais des problèmes de concentration. Quant à la vie de couple, elle s'avère souvent brisée à jamais. Aussi, 40,9% des femmes violentées avouent avoir quitté le foyer conjugal suite à l'acte de violence et que 42% d'entre elles l'ont fait car ne pouvant plus supporter d'être violentées. Cependant, seulement 17,8% d'entre elles ont eu le courage de porter plainte. Passer sous silence l'atteinte à la dignité du corps et à l'estime de soi continue, malgré l'information croissante sur ce sujet, d'alimenter la mentalité du tabou. Violentée et victime, la femme réagit souvent comme étant coupable. Ainsi 42,1% des femmes victimes de violence ne se confient à personne. Elles gardent au secret un crime qui a tendance à se perpétuer à vie. 65,4% d'entre elles ne cherchent pas à demander de l'aide et luttent seules contre le mari-bourreau. Seules 0,9% des femmes demandent l'aide appropriée d'une assistante sociale.