L'année 2017 est celle à la fois de grandes réformes et d'élections locales. Deux événements par rapport auxquels les jeunes auront à jouer un rôle déterminant L'Institut des hautes études commerciales (Ihec), à Carthage, a marqué sa 75e année d'existence en inaugurant hier une série de «rencontres directes» qui devraient, dans la période qui vient, rassembler des membres du gouvernement et des citoyens autour de questions politiques et économiques. Et c'est au chef du gouvernement, M. Youssef Chahed, qu'est revenu l'honneur d'ouvrir le bal à travers une rencontre avec les étudiants de l'Ihec, auxquels se sont mêlés quelques anciens de l'établissement, dont des membres de l'actuel gouvernement. L'événement a eu lieu dans une ancienne chapelle, qui témoigne du passé colonial des plus vieux bâtiments de l'école. M. Chahed a pris place au centre, dans une position qui se voulait sans doute de proximité à l'égard de l'assistance, puisqu'il n'y avait ni estrade ni pupitre. Après des mots de bienvenue des maîtres de céans, suivis par une introduction du ministre de l'Enseignement supérieur, M. Slim Khalbous — ancien directeur de l'Ihec par ailleurs — le chef du gouvernement a pris la parole pour un assez long exposé. Il a évoqué les jeunes, trop absents de la chose publique et à qui il demande de se sentir davantage concernés par le pays et son avenir. Il a rappelé la réussite politique de la Tunisie, avec l'abolition d'un régime qui consacrait un discours unique, des médias aux ordres et une liberté restreinte. Cette réussite, souligne-t-il, «nous y avons travaillé», à travers la mise en place d'une nouvelle Constitution et de nouvelles règles du jeu pour la vie publique. Mais, ajoute-t-il à l'adresse des présents, nous n'avons pas encore travaillé sur un nouveau modèle économique. Nous traînons toujours le modèle d'un Etat qui remonte à la première période de l'indépendance et qui est censé garantir l'emploi... Il a évoqué également la nécessité d'un désengagement de l'Etat des secteurs dits concurrentiels, se défendant de «vendre le pays» : «Ce n'est pas vrai !» Quatre réformes au menu Les réformes à engager, fait-il remarquer, correspondent justement à cette mutation du rôle de l'Etat, qui doit désormais être de «régulation»... Quelles réformes ? Il en mentionne quatre, dont il affirme qu'elles marqueront l'année 2017. Premièrement, il y a la réforme de l'administration et de la fonction publique. L'administration ne récompense pas l'effort et traite indifféremment ceux qui travaillent et ceux qui travaillent moins. Youssef Chahed parle ici de nouvelles compétences à créer, dans le cadre d'une «haute fonction publique», avec de nouveaux plans de carrière... Et dénonce une administration actuelle qui ne fait plus rêver, qui manque de cadres et dont le seul moteur de promotion est le nombre des années qu'on y passe. Seconde réforme : le financement de l'économie. La situation des régions intérieures en matière d'investissement reste de ce point de vue un indicateur éloquent d'un échec du modèle actuel, où les banques publiques ne remplissent pas leur rôle. D'où la nécessité d'ailleurs de rétablir leur assise financière : «On a injecté 700 millions de dinars dans la STB, au détriment d'autres actions possibles, afin que cette banque puisse de nouveau financer des projets dans le domaine de l'agriculture, de l'artisanat...». Le microcrédit, insiste le chef du gouvernement, est un grand gisement d'emplois. Il invoque l'exemple de pays comme les Etats-Unis pour souligner que des affaires florissantes ont commencé par de petits crédits. Par ailleurs, il lance un appel à ceux qui, de façon illégale, ont placé de l'argent à l'étranger et fait comprendre qu'il y a des solutions de régularisation : «On a un problème de liquidités et toutes les sources de financement sont bonnes, à charge pour certaines de retrouver leur légalité...» Une autre réforme concerne les entreprises publiques, qu'il s'agit de restructurer, notamment à travers des «fonds souverains»... «Les lois, ajoute-t-il, devront fluidifier !». Enfin, la dernière réforme évoquée porte sur les retraites, dans un contexte d'augmentation considérable du nombre des retraités par rapport au nombre d'actifs. Les déficits s'accumulent et il n'est plus permis de rester sans rien faire, explique Youssef Chahed. Un moyen d'agir consiste à relever l'âge de la retraite. Un autre est d'instaurer une «TVA sociale». Mais il est également possible de recourir à un mix des deux... Le principe de la mobilité L'exposé du chef du gouvernement en est venu ensuite au thème central de l'emploi et de la stratégie du gouvernement en vue de combattre le chômage — «revendication essentielle de la révolution» ! Ce qui devait conduire au thème de l'initiative privée — l'axe le plus important — en passant par celui de la «croissance» et par celui de «l'emploi aidé». Les jeunes sont de ce point de vue un partenaire essentiel, qu'il faut aider : accompagner, coacher, etc. Mais le projet doit mûrir dès l'université. Pour Youssef Chahed, le potentiel humain existe : il y a des capacités d'innovation qui dépassent celles qu'on trouve ailleurs. Et il y a des fonds alloués aux microcrédits à hauteur de 250 millions de dinars. Le contexte sur le plan sécuritaire est favorable et nous assistons à un retour de la croissance, qu'il s'agit de ne pas compromettre par le niveau élevé des dépenses publiques, où la part des salaires représente une part trop importante... Il y a donc, suggère le chef du gouvernement, comme un rendez-vous économique à honorer de la part de la nouvelle génération, à laquelle il ne manque pas non plus de rappeler les échéances des élections municipales, où elle a également son rôle entier à jouer, aussi bien pour participer au scrutin que pour suivre ensuite le travail accompli : «Les municipales vont transformer la carte politique. Le pays comptera 7.200 nouveaux élus»... L'implication est globale : économique et politique ! Ce fut ensuite à la salle de prendre la parole. Les questions des jeunes étudiants ont porté en particulier sur le problème de l'inadéquation entre les formations proposées par les universités tunisiennes et l'évolution actuelle et rapide des métiers. Dans certains secteurs, des métiers sont exercés sans qu'il y ait formation préalable : c'est la question de la professionnalisation... Youssef Chahed admet le problème mais il rappelle que l'expérience à l'étranger ne doit plus faire peur — «fuite des cerveaux» — et que la mobilité, qui est désormais une loi de l'emploi, répond aussi au besoin de la formation...