Par Jalel Mestiri Ceux qui font la leçon aux «grévistes» ridiculisent le football avec leur jugement inapproprié et à coups d'arguments inaudibles. Acquis significatif du mouvement ouvrier, le droit de grève est un droit constitutionnel fondamental. En Tunisie, il est le fruit de décennies de luttes. Des générations de travailleurs ont combattu courageusement pour obtenir la possibilité d'y recourir. En crise à la fois sportive, éthique, financière, voire identitaire, le football tunisien a décidément mauvaise mine. Il pâtit d'une image déplorable. L'histoire des joueurs de certains clubs qui, sans salaire depuis plusieurs mois, se sont mis en grève déclenche un nouveau psychodrame dans les milieux sportifs. USBG, ESZ, ASG, SG, ESM, JSK, CSHL, autant de clubs touchés par ce genre de revendication. La liste ne s'arrête pas là, puisque les joueurs d'un club aussi prestigieux que le CA ont eu recours à la grève, mais avec un mode de sommation unique et inédit. Pour faire pression et revendiquer leur droit, ils ne s'étaient pas présentés à l'aéroport lors du déplacement du dernier match de coupe d'Afrique. Cette grève a eu un retentissement très important, au point de dépasser très largement le cadre sportif et de se déplacer sur le terrain politique. Ceux qui font la leçon aux «grévistes» ridiculisent le football avec leur jugement inapproprié et à coups d'arguments inaudibles. Acquis significatif du mouvement ouvrier, le droit de grève est un droit constitutionnel fondamental. En Tunisie, il est le fruit de décennies de luttes. Des générations de travailleurs ont combattu courageusement pour obtenir la possibilité d'y recourir. Ce droit est indissociable, inséparable à l'expression de la dignité de tout individu au travail. Aujourd'hui encore, des pans entiers de l'économie mondiale ne disposent toujours pas, dans les faits, des moyens de pouvoir l'exercer. Voir ainsi des joueurs brandir cet étendard a quelque chose d'assez spécial. Pourquoi pas aussi de valorisant pour la condition humaine !... Source de joie et de plaisir, le football donne bien trop souvent le sentiment d'une descente dans les bas-fonds. L'odeur de l'argent ronge, salit, corrompt. Le football, objet de pratiques humaines et sociales, est devenu un spectacle business dominé par l'argent-roi. Les promesses émanant souvent des responsables sportifs, bien sûr pas tous, ont souvent des destins contrariés : si certaines sont vite enterrées, d'autres sont longuement traînées par leurs auteurs comme une embarrassante casserole, au point de prendre une forme méconnaissable. Le raisonnement souffre d'un subterfuge, d'un détour : les clubs recrutent des joueurs dont ils sont incapables de payer. Ils se permettent des dépenses bien au-delà de leurs moyens. Les présidents évoquent les difficultés financières pour justifier leur impuissance à honorer leurs engagements et se décharger de leurs responsabilités, en oubliant de reconnaître que si leurs déficits sont devenus chroniques, c'est essentiellement en raison d'une gestion pas tout à fait conséquente. L'on comprend qu'il est devenu de nos jours difficile de supporter les charges d'un club sans des rentrées fixes, mais il faut aussi reconnaître qu'en employant d'énormes ressources pour le recrutement des joueurs, ils ont laissé filer leurs masses salariales pour rémunérer des joueurs au prix fort, mais au rendement sportif inégal. La bulle spéculative qui s'est emparée du monde du football risque d'éclater à tout moment. Les clubs surendettés n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Encore moins à honorer leurs engagements. Ne serait-il pas temps d'ausculter ce mirage financier et d'inciter les clubs à une modération salariale qui, en définitive, leur profiterait. Plutôt que de fermer les yeux et d'attendre la catastrophe sans rien faire, comme on l'a fait pour la bulle de la violence, de l'arbitrage et des autres maux du football tunisien?