«Sur le terrain, ce sont les joueurs qui décident. Le principe est clair : sur un résultat, c'est 60 % du talent des joueurs, 25 % de la stratégie mise en place, 10 % de l'influence du sélectionneur. Et puis, 5 % de part de chance !» «Vous savez, sélectionner un cru, un millésime parmi les centaines de joueurs d'élite d'une nation est un travail de longue haleine, éprouvant mais malheureusement marginalisant. Un head-coach national qui s'investit, je pense qu'il est en perpétuelle réflexion. Même quand il «n'est pas en service» comme on dit, dans sa tête, il y a toujours une action qui vient, une question, une décision à prendre !Idem quand le match est fini, tu savoures une heure, deux heures. Toute la soirée peut-être. Mais dès le lendemain matin, tu es replongé dans le suivant! C'est passionnant, c'est le plus beau métier du monde, mais c'est un métier de dingue parce que c'est tout le temps! Sélectionneur est un métier où il faut qu'on ait un peu de «lâcher prise», sinon on explose. Or, ça s'apprend en vieillissant. Un entraîneur national doit être capable d'avoir des moments forts, où tu es à 100 % la tête dedans. Mais il faut aussi avoir des moments où tu sors de cette bulle, même si c'est très court. C'est nécessaire. Sinon, tu n'es plus lucide sur ton activité : tu as la tête dans le guidon et tu n'avances plus ! Et force est de constater que le quotidien du sélectionneur sort de l'ordinaire. Depuis le banc de touche, il doit gérer des équipes, mais aussi des carrières. Trouver le bon équilibre entre les joueurs, les hommes, le groupe. C'est beaucoup de psychologie collective, mais aussi individuelle. Parfois, il faut parler calmement avec un joueur, d'autres fois hausser le ton. Ça dépend des caractères. Mais après, les fils se touchent et ils sont prêts et connectés. Bref, le sélectionneur intervient selon les besoins. Et c'est dire la difficulté de la tâche pour le premier responsable technique de l'équipe. Vous savez, je ne veux pas me poser en chantre de la continuité et du conservatisme. Mais, je pense que se séparer de Kasperczak était un peu précipité. Les échéances approchent à grands pas et il aurait fallu bien étudier la situation avant d'agir de manière impulsive. Un sélectionneur tel que Kasperzcak a dû faire face à des joueurs de différentes générations (brassage entre apprentis et tauliers) et s'adapter. Et en football, l'aspect individuel est de plus en plus prégnant. Je note au sein de l'équipe que la notion de groupe n'est plus forcément ce qui est mis en premier chez la nouvelle génération ! On veut s'affirmer, se montrer. Et, à la fin, on se recroqueville un peu sur soi-même ! Le football est un sport collectif ou non ?! Il y a forcément des moments où le collectif doit primer! La partie immergée de l'iceberg Pour le coach, et c'est là que le bât blesse selon moi, quand bien même il faudrait composer avec des éléments extérieurs, les joueurs ont besoin d'avoir un débriefing collectif (après les matches) pour savoir quel est le sentiment du sélectionneur ! Car eux, ils ont le leur. Quand ils sortent du match, ils vont vers les proches qui vont aussi donner un sentiment. Mais les proches, ils n'ont pas toujours un jugement très objectif. Alors même si c'est difficile parfois, ils aiment bien ce retour. Ils ont besoin d'avoir le sentiment du coach, et qu'on leur donne des objectifs de travail ! Jugez le comportement de Khazri face à Kasperzcak lors de son remplacement et vous comprendrez le point de non-retour atteint. Vous savez, indépendamment du coaching en cours de match, sachez qu'une fois le coup d'envoi de la rencontre sifflé, l'influence du coach devient très limitée. Sur le terrain, ce sont les joueurs qui décident. Le principe est clair : sur un résultat, c'est 60 % du talent des joueurs, 25 % de la stratégie mise en place, 10 % de l'influence du sélectionneur. Et puis, 5 % de part de chance ! Il faut admettre ça. L'objectif, c'est que le joueur, quand il rentre sur le terrain, connaisse son rôle et sa place. Il y a une grande part de hasard qui va entrer en jeu. Le boulot de Kasperczak, c'était de minimiser ce hasard ! Et c'est là le travail de l'ombre de l'entraîneur. Un homme qui, du jour au lendemain, peut passer de l'ombre à la lumière. Mais où l'inverse est vrai aussi ! Vous savez, et je sais de quoi je parle, c'est un métier à mi-temps. Non pas qu'entre deux regroupements de l'équipe nationale les sélectionneurs ne travaillent pas, mais la partie terrain n'occupe que très peu de temps. Le reste est occupé à visionner des matchs, comparer des joueurs, aller les rencontrer pour échanger sur leurs ressentis, leurs objectifs, leur état d'esprit. Car pour construire une sélection, il existe plusieurs méthodes mais aussi des règles communes. S'adapter à la mentalité du pays pour lequel vous travaillez. Puis, vient un premier élément à prendre en compte : vous n'aurez pratiquement jamais la possibilité de faire exactement la même liste d'un rassemblement à l'autre à cause des blessures, des suspensions, etc. Enfin, viennent les choix drastiques du sélectionneur : a-t-il un système de jeu préférentiel ou va-t-il adapter son système aux joueurs ? Doit-il constituer un groupe et s'y tenir pour créer des liens, ou doit-il s'adapter aux états de forme du moment ? Doit-il prendre les meilleurs joueurs à chaque poste ou plutôt essayer de trouver les meilleures complémentarités en fonction des postes et du système? Doit-il préparer l'équipe sur du moyen terme, ou doit-il tenir compte des seuls objectifs à court terme ? Enfin, les joueurs représentant un pays doivent-ils être irréprochables sur et en dehors du terrain ou seul le terrain intéresse le coach ? Et voilà pourquoi chaque choix du sélectionneur est sujet à discussion. Voilà pourquoi les récents résultats insuffisants ne sont que la partie émmergée de l'iceberg. En clair, en étudiant ces différents paramètres, on comprend ou pas pourquoi Kasperczak a été limogé... ».