Trois listes entrent en lice pour les treize sièges du Bureau exécutif Huit candidats ont figuré sur deux listes présentées comme étant «consensuelles» La direction sortante présente ses excuses au peuple pour le soutien qu'elle avait apporté à la candidature de Ben Ali lors des élections présidentielles de 2009 Les résultats définitifs des élections seront proclamés aujourd'hui Les travaux du 22ème congrès ordinaire de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) se sont poursuivis hier à Tabarka. La séance matinale de cette dernière journée du congrès placé sous le slogan «Ô peuple, je t'aime» a été consacrée à la poursuite du débat sur les rapports moral et financier. Les congressistes ont notamment évoqué, à cette occasion, les atteintes au droit syndical et les diverses préoccupations des salariés dans les régions ou les secteurs d'activité qu'ils représentent. Hassen Chebil (secteur du bâtiment) a plaidé pour l'abaissement de l'âge du départ à la retraite dans le secteur du bâtiment et travaux publics au regard de la pénibilité des métiers qui en relèvent. Il a également appelé les autorités à ouvrir enquête sur les conditions de privatisation des entreprises publiques cédées au clan Trabelsi sous le règne de Ben Ali. Le secrétaire général de la fédération de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Houcine Boujarra, a jugé inadmissibles les menaces qui pèsent sur les libertés académiques et publiques dans les universités, tout en mettant en garde contre le risque de voir des partis politiques tenter de prendre le contrôle des syndicats. De son côté, Sami Tahri (secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire) a estimé que le système éducatif national doit être revu de fond en comble afin de garantir une éducation au service des valeurs de la démocratie et de la tolérance. Ce même intervenant a appelé la nouvelle direction qui sera issue du congrès à rejeter le prélèvement de quatre journées de travail sur les salaires. Le secrétaire général de l'Union régionale du travail du Kef a, quant à lui, mis l'accent sur la détérioration de l'infrastructure et des services sociaux dans la région du Kef, qui est, selon lui, frappée de plein fouet par le chômage. Demande de pardon La parole a été ensuite donnée aux membres du Bureau exécutif sortant qui ont unanimement reconnu avoir commis des erreurs sans manquer de demander pardon auprès des salariés et du peuple. « Nous avons tous des défauts. Ben Ali avait tous les pouvoirs en main, ce qui nous a obligés à faire quelques concessions en contrepartie de la préservation de l'UGTT et de la protection des syndicalistes », a précisé Abessalem Jerad. Le secrétaire général sortant de la principale organisation syndicale en Tunisie a présenté, à cette occasion ses excuses au peuple pour le soutien que la direction sortante de l'UGTT avait apporté à la candidature de Ben Ali lors des élections présidentielles de 2009. Pour sa part, Hassine Abbassi a indiqué que l'appui syndical apporté à la candidature de l'ancien président était une « erreur stratégique » alors que Abid Briki a appelé les syndicalistes à se tenir à l'écart de tous les partis politiques tout en jouant le rôle d'un précieux contre-pouvoir afin d'éviter toute nouvelle dérive autoritaire. Dans ce même registre, Belgacem Ayari a appelé les syndicalistes à resserrer leurs rangs pour pouvoir résister aux campagnes de dénigrement ciblant l'organisation, indiquant que les partis politiques au pouvoir voient d'un mauvais œil l'attachement de l'UGTT à jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir et de gardien du temple des libertés individuelles et publiques. Il s'est aussi dit convaincu que l'organisation syndicale restera une citadelle imprenable pour les partis politiques qui tentent déjà de la domestiquer en s'attaquant à ses symboles. La séance de l'après-midi a été réservée à la discussion des motions du congrès. Les élections du électorale du Bureau exécutif, de la commission nationale du règlement intérieur et de la commission du contrôle financier ont démarré dans la soirée de mercredi à jeudi. Trois listes Une quarantaine de candidats sont restés en compétition pour les treize sièges du bureau exécutif, après le retrait de plus de vingt-cinq candidatures. Malgré l'accélération des tractations, le consensus est resté mou, ce qui a favorisé l'entrée en lice de trois listes. La première liste a été le fruit de réunions marathons entre 17 régions et une quinzaine de secteurs. Cette liste soutenue par la direction sortante comprend trois membres du Bureau exécutif sortant (Hassine Abbassi, Mouldi Jendoubi et Belgacem Ayari) et dix représentants des unions régionales et des syndicats généraux les plus influents : Noureddine Tabboubi (union régionale de Tunis), Mohamed Msalemi et Bouali Mbarki (union régionale de Ben Arous), Abdelkrim Jrad, Samir Cheffi ( union régionale de Sfax), Sami Tahri ( syndicat de l'enseignement secondaire), Anouar Ben Gaddour ( fédération de l'enseignement supérieur) Kacem Afaya (fédération de la santé) Kamel Saâd ( fédération du tourisme) et Hfaïedh Hfaïedh ( syndicat de l'enseignement primaire). Une deuxième liste a été également présentée comme étant «consensuelle». Prêtée au courant «achouriste» (en référence à Habib Achour, le charismatique ancien leader syndicaliste), cette liste comporte huit candidats figurant sur la première liste (Abbassi, Jendoubi, Msalemi, Tahri, Ben Gaddour, Tabboubi, Saâd et Cheffi). Les cinq autres candidats figurant sur la première liste ont été remplacés par Monaâm Amira, Moncef Ezzahi, Hédi Ben Jemaâ, Tahar Karbari et Hédi Ghodhbani. Une troisième liste a renforcé la confusion générale et les incertitudes électorales. Et pour cause : Elle a regroupé sept noms figurant sur la première liste (Mouldi Jendoubi, Hassine Abbassi, Mohamed Msalemi, Anouar Ben Gaddour, Sami Tahri, Hfaïedh HfaIedh, et Kacem Afaya) , aux quels se sont ajoutés deux représentants de l'opposition syndicale (Taieb Bouaïcha et Fraj Chabbah), deux femmes (Naima Hammami et Najoua Makhlouf) et deux présentant des régions , en l'occurrence Samir Cheffi (Sfax) et Abdelmagid Sahraoui ( la région du Sahel). Bien que les surprises restent très probables, les observateurs s'accordent à dire que les candidats dont les noms sont présents sur toutes les listes ont de fortes chances d'êtres élus. Il y aurait aussi un consensus autour du nom de Hassine Abbassi pour le poste de secrétaire général de l'organisation. A noter que les résultats définitifs des élections devraient êtres proclamés aujourd'hui, à l'aube. Walid KHEFIFI Dans les coulisses «L'UGTT avait demandé à Ben Ali d'expulser le clan Trabelsi, dès le 8 janvier 2011» Le secrétaire général adjoint sortant de l'UGTT chargé de la couverture sociale, Ridha Bouzriba, a révélé, hier, que la direction de l'organisation syndicale avait demandé à Ben Ali d'expulser le clan Trabelsi dès le 8 janvier 2011, soit six jours avant la chute de l'ex président. « Nous avons demandé à l'ex Premier ministre Mohamed Ghannouchi de dire à Ben Ali que l'UGTT souhaite qu'il expulse les membres du clan Trabelsi », a-t-il indiqué, sans autre précision. «Les syndicalistes doivent s'excuser pour avoir élu Ismail Sahbani », selon Ridha Bouzriba Le secrétaire général adjoint sortant de l'UGTT, Ridha Bouzriba, a estimé, hier, que les syndicalistes doivent s'excuser pour avoir élu Ismail Sahbani à la tête de l'UGTT à trois reprises (1989, 1993, 1999). On reproche notamment à Ismaïl Sahbani de s'être aligné durant ses mandats sur les positions officielles et sur celles du patronat. Accusé de «malversations et de mauvaise gestion », cet ancien secrétaire général de l'UGTT a été contraint à la démission en septembre 2000 puis traduit en justice et condamné, en octobre 2001, à treize ans de prison ferme et à de fortes amendes. Il a été amnistié en 2003. Refus de l'ingérence étrangère dans les affaires tunisiennes Le slogan « Le peuple tunisien est libre, ni le Qatar, ni les Etats-Unis ne lui dicteront ses choix » a été brandi à plusieurs reprises par les congressistes. Ce slogan constituerait une réaction aux informations selon lesquelles les partis majoritaires au sein de l'Assemblée Constituante auraient nommé dans le nouveau gouvernement des ministres soutenus par les Etats-Unis et le Qatar. Les rapports moral et financier adoptés à l'unanimité Les rapports moral et financier ont été adoptés à l'unanimité, hier en fin d'après-midi. Lors du débat général, ces rapports avaient fait l'objet de quelques réserves ayant notamment trait aux dépenses élevées de l'organisation (69 millions de dinars depuis septembre 2007) . Quelque 70 congressistes seraient proches d'Ennahdha Selon des sources proches du Bureau exécutif sortant, quelque 70 congressistes seraient proches du mouvement islamiste Ennahdha, vainqueur des dernières élections. Ces congressistes auraient voté pour des syndicalistes partisans de la ligne modérée et opposés à la confrontation avec le pouvoir, selon les mêmes sources.