L'investissement dans la production d'électricité à partir des énergies renouvelables sera enfin ouvert au secteur privé, avec la finalisation du cadre juridique et réglementaire. Mais la concertation public-privé concernant les procédures à entreprendre est cruciale pour bien mener cette approche et réaliser l'objectif de porter la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité à 30% d'ici 2030 Le chef du gouvernement a signé tout récemment les arrêtés ministériels qui régulent les cahiers des charges des projets d'autoconsommation et d'autorisation pour la production par le secteur privé des énergies renouvelables ainsi que les contrats de vente de l'énergie à la Steg. Intervenant au cours de la conférence sur « le programme de production de l'électricité à partir des énergies renouvelables », organisée par l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), le 10 février 2017, Hela Cheikhrouhou, ministre de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables, a indiqué que ces cahiers des charges constituent les textes d'application de la loi n°2015-12 relative à la production d'électricité à partir des énergies renouvelables et du décret n°2016-1123 fixant les conditions et les modalités de réalisation des projets de production et de vente d'électricité à partir des énergies renouvelables. Manuel Ce processus juridique sera finalisé par le projet du manuel de procédures préparé par le ministère de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables pour identifier les critères d'octroi des projets et les conditions de réalisation. Une question qui a été pleinement débattue lors de la conférence, essentiellement en ce qui concerne les conditions de réalisation de ces projets. Actuellement, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité, une part qu'on prévoit de porter à 12% en 2020 et à 30% en 2030. L'implication du secteur privé est ainsi cruciale pour réaliser ses objectifs stratégiques. Hichem Elloumi, vice-président de l'Utica, a indiqué que le secteur privé a besoin d'une vision claire sur la stratégie de développement des énergies renouvelables ainsi que d'un plan d'action qui prend en compte les expériences des autres pays comme l'Allemagne et l'Espagne ou encore le Maroc et la Jordanie. « Il est important d'avoir un vrai dialogue public-privé. Nous ne voulons pas subir un cadre juridique et réglementaire qui a été défini par les différents gouvernements. Nous voulons être impliqués dans son élaboration et sa mise en œuvre », affirme M. Elloumi. Pour Mme Cheikhrouhou, la conférence est l'occasion pour les industriels pour émettre leur avis sur le manuel des procédures et aussi sur les problématiques que connaît le secteur des énergies renouvelables. La principale critique a concerné le tarif de vente de la production, qui a été soumis dans le manuel à la proposition de l'investisseur. « C'est un tarif qui doit être proposé par le porteur de projet et qui doit inclure toutes les dépenses et ne doit subir aucun ajustement », explique Abdelhamid Khalfallah, sous-directeur de la maîtrise de l'Energie à la Direction générale de l'énergie. Une procédure qui comporte des risques pour les promoteurs locaux, selon Ali Kanzari, président de la Chambre syndicale du photovoltaïque. Il souligne que la mise à concurrence des tarifs va créer un effet de dumping, en favorisant le moins disant. « Ceci va attirer les grands groupes internationaux qui seraient tentés d'investir en Tunisie et ne laisseront que des miettes aux Tunisiens. En plus, cette procédure va compliquer le traitement des dossiers, surtout avec les délais longs et la lourdeur administrative. Ceci va bloquer le développement du système et des entreprises », indique-t-il. Visibilité M. Kanzari ajoute qu'il faut également préparer une cartographie de la Tunisie pour identifier l'implantation des projets. « On navigue dans l'obscurité. Nous ne connaissons pas la capacité d'absorption du réseau. Il faut adopter un système d'information géographique qui définit le réseau de la Steg et les postes d'injection pour plus de visibilité aux promoteurs », réclame-t-il. Concernant la problématique de financement des projets, la ministre a affirmé que les financements sont disponibles, rappelant que plusieurs bailleurs de fonds et d'investisseurs ont exprimé leurs engagements dans la matière lors de l'accord de Paris sur le climat. « Reste que nous avons besoin de projets bancables et bien structurés. Nous avons un grand avantage d'avoir un acheteur unique et bancable qui est la Steg. D'ailleurs, je précise qu'il n'y a pas de concurrence entre elle et le secteur privé, parce que les besoins en énergie augmentent et nous avons besoin des privés pour renforcer la production électrique. D'ailleurs, parmi les 1000 mégawatts que nous comptons produire, les deux tiers seront consacrés au secteur privé », précise-t-elle. Pour M. Kanzari, le financement reste un grand défi pour les industriels dans le secteur des énergies renouvelables. Il indique que malgré la baisse du prix du KW à travers le monde, il ne détermine pas, à lui seul, le coût global des projets. Il affirme que d'autres coûts pèsent lourd à l'instar de l'achat des panneaux photovoltaïques, y ajoutant les taxes douanières et les coûts des crédits. « Nous payons 20% pour les taxes douanières et 18% pour la TVA », lance-t-il. A ceci, s'ajoute le problème de glissement du dinar tunisien. « Demain, un projet de 10 MW peut coûter 25 MDT », assure-t-il.