Par Abdelhamid Gmati On s'accorde sur le fait que la Tunisie est le pays arabe où l'on trouve le plus de diplômés au kilomètre carré. Soit. Pourtant, ces diplômés peinent à trouver facilement des emplois, les employeurs estimant qu'ils n'ont pas les qualifications requises. D'où ces divers programmes de formation professionnelle. En juillet 2016, à l'ARP, le ministre de l'Education, Naji Jalloul, estimait que « les compétences acquises par les élèves tunisiens et les performances du système éducatif en Tunisie sont catastrophiques ». Pour ce diagnostic, il se basait sur les résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Program for International Student Assessment, Pisa) et des Tendances internationales des études de mathématiques et des sciences (Trends in International Mathematics and Science Study, TIMSS). Il a souligné que « les résultats indiquent que seuls 2% des élèves ont atteint le bon niveau, 11% le niveau moyen et 35% sont classés faibles. Zéro pour cent des élèves tunisiens atteignent le niveau d'excellence». Et on apprend qu'une enquête Pisa réalisée par l'Odce (l'Organisation de coopération et de développement économiques) et le Fcpe (Conseil scientifique de la fédération des parents d'élèves) classe la Tunisie au dernier rang, juste après la France (71e), en termes de discipline scolaire. Il s'agit « d'indiscipline généralisée, entre retards, discussions en classe, petits jeux entre les élèves durant le cours, et la Tunisie a été élue «pays où ce climat scolaire est le plus dégradé, non seulement au sein de (l'Ocde), mais dans l'ensemble des 72 pays Pisa ». Réagissant à cette enquête, Riadh Boubaker, directeur de la qualité et de l'évaluation au ministère de l'Education, indique que « pour les acquis, nous sommes à la 27e place alors que les systèmes les plus efficaces sont ceux du Japon et de Singapour. Il faut préciser qu'il y a un lien entre les acquis des élèves et la discipline. Cela indique qu'il faut améliorer les acquis des élèves pour qu'ils respectent les règles au sein des établissements scolaires ». L'enquête a aussi permis de mesurer les connaissances et compétences des jeunes de 15 ans dans 72 pays et a permis d'évaluer l'efficacité des politiques éducatives. Près de 540 000 élèves à travers le monde ont été soumis aux épreuves de sciences, de compréhension de l'écrit, de mathématiques et de résolution collaborative de problèmes. Lors de ce classement 2015, la Tunisie se trouve à la 65e place ex aequo avec le Liban en obtenant des scores largement en dessous de la moyenne des pays de l'Ocde, que ce soit en sciences, en mathématiques ou en compréhension de l'écrit. Une des conclusions de l'enquête est que « les systèmes éducatifs ne sont pas adaptés à l'évolution des sciences et aux bouleversements technologiques ». Il se trouve que les enfants emmagasinent énormément d'informations, via les réseaux sociaux ou internet. On estime alors que le rôle de l'école est de les structurer et de leur apprendre à raisonner. Les Français sont aussi concernés par ce problème. Et certains spécialistes estiment qu'« un enseignant qui aime les sciences fait aimer les matières scientifiques à ses élèves, qu'il soit instituteur, professeur de collège ou de lycée. Si le système produit ce niveau de désintérêt, c'est parce que les professeurs n'ont pas une pédagogie suffisante pour faire aimer les sciences ». Les évaluations de l'Ocde ne consistent pas en des tests séparés de géologie, de chimie ou de physique ! « Elles réclament que l'élève sache résoudre un problème de vie courante, sans que soit clairement mentionné qu'il s'agit d'un problème de physique. L'adolescent doit mobiliser ses ressources et faire appel à sa capacité de raisonnement ». Chez nous, un projet de réforme de l'éducation a été transféré aux parties signataires du Document de Carthage pour discussion. Saura-t-il corriger les dysfonctionnements et établir un système où l'élève apprendra à raisonner ? « Mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine », disait Montaigne, au 16e siècle. C'est aussi valable pour les adultes.