Des membres de blocs parlementaires ont présenté, jeudi dernier, un projet de motion en vue du rétablissement des relations diplomatiques avec la Syrie. Celles-ci avaient été rompues en 2012, à l'initiative du président intérimaire Moncef Marzouki, suite au déclenchement de la révolution syrienne. Depuis, plusieurs voix se sont élevées en faveur du rétablissement de ces relations, d'autant qu'une importante colonie tunisienne établie dans ce pays s'est trouvée confrontée à des problèmes administratifs Le projet signé par quatre présidents de groupes parlementaires (Al Horra, le Front populaire, l'Union patriotique libre et Afek) a été présenté à l'initiative des députés qui s'étaient récemment rendus en Syrie en mars 2017, dans le cadre des démarches en vue de rétablir les relations diplomatiques, gelées depuis plus de cinq ans. Selon le député Sahbi Ben Fraj (bloc Al Hourra de Machrou Tounès), le projet sera envoyé en plénière, après son examen par les présidents des blocs parlementaires et deviendra ainsi une requête émanant du parlement et par le biais de laquelle le président de la République sera invité à prendre les mesures nécessaires dans le cadre de ses prérogatives énoncées par l'article 77 de la Constitution. Rappelons que la délégation parlementaire, composée de Mme M'barka Aouinia, MM. Abdelaziz Kotti, Mongi Rahoui, Khemaïes Ksila, Issam Mattoussi, Sahbi Ben Frej et Noureddine M'rabti, s'était rendue en mars dernier en Syrie pour rencontrer des dirigeants syriens et s'enquérir des réseaux d'envoi de jeunes Tunisiens dans les zones de conflits, et ceci en coordination avec la commission parlementaire d'enquête sur ces réseaux et examiner également les moyens de rétablir les relations diplomatiques. La délégation parlementaire a été reçue le 4 avril par le président Caïd Essebsi et lui a rendu compte des résultats de sa mission. Interrogé par La Presse sur leurs rencontres avec les dirigeants syriens et sur les résultats auxquels elles ont abouti, le député Abdelaziz Kotti a notamment relevé l'accueil chaleureux dont la délégation a fait l'objet et en particulier l'audience que leur a accordée le président Bachar Al-Assad. Ce dernier a notamment insisté sur la nécessité qu'il y a à rétablir les relations bilatérales, relevant notamment que «les jeunes Tunisiens arrivés en Syrie ont été fourvoyés dans le conflit et ont été victimes de manipulations». Le député a ajouté que la rupture des relations diplomatiques, selon les dirigeants syriens, a été l'œuvre d'un plan préétabli et de décisions qui ne traduisent pas la volonté du peuple tunisien, d'autant que les relations tuniso-syriennes ont été toujours excellentes et exemplaires. Pour les dirigeants syriens, l'envoi des jeunes fait partie d'un plan visant à déstabiliser et à détruire la Syrie avec des financements extérieurs et un plan préétabli. Monnaie d'échange «Aujourd'hui, a poursuivi M. Kotti, il y a notamment 54 jeunes Tunisiens qui ont été arrêtés alors qu'ils tentaient d'entrer en Syrie. Ils sont détenus dans l'attente de démarches diplomatiques en vue de leur rapatriement. Aussi, notre initiative vise-t-elle à rétablir ces relations pour régler les nombreux problèmes en suspens». De son côté, l'ancien diplomate Chokri Hermassi, dans un entretien accordé à Assahafa El Youm, a appelé le gouvernement tunisien et la présidence de la République à rétablir, dans les plus brefs délais, les relations diplomatiques avec la Syrie, relevant que la guerre qui déchire ce pays est une affaire strictement interne et n'affecte nullement les relations exemplaires qui ont toujours prévalu. «Aujourd'hui, a-t-il relevé, il est grand temps de réparer l'erreur commise par le passé et de se démarquer de la politique des alliances, d'autant qu'il y a des perspectives de coopération, dans plus d'un domaine, notamment dans celui du renseignement et de la sécurité, et que les services syriens sont disposés à fourni des données et des dossiers par les canaux diplomatiques sur les jeunes détenus en Syrie et les réseaux qui les y ont conduits». Le projet initié à l'ARP par les blocs parlementaires est dicté à la fois par les promesses électorales du président Caïd Essebsi qui s'est engagé à rétablir les relations tuniso-syriennes et par les échos favorables que la délégation a trouvés auprès des dirigeants syriens. Le président de la République donnera-t-il une suite favorable à cette requête émanant du Parlement dans le cas où le projet serait adopté en plénière ? A la question de La Presse, M. Fayçal Chérif, universitaire, répond : le moment est-il opportun ? En fait, le problème est de reconnaître l'autorité de Bachar Al-Assad contre lequel toute une coalition s'est liguée, tant d'Europe que du monde arabe. En cette conjoncture, la Tunisie risque de payer cher son initiative et un attentisme prudent vaut mieux qu'une décision précipitée. Aujourd'hui, Damas semble jouer la carte de la sécurité en essayant de monnayer l'échange d'informations sur les détenus tunisiens en Syrie contre l'établissement de relations diplomatiques. Et M. Fayçal Chérif de relever à cet égard que l'affaire a pris des proportions démesurées dans la mesure où on dénombrerait seulement entre 2.800 et 3.200 jeunes Tunisiens engagés tant sur les fronts irakien que syrien. La situation semble aujourd'hui à l'expectative et à l'attentisme dans la mesure où la Tunisie n'est pas prompte à se démarquer des alliances régionales et internationales contre le régime de Bachar Al-Assad, d'une part, et que, d'autre part, elle n'a pas une vision claire du dénouement du bourbier dans lequel s'est empêtré ce pays totalement démembré par les divers intervenants dans ce conflit.