«Venise-Tunis 1600», concert de musique baroque finement mené par des musiciens français et tunisiens et présenté vendredi et samedi derniers à l'Agora à La Marsa. Le temps de deux soirées, l'espace l'Agora nous a offert l'occasion de savourer un programme original et d'une haute facture autour de la musique baroque. Ce concert est né d'un challenge, une rencontre entre des musiciens des deux rives de la Méditerranée pour se rappeler et rappeler les relations culturelles et historiques entre Venise et Tunis (Carthage) et qui remontent aux XVIIe et XVIIIe siècles. A Venise, on y croisait des voyageurs venus de l'Empire ottoman comme des provinces barbaresques. C'est un creuset où les musiques se croisent dans une créativité foisonnante. Les rythmes viennent d'Espagne ou d'Amérique. Les musiciens voyageurs venaient de partout et faisaient découvrir leurs divers instruments et leurs cultures. Au cours de ce concert, nous avons pu découvrir ce visage musical cosmopolite de la Venise du XVIIe siècle, entre musiques italiennes et d'Europe centrale, entre mélodies ottomanes, persanes ainsi que des compositions tunisiennes. En mille ans, donc, Venise s'est imposée comme un carrefour entre l'Orient et l'Europe. Ce sont presque toutes les influences que ce concert fait entendre dans ce programme artistiquement dirigé par Jean-Christophe Frisch. Flûtiste baroque (traverso) et chef d'orchestre français, fondateur et directeur musical de l'ensemble de musique baroque XVIII-21, Jean-Christophe Frisch n'a pas attendu que le multiculturalisme soit une mode pour explorer et rapprocher les continents, et pour rappeler que de tout temps la musique a été un vecteur de découverte mutuelle des cultures et des pensées. Puisque la rigueur musicologique est indissociable d'une grande vivacité sur scène, il a initié le baroque nomade, un projet basé sur le nomadisme et le voyage à la rencontre des musiques extra-européennes, savantes ou populaires. D'où la naissance de ce projet qu'on a eu le plaisir de découvrir et d'apprécier. Un univers musical aux rythmes riches, toniques, lumineux et à la vivacité légère. La flûte de Jean-christophe Frisch, le luth de Fadhel Boubaker, les percussions de Abdelkader Belhadj Kacem et la viole de gambe de Rémi Cassaigne ont été rehaussés par la prestation des deux sopranos aux voix de velours : Amel Sdiri et Cyrille Gerstenhaber. Les morceaux s'enchaînaient, délivrant une musique tantôt sobre, tantôt dense et colorée. Un magnifique métissage et une belle fusion entre les musiques traditionnelles du Maghreb, d'Orient et de la Méditerranée. Quant aux chansons, elles étaient tantôt débitées en italien et en arabe littéraire, tantôt en dialecte tunisien. Les variations contenues dans le programme ont également promené le public dans les méandres des «mouwachahats», et dans les arcanes de l'opéra, interprétés par des voix fortes et touchantes, soutenues en cela par des instruments au jeu irréprochable. Le public présent a longuement applaudi les artistes pour cette performance distinguée.