Producteur et cinéaste italien, Stefano Tealdi est l'un des plus grands experts du cinéma documentaire. Nous l'avons rencontré lors des Ateliers Sud Ecriture où il a dirigé un atelier de films documentaires. Quel est votre regard sur les projets documentaires présentés cette année à l'atelier Sud Ecriture. La démarche de cet atelier était très intéressante : trois projets seulement ont été présentés et discutés autour d'une table qui a réuni trois producteurs, deux experts dans diverses problématiques sociales, quatre cinéastes et moi-même. Une journée a été réservée à chaque projet, ce qui nous a permis de mieux connaître l'intention de son auteur. Cet atelier nous a permis donc de donner plus de cohérence aux projets présentés. Les trois projets présentés étaient très différents : le portrait d'un personnage, une recherche dans le monde arabe, l'histoire d'une jeune fille horriblement torturée et le contexte tunisien dans lequel elle évolue. Les trois projets m'ont beaucoup impressionné. Ils m'ont appris des choses sur la façon dont les auteurs traitent de la réalité d'aujourd'hui avec courage et ouverture, en essayant de saisir les contradictions de la société dans laquelle ils vivent. Un autre élément qui m'a frappé est que chaque projet présente le monde et la société tunisienne et arabe d'une manière non conventionnelle. Ils évitent les simplifications, mais conduisent à une connaissance approfondie des blessures que la société tunisienne d'aujourd'hui porte en elle-même. Mais comme il se passe souvent, la partie la plus faible des projets est leur structure narrative. Beaucoup d'attention est accordée aux thématiques aux dépens d'un traitement narratif du film. Nous avons beaucoup travaillé durant ces quatre jours avec une dernière journée consacrée à une rencontre individuelle entre les auteurs et moi-même. Et je pense que je peux dire que les résultats sont très satisfaisants. Est-ce que le monde du film documentaire exige aujourd'hui une nouvelle écriture? Aujourd'hui, les possibilités techniques vous permettent de tourner et de monter facilement des séquences audiovisuelles, ce qui suggère que l'écriture n'est plus nécessaire. Au lieu de cela, je crois que, au contraire, elle continue d'avoir un rôle vital dans le cinéma documentaire. En écrivant, l'auteur se concentre sur ses idées, les analyse, les approfondit, les met dans l'ordre. Peut-être qu'aujourd'hui les choses ont changé. Autrefois, on écrivait tout avant de commencer le tournage. Aujourd'hui, on écrit avant et pendant la prise de vue, et on écrit avant et pendant le montage. L'écriture d'un film documentaire, par opposition à un long-métrage, est en constante évolution, jusqu'à la sortie du film. Pourquoi le film documentaire prend-il de plus de en plus de place dans les festivals du monde? Depuis que le film documentaire a cessé d'être une documentation de la réalité pour devenir une histoire subjective de la réalité vue par l'auteur, sa propagation dans les festivals et dans les cinémas a augmenté. Nous sommes encore loin d'être considérés sur un pied d'égalité avec les films de fiction, mais cela est le chemin. Aujourd'hui, en fait, beaucoup de gens appellent ce genre de film «le documentaire du réel». Ce changement (à partir d'une documentation narrative) n'est pas facile, surtout pour les auteurs, toujours déchirés entre la nécessité de «changer le monde» et de «divertir» le public. Dans les festivals, cette double intention peut intéresser le public. Je crois donc que ce genre cinématographique sera de plus en plus présent dans les festivals.