Une pièce où les comédiens se lancent à corps perdu dans leur confrontation... Dans le cadre des journées théâtrales de Carthage, le public d'El Teatro a pu assister à la pièce Noces sauvages, du Sultanat de Oman. Très peu d'échos de théâtre nous parviennent de ce pays mais les curieux n'ont pas été déçus. Un duo attachant sur scène a donné vie au texte de Falah Chaker, avec la mise en scène de Khaled Dhaoui. Ali Mâamri et Ghada Zadjalia incarnent une mère et son fils dont les rapports sont compliqués. Le fils est né d'un viol ce qui empêche sa mère de l'aimer et de se rapprocher de lui. Il lui rappelle sans cesse la sauvagerie dont elle a été victime. La pièce est loin d'évoquer le seul acte de viol initial. Elle est en effet basée sur une série de viols, psychologiques et sociaux, dont sont victimes la mère et le fils. Ce dernier est maintenu captif dans le sous-sol de la maison familiale, enterré vivant comme une honte. Quant à elle, on l'a mariée à un homme pour sauver son honneur, un homme qui a donné son nom à l'enfant illégitime. Dans les dialogues, seul le viol initial est explicitement évoqué, les autres se lisent entre les lignes d'un texte fort, touchant et profond. Les comédiens se lancent à corps perdu dans leur confrontation, se disent les vérités après des années de séparation. Tour à tour, ils exposent l'étendue des dégâts qu'ils ont subis. Le fils nourrit l'espoir d'être aimé par sa mère, sollicite cet amour, en arrive même à le quémander. Toutes ses tentatives restent vaines devant le cœur de la mère, vieilli et usé par des années où elle n'a jamais senti que son corps ni son âme lui appartiennent. Dès les premières phrases, le ton de la pièce est dramatique, avec des touches d'humour noir. Au moment où le spectateur est au bord de la lassitude, la pièce change de ton. Les deux personnages se livrent à un jeu où ils s'imaginent vivre leur amour dans un monde parfait. Ce retournement de situation qui dure quelques minutes allège énormément le poids du drame et donne beaucoup de souffle à la pièce qui dure une heure. Dans ce même passage, une surprise inattendue a semé des rires partout dans la salle. Les comédiens ont interprété le texte en dialecte tunisien, avec leur accent charmant. Une tentative qui a payé et les a rapprochés du public. Outre la performance des comédiens, cette pièce brille par l'intelligence de sa mise en scène, où le décor, simple et multi-usages, est ingénieux. Tout se passe sur une barque qui est juste suggérée sur scène, laissant une grande place à l'imagination. La travail de l'équipe de Noces sauvages a trouvé son écho dans le public. Ce dernier a su répondre par le respect à une œuvre qui respecte le récepteur et l'invite à la réflexion.