«Lapidez-moi, ainsi vous lapiderez toutes les femmes insolentes en moi. Lapidez en moi la beauté et la lumière. Lapidez en moi toutes les houris. Lapidez-moi...s'écrie Leila Toubel. Même morte, je vivrai d'amour et de paix». Un spectacle qui vous prend aux tripes. J'ai vu Solwen quatre fois et me prépare à faire de même pour Hourya. Hourya est née par une nuit sans lune, adoubée par une djinn qui traça son destin. A partir de là, Leila Toubel accompagnée en musique et en présence par Mehdi Trabelsi déroule en mode slam, sans rupture de rythme, sans temps morts, sa longue litanie de nos espoirs, de nos mal-être, de nos peurs, de nos promesses non tenues, et malgré tout de l'amour vainqueur, de la liberté triomphante. C'est beau comme une tragédie grecque, et drôle comme une sitcom. La trame est simple : celle d'Eurydice ou de Juliette, d'amours contrariées, d'un majnoun Hourya qui pactise avec la mort et va chercher sa bien-aimée jusqu'aux portes de l'enfer. Mais l'enfer est sur terre aujourd'hui, et il la rattrape. Sur ce fil conducteur mis en scène à travers une émission de radio — nos collègues apprécieront — Leila Toubel enchaîne actualités et légendes, insoutenables réalités et allégories, violence et poésie. Et quand le pathos affleure, d'une chiquenaude elle l'écarte, d'un trait d'humour, d'une allusion, elle allège l'atmosphère. C'est peut-être cela la force de son exceptionnel talent : jouer sur les registres, passer de la tension la plus exacerbée à la dérision, et nous conduire, du bord des larmes à l'éclat de rire. Il n'empêche que la salle toute entière, qui, debout, lui faisait une standing ovation, avait la gorge nouée. Elle, Leila Toubel, pleurait sans retenue, comme Mehdi Trabelsi, le musicien qui, au-delà de sa musique, donnait une densité, un fil conducteur, une structure à ce spectacle musico-théâtral dédié à la mémoire des victimes de la barbarie. Catharsis diriez-vous ? Oui, certes, mais aussi un immense talent. Juste un mot pour terminer : merci à la mystérieuse FK qui a permis que ce spectacle se fasse et que Leila Toubel remercie dans le folio remis aux heureux privilégiés ayant pu assister à cette première. Mais aussi à maître Naget Yacoubi qu'elle remercie également pour son inlassable combat pour les droits humains.