La 2e découverte de « La semaine de la Journée mondiale du théâtre » au 4e Art a permis à un public nombreux de découvrir l'œuvre théâtrale belge de Fabrice Murgia. Percutante à souhait ! « Le chagrin des ogres», tel est le titre aux résonnances romanesques. Les spectateurs ont à peine le temps de s'installer qu'ils sont happés par la mise en scène saisissante d'un univers sombre, clos et étouffant, centré sur le vécu juvénile et non moins tragique d'enfants, passés brutalement à l'âge adulte. Bastien Bosse, 18 ans, a ouvert le feu dans son lycée avant de se donner la mort, histoire d'en finir avec ses démons. Laetitia se réveille dans un hôpital, après avoir été rongée, des années durant, par la peur. Sur scène, effets sonores, visuels et techniques à la pointe de la technologie, se réfèrent aux tentatives vaines des victimes de fuir leur mal- être, leur quotidien sombre, mais ré-esquisse avec justesse leur descente aux enfers progressive, qui consiste, essentiellement, à troquer le réel contre le virtuel. La communication s'estompe peu à peu entre adultes et ces ados en mal de vivre. Leurs cris de détresse sont réduits à des échos, voire au néant. Le pire était prévisible ... L'imaginaire de ces victimes prend forme, extrait des méandres d'un profond malaise psychologique, mais parfaitement exprimé et partagé sur scène, par un troisième protagoniste, une fille, à l'interprétation remarquable, à la voix aiguë, stridente, qui condense la déchéance psychologique grandissante des deux adolescents, et la transmet au public. La création est extraite de deux faits divers véridiques : celui de Bastien Bosse, 18 ans, qui ouvre le feu dans son lycée avant de se donner la mort, en 2006, et le kidnapping de Natasha Kampusch, détenue par son ravisseur dans une cave pendant 10 ans. Fabrice Murgia s'est basé sur leurs blogs personnels pour parvenir à tisser ces deux destins sur scène. Le metteur en scène a su restituer les tourments, et les désarrois, les attentes et les espérances étouffées des personnages, et est parvenu à immiscer le spectateur dans leur intimité. La pièce est totalement imprégnée par ce sentiment permanent ressenti peu à peu chez les victimes : celui de se sentir aliéné par une société pesante, indifférente aux maux mais surtout oppressante. La Journée mondiale du théâtre a été célébrée le 27 mars au 4e art, soit deux jours après le passage de Fabrice Murgia en programmant « Dès que je t'ai vu », la pièce tunisienne de Salah Felah : analyse plate de tabous propre à la société tunisienne.