Par Jalel Mestiri L'engouement pour le football est une drogue sociale qui agit comme une religion!... Dans notre dossier consacré aux joueurs ‘'rebelles'' qui ont évolué dans des clubs rivaux, l'on s'intéresse notamment à la question de savoir si, au XXIe siècle, et avec les changements de mentalités, voire même des convictions, ainsi que la constitution grandissante des interactions en réseaux de plus en plus globaux, la notion de fidélité au club est encore pertinente en termes d'identification et d'appartenance. Etant le sport le plus populaire, le football s'avère toujours un sujet intéressant et pertinent pour les sciences humaines et sociales. Il reflète de façon significative les valeurs et les représentations des sociétés contemporaines. Le thème autour des sentiments d'appartenance couvre la plus grande partie de l'argumentation et de la problématique d'une discipline de plus en plus en évolution. Le passage à un club rival a fait, et continue de faire polémique. Ils n'en demeure pas moins qu'il y a des joueurs qui continuent de briser les tabous et n'hésitent pas à rejoindre le club rival, généralement pour le bien de leur carrière. Ils défrayent à chaque fois la chronique et attisent la colère des supporters de leur équipe précédente. Ces derniers se sentent trahis, voire même trompés. De nombreux joueurs ont arboré le costume de Judas aux yeux de leurs anciens fans. Dans ce genre de constat, les clubs italiens sont coutumiers du fait. Le football, ce n'est pas cependant la guerre, mais le virage dans une carrière est aujourd'hui différemment interprété. Il y a ceux qui parlent d'infidélité, d'autres évoquent un nouveau mode de professionnalisme. Ici et là, l'on ne peut que se rapprocher davantage de l'argument développé autour du pouvoir de socialisation du football. Les statistiques prouvent que ce sport fait incontestablement les meilleures audiences dans les médias, notamment à la télévision, devançant toutes les autres traditions inventées, comme les fêtes et commémorations nationales. De nos jours, les médias représentent l'une des plus grandes institutions de socialisation, sinon la plus grande. Ils sont devenus des puissances qui règlent et reproduisent les désirs et les besoins des joueurs, lesquels sont encouragés dans leur entreprise et même créés de toutes pièces. Une rencontre de football est aujourd'hui l'équivalent d'un grand théâtre où les valeurs fondamentales de la société sont mises en scène. Les termes utilisés dans le lexique du football trouvent presque tous leur origine dans le domaine militaire et de combat: la défense, l'attaque, le camp adverse, etc... Parallèlement, et dans une perspective d'appartenance, les joueurs, souvent adulés, sont considérés comme une appropriation, une propriété du club. L'engouement pour le football, une drogue sociale qui agit comme une religion, considère le passage d'un joueur à un club rival comme une trahison. Une mutation contre-nature. La notion d'appartenance est fortement ancrée dans l'imaginaire des supporters. Elle contredit encore et toujours la théorie de l'ouverture à l'autre, ou encore les contraintes et les exigences du professionnalisme. En dépit de ses différentes évolutions, le football n'est pas aussi ouvert qu'on ne le pense. Il y a des frontières qu'on ne saurait justement franchir. Des tabous intouchables, inviolables surtout pour ceux qui revendiquent à leur manière et avec une énergie passionnée, leurs propres valeurs, leur propre histoire et leur « propre société ». C'est l'usage qui perdure plus qu'il n'évolue. Comme on ne change pas sa famille, on n'a pas aussi le droit de changer de club. Au fait, c'est toute l'éducation sportive qui arrive encore à manquer. Pareille intolérance n'est pas propre au football tunisien. Les réactions et les réflexes protectionnistes font le tour du monde footballistique. Tout récemment, le passage de Higuain de Naples à la Juve n'a pas seulement frustré les supporters napolitains, mais il a aussi et surtout compromis tant d'années d'idolâtrie, de culte et d'attachement. En Tunisie, Nabil Mâaloul a montré la voie. Par la suite, les exemples sont devenus de plus en plus nombreux. Mais à quel prix!...