Les syndicalistes attendent beaucoup de ce congrès, notamment une vision... C'est véritablement le congrès de la mutation de l'Ugtt. L'organisation a réussi sa transition et a pu se positionner correctement après le 14 janvier 2011, en encadrant en temps opportun le soulèvement du peuple tunisien contre le régime de Ben Ali. Longtemps critiquée pour son « machisme », la centrale syndicale a réussi à faire voter lors de ce congrès, un article permettant à deux femmes au moins d'accéder au bureau exécutif et aux commissions, et ce, à partir du prochain congrès. Si elle est présentée comme une avancée majeure par les ténors de l'organisation, dehors, devant l'hôtel où se tient le congrès, les femmes syndicalistes ne sont pas tout à fait contentes. Elles estiment que les femmes devraient être présentes avec force lors de ce congrès. « Ce projet, nous y avons travaillé en tant que bureau national de la femme travailleuse, nous sommes fières de l'adoption du principe du quota, explique Habiba Sellini, membre de la fédération de l'agriculture et candidate au bureau exécutif. Cependant, nous espérions que la disposition soit mise en application à partir de ce congrès ». Montrant clairement leur mécontentement à l'extérieur de l'hôtel, les femmes syndicalistes estiment que l'Ugtt ne s'est pas complètement affranchies de sa « mentalité masculine ». Enjeux Les enjeux du congrès ne s'arrêtent pas là, après avoir joué un rôle national ces dernières années, l'Ugtt ne compte pas se désengager. « Compte tenu des menaces qui pèsent encore aujourd'hui sur notre démocratie, la Tunisie a plus que jamais besoin que l'Ugtt soit présente », estime ainsi Slaheddine Selmi, congressiste et secrétaire général de l'Union régionale du travail de Kairouan. Un avis partagé également par le secrétaire général adjoint de l'Ugtt, Bouali Mbarki, qui considère que la centrale syndicale a été tout le temps, d'une manière ou d'une autre, au-devant de la scène politique, mais aussi sociale et nationale. « Il faut comprendre que l'Ugtt est une organisation différente des autres puisqu'elle n'est pas l'émanation d'un parti politique, explique-t-il. Elle aura donc toujours son mot à dire. Je vous rappelle que Farhat Hached, le fondateur de l'Ugtt, a été assassiné en raison de son combat contre la colonisation et non pas pour son travail syndical ». Dans une lettre adressée à l'organisation dimanche, le militant palestinien emprisonné Marouen Barghouthi qualifiait l'Ugtt de « la plus importante organisation du monde arabe ». Une place que revendiquent aujourd'hui haut et fort les dirigeants de la centrale. « Nous avons toujours été le porte-voix de la cause palestinienne lors des manifestations internationales en imposant le sujet dans des motions ». D'ailleurs, lors de ce congrès l'une des motions votées vise à refuser toute forme de normalisation avec l'Etat sioniste. Vote des motions Depuis hier après-midi, les congressistes ont commencé à discuter et à voter un rapport moral que défend le secrétaire général sortant Hassine Abassi et dans lequel il dresse la liste de ses réalisations à la tête de l'organisation. De son côté, Bouali Mbarki a fait une présentation détaillée des finances de l'organisation. Jusqu'à tard dans la nuit, les motions ont été longuement discutées puis votées. Il s'agit de la motion générale, de la motion économique, de la motion contre la normalisation, la motion du règlement intérieur et de la motion professionnelle. « Une fois les motions votées, le bureau exécutif élu devra s'y conformer », a indiqué Bouali Mbarki. Les congressistes attendent beaucoup de ce congrès notamment sur le plan de la vision de l'Ugtt pour les prochaines années, en témoigne le président de l'URT de Kairouan, Slaheddine Selmi, qui s'attend à ce que le congrès se prononce sur des sujets tels que la retraite ou encore la question du développement régional. D'autres syndicalistes attendent des éclaircissements quant à l'amendement du code du travail, l'amélioration des conditions de vie des travailleurs du secteur privé mais ils demandent également à ce que la carte sanitaire soit revue et corrigée afin de garantir une meilleure prise en charge des habitants des régions. Le secrétaire général adjoint sortant Belgacem Ayari a, de son côté, appelé à une évolution des méthodes de travail et des formes de militantisme. « Aujourd'hui, nous devons regarder un peu ce que font les organisations syndicales dans le monde, a-t-il déclaré. Faire grève n'est pas toujours la meilleure réponse ». Elections Au moment où nous mettions sous presse, les résultats des élections du bureau exécutif n'ont pas encore été communiqués. Mais selon les premières informations, il se pourrait que la liste finale soit le fruit d'un compromis entre les deux listes concurrentes, l'une menée par Noureddine Taboubi, l'autre par Kacem Affia. En effet, dans la pratique, le système de liste n'existe pas, puisque les congressistes votent pour les personnes. Un consensus qui pourrait donc arranger les affaires de tout le monde et surtout éviter que l'organisation perde sa cohésion. « L'Ugtt est une organisation populaire qui regroupe toutes les sensibilités politiques de droite et de gauche, mais son point fort c'est justement la capacité d'avoir des divergences, bien sûr que dans le cadre d'élections il va y avoir des querelles, mais celui qui sera élu sera sans conteste notre leader », résume Slaheddine Selmi. Neuf candidats ont préféré cependant jeter l'éponge avant le début du scrutin. Il s'agit de ceux qui ont compris que mathématiquement ils ne pouvaient pas être élus et de ceux qui préfèrent que le vote ne soit pas émietté et se désistent en faveur d'autres candidats, il en restait 29 hier. Sauf coup de théâtre, Noureddine Tabboubi sera très probablement le successeur de Hassine Abassi à la tête de l'Ugtt.