Lors d'une réunion tenue lundi 6 octobre 2025 au palais de Carthage, le président de la République Kaïs Saïed a évoqué avec le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Fathi Zouheir Nouri, le rôle de la Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF) dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cette rencontre intervient dans un contexte marqué par des alertes répétées sur des flux financiers occultes et des pratiques frauduleuses qui continuent de déstabiliser l'économie tunisienne. Un communiqué officiel de la présidence a révélé que d'importantes sommes d'argent sont envoyées clandestinement depuis l'étranger, blanchies puis utilisées par des personnes physiques ou morales, bancaires ou non, sans contrôle ni surveillance adéquats. Kaïs Saïed a aussi souligné que ces pratiques violent non seulement la législation nationale, mais aussi les conventions internationales auxquelles la Tunisie est partie, et a appelé à leur cessation immédiate. Composition et missions de la CTAF Créée au sein de la Banque centrale, la Commission Tunisienne des Analyses Financières est composée du gouverneur de la Banque centrale ou de son représentant, d'un juge de troisième grade, de représentants des ministères de l'Intérieur et des Finances, de la Direction générale des Douanes, du Conseil des marchés financiers et d'un expert en criminalité financière. Les membres sont nommés par les ministres concernés. La CTAF est chargée d'élaborer les grandes orientations pour la détection et la déclaration des opérations financières suspectes. Elle émet tous les trois mois des rapports destinés aux autorités compétentes et collabore avec des commissions homologues à l'étranger. Elle reçoit également des informations sur des personnes et entités suspectes à l'échelle internationale. L'expert en droit bancaire, Mohamed Nakheli, a expliqué que la commission reçoit des déclarations d'opérations suspectes provenant des institutions financières ainsi que des professionnels mentionnés dans la loi anti-terrorisme et anti-blanchiment, tels que les banques, la Poste tunisienne, les comptables, experts-comptables et avocats. Ces derniers sont tenus par la loi de lever leur secret professionnel pour déclarer toute suspicion à la CTAF. Cependant, en dépit de ces prérogatives, la commission ne peut surveiller directement les transferts financiers entre banques étrangères et tunisiennes ou via la Poste sans réception préalable d'une déclaration de suspicion. Cette limitation entrave la capacité de la CTAF à détecter efficacement certains mouvements suspects. "De plus, bien que la réforme de 2015 ait donné à la commission le droit d'accéder aux documents et rapports bancaires, elle reste confrontée à un manque de ressources humaines et logistiques qui freine l'analyse exhaustive des notifications reçues", a-t-il encore précisé, lors de son passage mardi 7 octobre sur les ondes d'Express Fm. Responsabilités et préconisations La CTAF est également responsable de la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Elle propose des sanctions lorsque les banques omettent de déclarer des opérations suspectes et exerce un contrôle régulier sur les institutions financières et autres acteurs concernés. La commission est tenue de transmettre les dossiers pour lesquels une suspicion est avérée au pôle judiciaire financier, chargé d'enquêter et de poursuivre. Selon Nakheli, malgré ces responsabilités, un certain nombre de déclarations de suspicion ne sont pas traitées, ce qui pourrait provenir de lacunes dans les procédures ou d'un manque de moyens. Le volume réel des dossiers et notifications traités par la CTAF reste inconnu, ce qui complique l'évaluation de son efficacité. Face à ces constats, la présidence de la République appelle à une révision complète du dispositif de lutte financière tunisien. Kaïs Saïed insiste sur la nécessité d'augmenter les moyens humains et techniques de la CTAF et d'améliorer la coordination entre les différentes institutions impliquées pour assurer une détection plus rigoureuse et une action judiciaire rapide. Ce renforcement est essentiel pour freiner les flux financiers illégaux, restaurer la confiance dans le système financier national et respecter les engagements internationaux de la Tunisie en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.