Quand Béji Caïd Essebsi a lancé le 14 janvier 2016 l'initiative du Congrès national de la jeunesse, il savait que les jeunes lèveraient tous les voiles. Aujourd'hui, ils dévoileront les contours de la Tunisie qu'ils souhaitent voir à l'horizon 2030 «L'avenir de nos enfants est entre les mains de notre jeunesse», c'est la devise sous laquelle est placé le Congrès national de la jeunesse dont les travaux seront clôturés aujourd'hui. L'objectif du congrès est, comme l'a annoncé Majdouline Cherni, ministre de la Jeunesse et du Sport, que «les jeunes reprennent confiance en les institutions de l'Etat, se prennent en charge et comprennent que leur participation à la vie publique n'est pas une faveur que leur accorde le gouvernement en place, mais bien à la fois un droit fondamental et un devoir sacré». Et si aujourd'hui, six ans après la révolution, nos jeunes font montre d'une démission remarquable et remarquée et répugnent à s'intégrer dans la vie politique nationale et partisane (seuls 7% d'entre eux s'adonnent à une activité politique), c'est qu'il existe sûrement un dysfonctionnement quelconque au niveau de la politique de jeunesse mise en œuvre depuis la révolution, que les insuffisances décriées à l'époque du régime déchu persistent toujours et que nos jeunes se sentent toujours indésirables et empêchés de faire entendre leur voix aussi bien au niveau du gouvernement qu'à celui des partis politiques auxquels ils appartiennent, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. La Tunisie à l'horizon 2030 Hier, Majdouline Cherni a ouvert le Congrès en soulignant : «Près de 40 mille jeunes ont participé du 1er octobre au 13 novembre 2016 à 1.230 tribunes de dialogue tenues à travers l'ensemble des régions de la République, outre les espaces de débats virtuels. Ces rencontres ont permis aux jeunes participants de parler directement aux responsables nationaux, régionaux et locaux et de leur dire ce qu'ils avaient sur le cœur et de faire part de leurs propositions quant à ce que le gouvernement doit entreprendre en matière d'emploi des jeunes, de leur encouragement et de leur encadrement pour lancer leurs propres projets. Et aussi de révéler qu'ils en ont ras-le-bol de la politique politicienne et qu'ils sont déterminés à s'opposer farouchement au retour des anciennes pratiques qui instrumentalisaient les jeunes à des fins politiques bas de gamme». Rabiaâ Najlaoui, conseillère auprès du chef de l'Etat, chargée des affaires de la jeunesse, précise : «Le rapport général du congrès et les recommandations qui seront issues des différents ateliers de réflexion constitueront le socle de la stratégie intégrée de la jeunesse tunisienne à l'horizon 2030 et aussi le point de départ des lois et des réformes à entreprendre en vue de soutenir la participation des jeunes à la vie publique». Et quand on dit vie publique, ça signifie des secteurs comme l'enseignement, l'emploi, la culture, la citoyenneté et aussi la lutte contre le terrorisme. Les résultats des 1.230 tribunes de dialogue organisées dans les régions seront aussi pris en considération puisque les 6 ateliers de réflexion que compte le congrès national vont y puiser pour l'élaboration du rapport général. On s'oriente, dans les coulisses du Congrès, à demander l'institutionnalisation du «dialogue stratégique avec les jeunes dans le sens de la création d'une instance permanente de dialogue avec eux». Reste posée, avec acuité, la relation des jeunes avec les partis politiques: pourquoi ces jeunes boudent-ils toujours les activités partisanes et considèrent-ils encore que les partis politiques n'ont recours à leurs services qu'à l'occasion des élections législatives ou présidentielle ? Beaucoup de jeunes qui ont participé aux élections du 23 octobre 2011 (ANC) et à celles du 26 octobre 2014 (ARP) et se sont activés au profit de plusieurs partis politiques expriment aujourd'hui leur déception et s'estiment être trompés par ceux en qui ils ont placé leur confiance. Le Congrès national de la jeunesse pourra, à travers, les résultats auxquels il aboutira, signer le retour de cette merveilleuse flamme d'enthousiasme qui a mobilisé la jeunesse tunisienne fin 2010-début 2011 quand elle a décidé de balayer la dictature et la répression. A la condition que nos jeunes saisissent qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Les structures gouvernementales ou partisanes sont là pour les accompagner et non pour leur définir la voie à suivre. Repères Les tribunes de dialogue locales et régionales se sont étalées du 1er octobre au 13 novembre 2016 Le gouvernorat de Tunis a enregistré le plus grand nombre de tribunes : 988 sur les 1.230 tenues dans l'ensemble du pays Les participants au dialogue de sexe masculin sont estimés à 63%, alors que le taux des jeunes filles est de 37% L'initiative de l'organisation du Congrès de la jeunesse a été lancée par le président Béji Caïd Essebsi le 14 janvier 2016 à l'occasion de la célébration du 5e anniversaire de la révolution.