Kaïs Saïed visite la grande bibliothèque de Huawei    Les produits du terroir tunisiens s'ouvrent des horizons en Italie    La stabilisation du Yen Japonais est essentielle pour les marchés financiers mondiaux    Attention danger en mer Rouge : Pour punir l'Occident le Soudan autorise une base navale russe    Tunisie | Retour matinal de Kaïs Saïed après une visite stratégique en Chine    Ligue 1 — Play-out (13e journée): Ce sera un duel ASS-ESM    Equipe nationale: Louhichi : "J'espère qu'on a fait les bons choix"    USBG: Des atouts pour surprendre    SECURITE ROUTIÈRE-PREVENTION: Sur les routes de l'incivisme, personne n'est à l'abri    Météo : Un peu plus de douceur et de la pluie par endroits    Fark: Tahar Elleuch    Tunisie-Chine: Déclaration commune sur un «partenariat stratégique»    Top 10 mondial et arabe des pays producteurs et exportateurs de Lait    Mes Humeurs: Tourisme : de l'attention avant toute chose    Dr Ali Bousrih: Un illustre vétérinaire    Activités du Chef du gouvernement du 27 au 31 mai 2024 | Retour des TRE : un projet de décret pour des avantages fiscaux    Débats autour de la question de l'eau: Pour un usage rationnel des ressources hydriques    Pourquoi: Des prix qui font tanguer…    «Je me suis bâti sur une colonne absente» de Meriam Bouderbela, Asma Ben Aissa, Ali Tnani et Haythem Zakaria à la galerie le Violon bleu: Filer les temps    Tunisie : accès gratuit aux sites historiques et musées ce dimanche    Ons Jabeur affrontera Clara Tausen    Relations sino-arabes...Cap sur une coopération solide    Tunisie – Les avocats refusent l'intégration des magistrats limogés dans leur ordre    Solidarité mondiale : les capitales se lèvent pour dénoncer les crimes sionistes    Tunisie – METEO : Pluies orageuses éparses sur le nord et le centre    Hamza Belloumi s'explique sur le reportage censuré des quatre vérités    Gestion des dons : le Croissant-Rouge tunisien répond aux accusations    Découvrez les trésors cachés des Peintres Italiens en Tunisie à la TGM Gallery    Gabès : Des projets qui amélioreront la qualité de vie et ils avancent bien    La France barre la route d'Israël : il ne vendra pas ses armes dans le plus grand salon européen    Bizerte : Mandat de dépôt contre l'étudiant qui aurait froidement assassiné son papa    Un expert explique les séismes en Tunisie : Rassurant et terrifiant à la fois    Hydrogène vert : Un accord avec un géant saoudien, après le méga marché avec le français Total    Bizerte : mandat de dépôt contre le jeune qui a tué son père    Lancement de l'«Encyclopédie numérique des Couleurs» : Cartographie des infinités chromatiques, une initiative tunisienne !    Cessez-le-feu à Gaza : Le Hamas réagit positivement à la proposition de Biden    L'équipe nationale : Première séance d'entraînement au stade Chedly Zouiten    Olfa Abdelkefi Chakroun: L'architecture et l'empathie    La société Eagle Pictures de Tarak Ben Ammar distribuera le film Megalopolis de Coppola    Andriy Lunin écarté du groupe de Real Madrid avant la finale    Roland Garros : Ons Jabeur affronte Leylah Fernandez pour une place en huitièmes de finale    Sfax : Démantèlement d'un réseau criminel actif dans l'immigration illégale    Vague de chaleur mortelle en Inde    Urgent : Secousse tellurique à Bizerte    Météo : Légère hausse des températures    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Pour des raisons de santé, Wael Dahdouh met fin à sa visite en Tunisie    Le Festival du Cirque en Tunisie revient dans une 7e édition du 1er juin au 5 juillet 2024    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



On ne peut vivre que de nostalgie
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 03 - 2017


Par Jamil SAYAH*
Comment faire face à l'épuisement rapide du grand récit révolutionnaire qui accordait l'héroïsme du peuple tunisien à une vision du sens de l'Histoire? Quel substitut inventer à une doctrine de la transformation sociale qui permettait encore d'inscrire la politique sur l'horizon du futur? Peut-on trouver ailleurs que dans le passé de la Tunisie moderne un moment fondateur susceptible de réveiller les enthousiasmes? Dans le désarroi de la mort des utopies, une réponse a semblé possible à ces questions: retrouver le projet de la République post-coloniale. Elle pourrait se décliner en quelques mots d'ordre: un patriotisme républicain à défaut d'un panarabisme ; la construction d'un Etat national moderne sur les cendres du colonialisme. Faute d'une vision du monde et de l'avenir, une image de la Tunisie au miroir de son passé. Reste qu'il faudrait encore nourrir cet appel en réveillant les ardeurs d'un combat.
A l'âge glorieux de sa fondation, la République bourguibienne avait des adversaires «sérieux» : le sous-développement économique, la pauvreté, la déscolarisation, les maladies... Que l'on puisse scruter les signes de leur éventuelle renaissance et voici que, 61 ans après, la bataille s'engagerait de nouveau contre ces vieux adversaires, sous un drapeau familier. Mais, dans cet affrontement, la République a changé de posture. De la Première on est passé à la Seconde, avec l'imagination en moins. Elle donne la triste impression de vivre une rivalité mimétique avec sa prestigieuse aînée en puisant ses forces en même temps que s'efface de la scène publique le projet fondateur. Or on ne peut gouverner un peuple sans projet d'avenir.
Le passé en miroir
La Tunisie vit-elle à l'heure de son époque ? Son dernier enchantement politique a six ans, et le recul permet peut-être de mieux apprécier sa nature. On se souvient de la promesse de transformer une fois encore la société et le deuil de ce rêve sous la contrainte de l'obscurantisme et de l'incompétence. Mais on a oublié qu'une simple ressemblance physique avec le père de l'indépendance sur une affiche indiquait une valeur refuge pour une politique en panne de projet. Aujourd'hui, la force mystérieuse qui brise l'avenir de notre pays a un nom: la mauvaise gouvernance.
Face à elle, deux attitudes se dessinent. La première invoque la sagesse mais se vit dans la résignation, plaidant l'action dans une sorte de honte de n'avoir pu mieux à faire.
A l'inverse, semble se construire une improbable alliance entre ce qui demeure d'un Islam radical ancré dans l'idéologie jihadiste et des singuliers représentants d'un Islam «des frères» qui parle aux Tunisiens de leur passé au détriment de leur avenir. Les uns cherchent à essentialiser la mort pour combattre la dictature invisible de la modernité. Les autres manipulent le sentiment religieux porté au bord de l'épuisement. Ensemble et chacun à sa manière, ils ont trouvé un adversaire : l'Etat national. Deux archaïsmes ne peuvent parvenir à mobiliser les imaginations et à bâtir un projet. Mais face à eux, le débat est atone.
Vivant sur un acquis d'idées stockées et qui commencent à vieillir, les formations de gauche parviennent mal à renouveler en profondeur leur projet de réformes. Elles sont obnubilées par un double souci: contrer la propagande de l'adversaire et cultiver le flou pour ne point assumer leur responsabilité historique. Dans ce sens, Péguy avait peut-être raison de dire que «tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique». Or, aujourd'hui même, la mystique a disparu.
On le voit donc, une sorte de préférence pour «l'inaction» semble effectivement marquer l'horizon politique. Aucun projet n'émerge pour conduire à donner sens à l'action collective en la rapportant prioritairement à une espérance à venir. Autrefois, le long terme était toujours associé à l'idée d'un salut. Les impératifs de la sécularisation et ceux de l'ardente obligation d'aller chercher un jour meilleur se sont ainsi superposés dès l'origine pour borner l'horizon temporel d'une élite politico-administrative post-coloniale habitée par un projet civilisationnel.
Sortir de la myopie politique
Comment alors remédier à cette situation et corriger cette myopie politique, au moment où s'accumulent les diagnostics alarmants sur l'avenir du pays? Comment renforcer politiquement le futur?
Le discernement devient alors un sens précieux pour percevoir les marques de l'avenir dans un présent trompeur. Il ne faut pas s'arrêter aux mouvements de surface de la mer, seul le vent est responsable des vagues superficielles. L'essentiel, c'est la houle, force mystérieuse des profondeurs qui seule rythme la vie et annonce l'avenir. Gouverner en temps de crise, c'est réprimer et assainir. En effet, les fleurs vénéneuses peuvent pousser sur le terrain frelaté d'une démocratie en voie de décomposition, parce que la vertu aurait reculé devant les penchants pervers des hommes ou parce que les libertés se seraient perdues dans l'anarchie. Or ce qui caractérise la bonne gouvernance, c'est la capacité de l'Etat à faire prévaloir l'intérêt commun sur les intérêts catégoriels ou individuels. Dans ce sursaut l'Etat, serviteur de la République, a la mission sacrée d'aider la Nation à orienter l'esprit public vers une vision commune du renouveau, à découvrir les chemins de la convergence dans l'action, à favoriser l'harmonie que seule la République des citoyens peut incarner. Voilà comment l'Etat est invité à donner sens à l'avenir.
Toutefois, il n'y aura pas de sortie de crise si les citoyens ne s'érigent pas eux-mêmes défenseurs de l'intérêt national. Cela passe par la prise de conscience sociale de la nécessité d'un nouvel horizon temporel de la raison publique qui sera le vecteur d'un approfondissement de l'idée démocratique. C'est en effet lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes de l'entre-soi que leur vision s'accordera avec la nécessité de défendre «la chose publique». Or ce réflexe n'a de sens que s'il est une vraie consistance interne en termes d'égalité et de solidarité.
Quoi qu'il en soit, il faut bien souligner, pour conclure, que l'Etat se nourrit de la foi exigeante des citoyens car dans le cas contraire, on peut craindre que «les Républiques naissent dans la ferveur, vivent dans la tiédeur et meurent dans l'indifférence».
J.S.
*(Professeur de droit public)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.