Deux rencontres, puis la grosse désillusion de la relégation. C'est le genre de mésaventure arrivé à Hamadi Daou à la tête de l'Olympique de Sidi Bouzid. Pourtant, l'ancien coach du Club Sportif Sfaxien a eu le courage d'accepter de s'attaquer à une mission impossible. Et il ne le regrette pas aujourd'hui, estimant avoir énormément appris en deux petites semaines. Un comité de sauvetage doit de suite tenir le gouvernail El Afi était la locomotive qui tirait le club sa disparition a constitué un tournant Chaque changement d'entraîneur occasionne une rechute Certains joueurs n'ont même pas de quoi se nourrir Pourquoi l'OSB et l'OB ne seraient-ils pas repêchés pour jouer le play-out ? La compétence n'est plus le premier critère dont on tient compte Hamadi Daou, vous avez pris en main l'OSB à deux journées de la fin alors que sa situation était déjà largement compromise. N'est-ce pas là un risque insensé? Oui, beaucoup de gens m'ont reproché de courir un tel gros risque. Je leur ai dit qu'un entraîneur qui ne prend pas de risques doit rester chez lui bien au chaud. Le risque figure dans la nature même de notre profession. En fait, des gens de Sidi Bouzid m'ont contacté en espérant que j'apporte mon expérience pour un tel défi. Que doit faire un entraîneur en Tunisie: attendre qu'un club de la bande des quatre grands l'appelle pour l'entraîner ? En débarquant jeudi 2 février, comment avez-vous trouvé l'équipe ? Physiquement à plat, et cela est compréhensible. Tout le travail entrepris depuis le début de saison était tombé à l'eau. Chaque changement d'entraîneur occasionne naturellement une rechute. Il ne peut qu'être néfaste car il déconcentre les joueurs qui ne savent plus sur quel pied danser, quelle stratégie de jeu suivre... Il y eut au moins quatre entraîneurs à avoir débarqué cette saison: Lassaâd Maâmer, Khaled Mouelhi, Tarek Thabet et moi-même. Avec les intérims, ils doivent être cinq ou six. Après le départ de Tarek Thabet, l'OSB était resté une dizaine de jours sans entraîneur. Les joueurs ne s'étaient pas entraînés comme il faut. D'emblée, vous avez pris une raclée (4-0) à Tataouine, enfonçant un peu plus le club.... J'ai conduit tout juste trois séances avant d'aller à Tataouine. Je ne connaissais pas encore le nom de mes joueurs. Physiquement, je ne pouvais pas accélérer le rythme de travail car les joueurs étaient fatigués. Le travail était davantage d'ordre mental. Il fallait tenir un discours de nature à regonfler le moral des joueurs. Et puis, contrairement à Sidi Bouzid, Tataouine a bénéficié d'une stabilité tant au niveau technique que du bureau directeur. Il est presque impossible de gagner à Tataouine. Nous n'avons pu travailler sérieusement que juste avant le match face à l'ESS. Notre réveil a été tardif. L'effectif de l'OSB était-il outillé pour rester en Ligue 1 ? La qualité existe, il y a beaucoup de bons joueurs. Seulement, quantitativement, l'effectif était insuffisant. Certains postes n'étaient pas doublés. Par exemple, au poste de latéral gauche, nous n'avons personne. La faute à qui ? Au mercato, il n' y avait ni comité ni responsables pour remédier à ces lacunes. Pourquoi Sidi Bouzid s'était-il laissé entraîner aussi bas ? La situation de l'OSB n'est pas née avec la dernière journée. C'est l'accumulation de plusieurs carences enregistrées au mercato d'été, des changements intempestifs d'entraîneur, des incertitudes au niveau du bureau directeur après le décès de l'ancien président Abdelkader El Afi, des sources de financement qui manquent... Le décès du président El Afi a sans doute constitué le tournant qui a plongé l'OSB dans la tourmente... Oui, El Afi ressemblait à une locomotive qui tirait le reste. Même si je ne l'ai pas connu, je crois que sa disparition n'a jamais été compensée. Dès lors, il n' y eut plus ni locomotive qui tire ni wagons à tirer. Aujourd'hui, les joueurs qui ont passé une saison tourmentée font vraiment pitié. Ils ont travaillé dur, mais ils ne sont pas payés. Ajoutez-y cette rétrogradation dès le mois de février. Qui va les payer désormais ? Comment vont-ils faire avec leurs familles ? N'oubliez pas qu'ils n'ont que le foot comme source de revenus. Tout comme le garde-matériel, les techniciens... Ils ne pourront rejouer qu'au mois de juillet prochain quand le mercato sera rouvert. Ils ne pourront dans l'immédiat rejouer même pas pour un club de Ligue 3. J'ai senti les joueurs très tristes. Une fois la relégation consommée, je les ai trouvés désemparés, à la dérive. Croyez-moi, certains joueurs n'ont même pas de quoi se nourrir. Alors, vous pensez qu'ils vont engager un préparateur physique pour maintenir leur condition physique d'ici le prochain mercato ? Vous rigolez ou quoi ? Certains ont évoqué une dernière journée où l'éthique n'a pas été respectée dans tous les stades. Quel est votre avis sur le sujet ? L'extrasportif existe dans le football, surtout dans une dernière journée décisive. Les vingt dernières minutes du match Union Sportive de Ben Guerdane-Jeunesse Sportive Kairouanaise ont été un simulacre de football. Est-ce du football ? Est-ce du fair-play ? Par contre, je peux certifier que notre dernière rencontre a été régulière de bout en bout. L'Etoile a été correcte, respectant l'éthique, ce dont je la remercie. Elle aurait pu égaliser à la 90e minute, puis à la 4e minute du temps additionnel. Nous, nous avons fait notre devoir. Nous aurions pu ajouter un second but sans l'intervention miraculeuse de Nagguez. Certes, l'ESS comptait de nombreuses absences, mais que voulez-vous : Jemal et Abderrazak étaient suspendus, Msakni, Ben Amor et Mathlouthi blessés. Mais les Bedoui, Boughattas, Lahmar, Nater... qui ont été alignés ne sont pas des seconds choix, loin s'en faut. Je crois que notre public a apprécié notre performance. A la fin du match, il a longuement applaudi ses joueurs malgré l'amertume de la relégation. Il sait que la descente était consommée depuis longtemps. Le responsable de la commission de soutien Rachid Ftini l'avait rappelé le soir même de ce dernier match. Il a même regretté n'être pas intervenu à temps pour sauver la situation. Comment l'OSB peut-il à votre avis revenir rapidement parmi l'élite ? Le comité de sauvetage doit tenir fermement le gouvernail en cherchant à drainer des fonds. Sidi Bouzid doit conserver son effectif, et, mieux encore, chercher à l'étoffer. Je sais que ce sera dur. Toutefois, si vous apportez à un joueur des garanties financières, il reste avec vous. Il préfère cela plutôt que l'aventure en L1 où plusieurs clubs sont incapables de payer régulièrement leurs joueurs. Que vous apporte dans votre carrière cette brève et amère expérience ? Beaucoup. En deux semaines, j'ai découvert ce que je n'ai pas vu durant toute ma carrière. En Tunisie, notre football est à deux vitesses. Il y a des joueurs qui gagnent 100 mille dinars par mois. D'autres ne trouvent même pas de quoi effectuer un déplacement par bus, de quoi se nourrir. Deux mondes aux antipodes. Comment voyez-vous le play-out qui va se jouer pour le maintien ? J'espère qu'il se jouera dans un esprit fair-play, sur le terrain seulement. Pourquoi la Fédération ne repêcherait-elle pas Béja et Sidi Bouzid, condamnés dès le mois de février par des règlements sordides qu'on ne trouve nulle part ailleurs au monde? De la sorte, ils disputeront le play-out, et tous les mal classés joueront à chances égales pour le maintien. Et le play-off ? Le titre va se jouer entre les quatre grands clubs du pays. Ben Guerdane et Metlaoui sont sans doute tout heureux d'être arrivés aussi loin. Ils joueront à mon avis le rôle d'arbitres, et vont piéger beaucoup de clubs. Le football tunisien se trouve-t-il sur la bonne voie ? Non, loin de là. Quand vous voyez le système de la compétition cette saison, l'état des pelouses de Bizerte, Sidi Bouzid, La Marsa... L'anarchie qui règne dans les stades, la violence qui caractérise la majorité écrasante des rencontres, les parties arrêtées...., vous ne pouvez pas penser le contraire. C'est en tout cas à l'image du pays. Enfant du Club Sportif Sfaxien, envisagez-vous un proche retour au club de vos premières amours? Oui, dans mon esprit et dans mes projets figure un retour au CSS comme technicien: entraîneur, directeur sportif, directeur technique... Je crois que le CSS est aujourd'hui sur la bonne voie. Il sait quand lancer dans le grand bain les jeunes talents. Il a sorti deux dernières rencontres de qualité face à l'ESS et au CAB. Un projet est en train de se construire. Nestor Clausen doit-il rester alors que la question de sa licence technique n'est toujours pas réglée ? En Tunisie, on exige la licence CAF «A» pour entraîner en Ligue 1. Clausen ne va pas être l'exception. Soit il possède les diplômes auquel cas il doit jouir de la licence technique, soit il doit se rendre à l'évidence. On est une grande nation du football. Les diplômes comptent. Jusqu'à quand Clausen va-t-il continuer à demander des autorisations spéciales ? Cela fait un bon bout de temps que l'on a perdu de vue Hamadi Daou avant qu'il ne réapparaisse à Sidi Bouzid.... En fait, j'ai exercé la saison dernière à la tête de Nadi Dhamak, en D2 saoudienne. Nous avons atteint les quarts de finale de la coupe. J'étais parti de mon propre gré suite à un différend avec mon président. J'ai mes principes. Il restait encore quatre journées à jouer, et nous étions en tête de classement. Par ailleurs, je n'ai pas été dans les plateaux des télés comme consultant pour des raisons familiales. Je n'aime pas être aux devants de la scène, je préfère la discrétion. Enfin, le foot d'aujourd'hui vous attire-t-il toujours ? Non, il me déçoit de plus en plus. L'extrasportif prédomine. Il vous faut être avec flen ou felten, son protégé, avoir sa bénédiction, sinon, vous êtes écrasé. La compétence n'est plus le premier critère dont on tient compte. C'est un football qui marche forcément sur la tête. Et qui n'ira pas très loin s'il continue ainsi.