Les huissiers-notaires sont en grève générale, hier et aujourd'hui, en signe de protestation contre ce qu'ils considèrent comme des pratiques humiliantes, préjudiciables à leur dignité et à la corporation tout entière. Leur débrayage pourrait ainsi perdurer si le pouvoir exécutif ne révise pas ses comptes et ne cesse pas de mettre la profession au pas. Dans une conférence de presse, tenue, hier matin à Tunis, M. Tahar Ben Nassr, président de l'Ordre national des huissiers-notaires, a déclaré que cette grève de deux jours fait suite à deux raisons majeures : l'arrestation « injuste » de leur collègue et sa mise en garde à vue à Jendouba et le caractère obsolète de la loi organisant le métier datant de 1995. Pour lui, ce fut la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Sur un ton ironique, l'orateur a vivement dénoncé l'acte en justice intenté par le procureur de la République de Jendouba à l'encontre de leur collègue dont l'arrestation est survenue, alors qu'il était déjà en train de préparer sa mutation professionnelle à Tunis. Et comme il lui est permis, avant de quitter, de devoir finir avec tous les dossiers à sa charge pour l'intérêt de ses clients dans la région, où il exerçait en tant qu'huissier-notaire, le procureur de la République l'a accusé pour fausse identité. Cette accusation jugée dérisoire et illégale est survenue, à l'en croire, suite à une plainte ordinaire déposée par le concerné, et qui rentre dans le cadre de son métier. Loi contre loi Comment peut-on omettre à un huissier-notaire en exercice sa qualité professionnelle?, se moque-t-il, indiquant qu'un tel acte judiciaire frise le ridicule. Il le qualifie de « mascarade » et d'injustice flagrante dans l'histoire de la profession. « Quoi qu'il en soit, par ignorance de la loi ou par négligence des libertés, il est inadmissible de se comporter ainsi», s'indigne-t-il. « La dignité des huissiers notaires et leur libertés sont au-dessus de toute considération», lit-on sur une banderole placardée sur le mur d'en face, derrière la tribune. L'autre cause de la grève est bel et bien la loi de 1995 régissant la profession, laquelle ne fait plus usage. « Qu'elle cesse d'être en vigueur», appelle-t-il. Et de demander à ce que le nouveau projet de loi la remplaçant soit adopté sans délai. Surtout que, rappelle-t-il, ce projet, tel que conçu par les huissiers-notaires, eux-mêmes, a été approuvé par le gouvernement depuis 2014, mais qui dort encore dans les tiroirs de l'ARP. « Pour nous, cette revendication ne peut plus attendre.. », conclut-il, menaçant que les mouvements protestataires ne vont guère s'arrêter jusqu'à ce que leurs demandes soient satisfaites. La faute au procureur Voulant apporter plus de précisions, le secrétaire général de l'Ordre des huissiers-notaires, M. Samir Lachheb, a jugé que l'actuelle loi en vigueur relatif à l'organisation du métier n'est pas conforme à la nouvelle constitution, tous articles confondus, d'autant plus qu'elle s'oppose aux intérêts aussi bien des professionnels que des justiciables. Il considère l'arrestation de son collègue comme une mesure liberticide, voire anti-constitutionnelle (art. 111). Quant au vice-président de l'Ordre, M. Sadok Yahia, il a imputé cet état de tension dans lequel se trouvent, actuellement, les huissiers-notaires, au procureur de la République de Jendouba. «La faute incombe au procureur», estime-t-il. S'y ajoute, lance-t-il, le vide juridique dont souffre, aujourd'hui, la loi en question. «Il est temps de la remplacer. Sinon, nous continuerons notre combat à tout prix, allant jusqu'à présenter, malgré nous, une démission collective même», menace-t-il.