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Ras-le-bol d'une communauté stigmatisée Sit-in des étudiants africains après l'agression à l'arme blanche de trois étudiants congolais à la station la République
Ils sont environ six mille, deux fois moins qu'avant 2011, mais ils étaient une petite centaine, hier, d'étudiants africains de différentes nationalités en sit-in devant le Théâtre municipal sur l'emblématique avenue Bourguiba. Ils étaient venus protester contre les actes racistes dont ils sont la cible, contre l'indifférence des autorités tunisiennes et le sentiment de non-droits, de laissés-pour-compte dans un pays engagé dans des accords bilatéraux avec leurs pays d'origine Le motif de la colère est à la fois ancien et nouveau. Le racisme. La dernière agression, violente et barbare, remonte à la veille. Deux jeunes étudiantes congolaises et un de leurs compatriotes ont été poignardés sans raison par un «détraqué» (selon les premières révélations du père aux services de police), aux abords de la station la République, au Passage, au cœur de la capitale. Une des deux filles égorgée est toujours dans un état comateux. La deuxième est dans un état stationnaire, quant au troisième, il a pu quitter l'hôpital après avoir reçu les soins nécessaires à l'hôpital Charles-Nicolle de Tunis. «Un mois auparavant, ce fut une étudiante ivoirienne qui aurait été attaquée par le même « détraqué », disent-ils. Du côté du ministère de l'Intérieur, on apprend que l'agresseur a été arrêté et placé en garde à vue et l'enquête poursuit son cours. Pas de carte de séjour En colère et dépités, ces jeunes africains le sont, et pas seulement des agressions verbales et physiques qui se sont multipliées ces six dernières années. «Nous avons, de tout temps, été pris à partie et agressés mais encore plus fréquemment et plus violemment depuis 2011», affirment-ils. Leur colère se transforme en désarroi quand ils tentent de comprendre les raisons de la passivité des autorités officielles qui à leur tour ne leur facilitent pas la vie : «Nous avons d'énormes difficultés à obtenir des autorités concernées la carte de séjour pour étudiants, ce qui nous expose à des problèmes divers et nous pénalise lourdement ; nos représentations diplomatiques ont tenté d'obtenir des réponses mais leurs courriers restent sans suite», confient-ils. Pourtant, ces étudiants africains fréquentent les établissements tunisiens d'enseignement supérieur aussi bien publics que privés, implantés dans les différentes régions du pays. Certains, sans doute des lauréats, bénéficient d'une bourse d'Etat accordée par leur pays d'origine. Les autres, leurs parents triment, comme les familles tunisiennes, pour leur assurer une formation de qualité et un diplôme reconnu. La question est de savoir que font les nombreuses associations et organisations de défense des minorités et des droits de l'Homme ? Ces jeunes africains vivent et étudient dans un pays arabe, musulman, au nord de l'Afrique et aux portes de l'Europe. Une situation géographique et stratégique qui, conjuguée à l'histoire de la Tunisie, proche et lointaine, en fait une terre d'accueil, de tolérance et d'asile. Ces jeunes africains ne sont pas des étrangers, ce sont des hôtes, et dans l'accueil que leur réservent les Tunisiens seront définies l'image du pays et sa position par rapport au rapprochement des peuples. Engagement politique ? Sur le plan politique, la question ne fait pourtant pas de doute. Et pour cause : aujourd'hui même, la Tunisie célèbre la journée nationale contre la discrimination raciale. A l'occasion, le ministre des Relations avec les instances constitutionnelles, Mehdi Ben Gharbia, des représentants de la société civile tunisienne, de l'Organisation internationale de la migration (OIM) et du Réseau euroméditerranéen des droits humains sont réunis aujourd'hui pour débattre de l'état des lieux de la discrimination raciale en Tunisie, des engagements internationaux de la Tunisie en tant qu'Etat partie de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Cerd) et des dernières recommandations du comité Cerd. Au cours de cette journée d'étude, les participants examineront également le vide juridique en matière de lutte contre la discrimination raciale, la proposition de loi n°54/2016 relative à l'élimination de la discrimination raciale ainsi que le rôle de l'Instance nationale des droits de l'homme et des médias dans ce même combat. En clôture du programme, un concert Stambali prévu ce soir sous la tente plantée sur l'avenue Bourguiba, en hommage à la musique de la communauté noire tunisienne. Sous cette même tente ouverte au public, une exposition sur l'abolition de l'esclavage en Tunisie en partenariat avec les Archives nationales de Tunisie. L'événement est opportun et il faut espérer que son impact le soit davantage. Les jeunes africains en sit-in hier, rencontrés devant le Théâtre municipal, ont souhaité la révision des textes de loi obsolètes et l'application des accords bilatéraux et internationaux qui leur permettent de jouir pleinement de leurs droits d'étudiants et de citoyens africains vivant dans la légalité dans un pays ami. Du travail reste à faire également au niveau des mentalités.