Par Khaled TEBOURBI Des affaires encore, cette semaine. Deux, spécialement : la démission d'Amal Moussa de la direction de «Carthage» et l'enregistrement «fuité» de Nidaa. Aucun rapport à première vue. Mais un égal tollé. Mais au bout du compte, un point commun. La démission d'Amal Moussa a surpris le public. Pas nous. Pas les «initiés». On s'interrogeait, en fait, depuis décembre, depuis le début : que venait faire une poétesse, une intellectuelle, une universitaire de ce grade, là-dedans ? Non pas dans le «Carthage» des Arts et des lettres, Amal Moussa en a parfaitement le profil, mais dans cette «galère» de l'establishment culturel tunisien, au milieu de cette bureaucratie obsessionnellement pointilleuse, suspicieusement «radine»,et sous la coupe d'une tutelle devenue plus soucieuse de son pouvoir, que de ses dossiers. On s'interrogeait, mais on ne doutait pas un instant de l'issue. Amal Moussa a mis trois mois, trois fastidieux mois, pour s'en apercevoir. Avant elle, Latifa Lakdhar en avait mis le triple. Sonia M'barek de même. Mais pour être «éconduite sur le fil», aux termes d'une bien sulfureuse «tractation». Ce que fut le détail de la démission paraît, dès lors, secondaire. Les festivals, grands comme petits, se plaignent depuis toujours de «l'hégémonie» du ministère. C'est une constante de la vie des festivals, qui peut varier néanmoins. Selon le contexte, les personnes, les situations. Amal Moussa invoque «le rôle de simple façade» auquel «la réduit Mohamed Zine Labidine». Doléance courante, certes, mais le parcours de l'actuel ministre, son attitude face aux cinéastes, le conflit engagé, cet automne, avec Brahim Ltaïef et son équipe des Jcc, lui confère, quand même, un surplus de crédit. Les réponses fournies, mardi dernier, sur «Chems fm», par-dessus tout. Quelques-unes choquent vraiment. Comme de dire que «Amal Moussa ne valait pas le poste».Pourquoi alors l'avoir nommée ? Comme de confier que cette nomination «a été décidée pour des raisons humaines». Entendre par apitoiement ! ? Outre l'inélégance, un jour de fête de la Femme, la perplexité : est-ce sur ces bases que l'on donne à gérer nos institutions ? Mêmes questionnements à propos de l'enregistrement «fuité» de Nidaa. On y a eu droit aux banalités.Venant de membres d'un premier parti, de son chef exécutif, et d'élus de l'Arp. Navrant ! Pis : à désespérer. A désespérer, en vérité, de nous-mêmes, et de nos propres choix. Car une chose, une seule, nous distingue des années de la dictature :c'est que nous élisons nous-mêmes nos gouvernants, et qu'en conséquence, il nous appartient à nous, et à nous seuls, d'en répondre, d'en juger et d'en décider. Par notre vote libre, nous sommes en amont et en aval de tout. Directement ou indirectement. Les députés, c'est nous. Les ministres et leurs directeurs, c'est nous. Leurs grands et petits fonctionnaires, c'est nous. L'organigramme de l'Etat, en définitive, c'est nous. Tout ce que la gouvernance draine de bien ou de mal, en dernière instance, c'est nous. Voilà le point commun entre la gestion malhabile d'un festival, et la dérive éthique d'un premier parti. C'est que tout cela, au final, nous «revient à la figure». Retour à l'envoyeur. Aux électeurs. A nous, libres votants. Ces ministres de la Culture, ces directeurs de festivals, ces bureaucrates, ces petits et grands commis, ne sont, plus ou moins, de près ou de loin, que nos délégataires, nos mandataires, d'une façon ou d'une autre, nos élus. S'il y a un gâchis (et il y en a eu à «Carthage» comme à Nidaa), ce n'est pas tant la faute à ceux-ci ou à ceux-là, que celle d'électeurs qui auront mal choisi leurs cadres et leurs dirigeants. Ou alors (malheureux paradoxe de cette démocratie débutante)ce serait parce que ces cadres et ces dirigeants, ces petits et grands commis confisquent déjà les places, et que personne n'ose encore les en déloger.