Le départ de Si Mustapha Zoubeïdi pour un monde meilleur a beaucoup touché le microcosme sportif, même ceux qui ne l'ont pas connu de près. L'occasion semble propice pour dire à tous qui était l'homme, et donner aux jeunes générations une idée sur le journal Le Sport, ce grand monument de la presse écrite sportive où le défunt a fait des merveilles avec le duo Mahmoud Ellafi, le fondateur, et Ameur El Bahri, le manitou. Si Mahmoud, bien que fatigué, nous révélera tout sur les raisons de l'éclipse du grand ingrédient du lundi Arborant une casquette dès qu'il est à l'œuvre, Si Mustapha savait garder son sang-froid face à nos erreurs d'expression sans nous taquiner ni les étaler ironiquement devant qui que ce soit à commencer par l'intraitable patron qui, à l'époque, faisait la pluie et le beau temps dans les milieux sportifs. Un hebdomadaire inoubliable Ayant fait mes premiers pas dans le domaine au sein du journal le plus populaire des années 60 et 70 du siècle dernier et, ayant fièrement côtoyé les grandes figures qui ont fait la gloire de l'hebdomadaire le plus prestigieux de tous les temps, je ne saurais rater l'occasion de mettre dans le bain les générations ayant raté l'âge d'or de la presse sportive écrite. Espérant leur permettre de vivre l'ambiance ayant régné dans ce journal pendant un quart de siècle! «La tête pensante» Le grand «petit» organe d'informations sportives était modestement installé au premier étage d'une bâtisse sise au 6, rue Kamel Ataturk (ex-rue de Besançon). Le pivot et manitou de l'équipe en place était incontestablement Si Ameur Bahri, actuel secrétaire permanent de l'Espérance Sportive de Tunis, quoique n'ayant pas de grandes atouts rédactionnels, était le cerveau et la tête pensante. Il s'occupait de tout. Il traçait la ligne éditoriale du journal. Grâce à un flair infaillible, il savait charger l'homme qu'il fallait de la mission qu'il fallait. Il triait les correspondants. Et tenait à couvrir toutes les régions du pays sans jamais négliger les divisionnaires. Le dévouement et la bravoure de Si Ameur, DGA de fait, lui ont valu la confiance absolue du maître en titre. Que l'ardeur et la fougue qu'il opposait souvent à ses détracteurs et ses accusateurs de parti pris lui auraient joué de mauvais tours, n'eussent été les tentatives insistantes que déployait Ameur Bahri. Celui-ci réussissait à chaque fois à calmer le jeu et les esprits, à tourner le dos à la polémique et à éviter les gros titres provocateurs et enflammés... Mahmoud au cœur d'or Cela dit, autant le maître de céans était impulsif et coléreux, autant il avait un cœur d'or. Et voilà l'une des anecdotes révélatrices de cette bonté innée. Toute l'équipe rédactionnelle de l'époque doit probablement encore s'en souvenir et s'en délecter... Si Mahmoud Ellafi faisait imprimer son hebdomadaire auprès du journal La Presse. Pour gagner du temps, il envoyait les copies au 6, rue Bach Hamba, au fur et à mesure que Si Mustapha les corrigeait, ceci par le biais de l'un des coursiers du journal, un sacré rigolo, grand amateur de la dive bouteille. Et comme le bonhomme était une mine d'humour et de finesse d'esprit, il était à chaque fois interpellé par ses amis Majdoub, Rezouga, Lakdhar, Jerbi et autres qui l'attendaient sur des charbons ardents... Quant à Si Mahmoud, qui avait toujours le feu aux trousses et avait toujours une peur bleue de distribuer son journal tardivement dans les régions, il jurait à chaque fois ses grands Dieux de mettre à la porte les flemmards. Mais il n'avait jamais osé faire ce pas, aux revers fâcheux, sur le père d'une famille si nombreuse. Une équipe fidèle et inlassable D'autre part, parmi l'équipe ayant constitué l'ossature et les piliers du journal Le Sport, autour du fondateur de l'organe, Mahmoud Ellafi, l'on cite notamment Mustapha Zoubeïdi, Ameur Bahri (avec sa rubrique «A toute question une réponse»), Abdelaziz Dahmani dit Zouzou (avec ses rubriques «Tirs au but», «Le passé éclaire le présent» et ses pertinentes caricatures qui faisaient le bonheur des sportifs. Parmi les belles plumes s'étant relayées à la tête de la rédaction, l'on n'oubliera pas Mahmoud Bedir, Morched Ben Ali, Mondher Tebourbi, Ridha Najjar, Fethi El Houidi, etc. Quant aux collaborateurs permanents, l'on cite le champion des statistiques Abdelwaheb Derouiche, Hamed Badri (avec Dialoguez avec...), Rafik Ben Arfa, Moncef Ghalloussi, Mahmoud Bougatfa, etc. Cela dit, quelles étaient les circonstances et les raisons ayant précipité la fermeture d'un si grand monument de la presse écrite sportive? Mahmoud Ellafi est presque le seul à pouvoir nous dire le «pourquoi». Selon lui, feu Mohamed Mzali, alors premier ministre et président du comité olympique, de concert avec feu Mondher Ben Ammar, alors ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, ont cherché à s'immiscer dans la ligne éditoriale et le contenu du journal. N'ayant pu supporter une telle intrusion dans son propre organe privé et, de guerre lasse, il avait fini par déclarer la fermeture pure et simple de l'hebdomadaire au mois de septembre 1983. Ceci après pas moins de 25 ans d'une belle existence, en l'absence de cette infinité de chaînes de télévision avec leurs «Dimanche-Sport», «Souiaâ-CAN», «Stade Ettassiaâ», etc. Un grand militant discret Pour terminer, Si Mahmoud, que Dieu préserve sa santé, devait profiter de l'aubaine pour nous dire, d'une voix tremblante par l'émotion, les yeux humides combien il avait été ému par la perte de Mustapha Zoubeïdi dont les liens d'amitié et de fraternité précédaient la belle aventure sportive ayant davantage cimenté les relations des deux hommes. «Mustapha Zoubeïdi, ajoute-t-il, était une grande référence dans toutes les disciplines sportives. Et l'avenir ne manquera pas d'édifier ceux qui n'ont pas assez connu Si Mustapha. Sur l'homme que j'ai si bien connu et apprécié. Il s'agit aussi d'un grand militant discret qui a connu les ténèbres des prisons coloniales».