«Je me considère comme privilégié, car en sélection, on aménageait mes horaires d'entraînement pour me permettre de vaquer à mes révisions». Homme à succès, gagneur dans l'âme, il est sûrement l'un des meilleurs latéraux droits de l'histoire du football tunisien. Connu pour sa vélocité, sa détermination et son jeu spectaculaire, Docteur Hechmi Ouahchi, puisque c'est de lui qu'il s'agit, était un virtuose du tacle glissant et un sportif accompli, d'une extrême correction sur et en dehors du terrain. Durant les années 80, l'homme, ayant développé des qualités de vitesse et de percussion inédites à son poste, devient l'un des maillons forts de l'Etoile Sportive du Sahel. Sa vision ultra-offensive du poste d'arrière droit ne rentrait pas vraiment en adéquation avec les plans de ce football d'antan. Ce qui ne l'a pas empêché de s'imposer comme l'un des piliers de la défense étoilée. Avec Ouahchi, un nouveau type de défenseur apparaît : un défenseur rapide, puissant, capable de défendre comme d'attaquer. Il nous parle du football de son époque, aux côtés de la génération étoilée des Hsoumi, Garna, Brahem, Boudriga et Mizouri: «J'ai atterri dans la bulle du football étant petit, en étanchant ma soif de jouer du côté de la vieille ville, à Jabbanét El Ghorba. Les terrains vagues de cet illustre endroit sont les pourvoyeurs de tant de talents. La plupart des joueurs de l'ESS des années 80-81 venaient de là, à l'instar de Hsoumi, Chebbi, Garna, Naffati, Cherif... Puis, après, tout s'est enchaîné. Signer à l'Etoile entrait dans l'ordre naturel des choses. En 1975, chez les cadets, coach Bouraoui Sarhane m'a aligné et la mécanique s'est emballée. J'ai côtoyé à l'Etoile tant d'entraîneurs tels que Ridha Zouaghi, Hsouna Denguezli (qui a veillé sur les destinées des Abdelmajid Chetali, Mohsen Habacha, Hassan Mehri), Dragan, Amor Dhib, Faouzi Benzarti et autre Raouf Ben Amor. Il y a eu aussi le Russe Nicolai Koudiev et le Bulgare Nikodimov. «Une difficile équation sport-études» L'on dit que j'ai incarné la difficile équation sport-études. Mais, moi, je dirais que j'ai aussi eu un destin favorable, tout en bénéficiant de circonstances qui m'ont permis d'aller au bout de mes intentions, projets et autres plans de carrière. Concilier football et études de médecine fut un challenge à la fois éprouvant et exaltant. Je me rappelle que j'ai été marqué par le docteur Hamed Kammoun, Othmane Jenayah et Bechir Gribâa qui ont achevé avec succès leurs études universitaires. Au prix de beaucoup de sacrifices, j'ai achevé mon internat et décroché mon diplôme. Vous savez, les figures de proue de l'Etoile que sont Hamed Kammoun, Mohamed Driss, Hamadi Mestiri, Abdeljelil Bouraoui, Mustapha Mâarouf, Ezzeddine Douik, et j'en passe, accordaient la priorité aux études. Dans le même ordre d'idées, feu mon père était très exigeant envers nous. Il fallait coûte que coûte privilégier les études. Je me considère comme privilégié. Car même du temps où j'étais en sélection, on aménageait mes horaires d'entraînement pour me permettre de vaquer à mes révisions. Qu'il s'agisse de Piechniczek, Mokhtar Tlili, Ameur Hizem, Hmid Dhib ou Taoufik Ben Othman, l'on m'a toujours accordé un régime spécial. Idem pour les membres fédéraux que sont Ahmed Sahnoun, Boubaker Ben Jrad, et j'en passe. Sur le terrain, j'étais une tout autre personne. Loin de l'intellectuel qui planche sur ses bouquins. J'étais implacable sur l'homme. Agressif dans le bon sens car je n'ai jamais écopé de carton rouge. Jamais, je ne me suis laissé aller à la brutalité. Mon jeu a aussi beaucoup évolué au fil du temps. Je me rappelle que j'étais une sorte de latéral volant qui apporte son concours offensif. Avec Faouzi Benzarti, j'apportais même le surnombre qui déséquilibrait le jeu adverse. Dédoublements et centres en course font ainsi partie de ma palette de jeu. Actuellement et depuis quelque temps, des latéraux tels que Saber Ben Fredj et Hamdi Nagguez se sont engouffrés dans la brèche...Je me rappelle un fait insolite où des attaquants adverses me marquaient à la culotte alors que l'inverse devait normalement être de mise! En sélection, j'ai croisé et côtoyé tant de joueurs talentueux qui sont actuellement des amis proches. Samir Bakaou, Amor Jebali, Hamda Ben Doulet, Ghommidh, Habib Gasmi, Kamel Chebli, Tarak Dhiab, Ben Yahia, Rached Tounsi, voilà un panel de joueurs vertueux qui ont marqué leur époque. Moi, en tant qu'arrière droit, je jouais tout le temps en rupture. Je m'engouffrais et traçais mon chemin sur la ligne de touche, jusqu'aux bases arrière adverses. Pour aborder un plan plutôt personnel, loin du football, si je n'étais pas dans le football ou dans le monde de la médecine, j'aurais aimé faire de la politique! C'est un monde qui me fascine depuis mon enfance où nous avons tous été bercés au rythme des discours de Bourguiba. J'ai ainsi beaucoup travaillé dans le domaine associatif et j'ai intégré tout jeune le conseil municipal de Sousse. Pour revenir au sport-roi, je pense qu'il faut relativiser. Nos problèmes sont d'ordre structurel et requièrent une réflexion approfondie, sorte d'états généraux du sport. Il faut aussi revenir à certaines valeurs et aux fondamentaux. Pour revenir au sujet de l'heure, les souvenirs d'antan, ils furent nombreux et impérissables. Le meilleur d'entre tous, la qualification aux Jeux olympiques de Séoul avec Taoufik Ben Othman. Il y a eu aussi le match comptant pour les éliminatoires du Mondial' 90 face à la Zambie. J'ai marqué un certain Kalusha Bwalya à la demande express de Mokhtar Tlili. Il faut savoir que Bwalya venait de remporter le Ballon d'Or africain. La Zambie avait écrasé l'Italie 4-0 aux olympiades, ce qui n'est pas peu. Je suis en quelque sorte le spécialiste des marquages serrés. J'ai aussi réussi cette mission en muselant un certain Faouzi Rouissi. Sans vraiment avoir de regrets, je me demande ce qu'aurait pu être ma vie si j'avais opté pour l'AS Monaco un temps. Les Monégasques m'ont sondé, mais je n'ai pas donné suite... Chapitre idoles, Chetali, Habacha et Jenayah sont pour moi de grands champions. Quant aux meilleurs latéraux de Tunisie des années modernes, je choisis Hatem Trabelsi et Tarek Thabet, des défenseurs complets à la panoplie de jeu riche et variée».