A l'occasion du 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, une expérience d'échange entre journalistes arabes travaillant en zones de guerre a été présentée au public, à l'Institut français de coopération, autour d'une conférence intitulée : « Pays en crise et liberté de la presse ». Une initiative soutenue par CFI, l'Agence française de coopération médias En 2016 et 2017, une vingtaine de journalistes libyens, yéménites et irakiens ont réfléchi sur des questions liées à la liberté de la presse, à la déontologie et au rôle des journalistes dans les pays en guerre. Cette série de rencontres, qui a permis aux professionnels de médias de connaître d'autres expériences de journalisme en temps de crise que la leur, s'est inscrite dans le cadre des projets « Ilym » (Irak Libye Yemen Médias) et « Hiwar, regard croisé sur le journalisme libyen », mis en œuvre par CFI avec le concours de l'Institut de recherche sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Iremmo). Et c'est à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, que cette expérience, qui vient d'être clôturée, a été présentée avant-hier au public, à l'Institut français de coopération, autour d'une conférence intitulée : « Pays en crise et liberté de la presse ». Une rencontre mise sous le signe du partenariat entre la TAP et Reporters sans frontières, et organisée grâce à l'appui financier du centre de crise et de soutien du ministère français des Affaires étrangères et du Développement international L'information, première victime en période de guerre Mais comment informer dans les zones de conflit alors que « l'information est la première victime en temps de guerre » ? Comment continuer à pratiquer son métier de journaliste pour apaiser les tensions et ouvrir une brèche dans le champ de la propagande et de l'incitation à la haine ? Comment travailler alors que dans les cas de conflit armé, les assassinats, les enlèvements, les procès inéquitables, les persécutions, les arrestations et les disparitions forcées visent en premier lieu les professionnels des médias ? Ces interrogations ont été posées par plusieurs intervenants au débat. Au Yemen, selon le vibrant témoignage d'Abdallah Ismail, journaliste, la presse vit depuis deux ans un vrai génocide. « Pour cause d'une persécution méthodique et systématique des journalistes, le Yémen a perdu en quelques mois toute son infrastructure médiatique construite depuis les années 60. 19 journalistes ont été assassinés, on enregistre 19 autres disparus, 125 ont été enlevés, un journaliste a été condamné à mort et un autre empoisonné. Il faudra y ajouter tous ceux qui sont partis en exil par désespoir. Les familles des journalistes disparus ne veulent même pas qu'on leur soit solidaires pour cause de toutes les menaces qui pèsent sur elles », soutient Abdallah Ismail. Même si elle semble un peu moins catastrophique, la situation des journalistes libyens incite néanmoins à l'inquiétude. Suleiman Elbarouni, journaliste libyen, revient sur un grand désenchantement : en 2011, après avoir connu une floraison de médias pluralistes et indépendants, la Libye tombe aujourd'hui dans une presse dangereusement partisane. D'où la censure et surtout l'autocensure quasi généralisées. Pour la mise en place d'un Représentant spécial pour la sécurité des journalistes « Les journalistes, qui s'obstinent à rester impartiaux, s'exposent à toutes sortes de dangers. Les milices vous menacent en premier. Et même pour les journalistes, qui travaillent dans un média appartenant à une tendance politique ou une autre, on ne sait pas si à la sortie du studio de télé ou de radio, quelqu'un d'un camp adverse ne va pas vous tirer dessus à bout portant », avoue Suleiman Elbarouni. Yasmina Kacha, directrice de Reporters sans frontières Maghreb, a confirmé ce sombre diagnostic. « Dans l'édition 2017 du Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, on parle d'un grand basculement de la presse dans l'ère de la post-vérité, de la propagande, de la fake news et de la répression, notamment dans les démocraties. La situation est particulièrement difficile en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En temps de guerres, les agressions contre les journalistes restent impunies. Le nombre de journalistes qui meurent pour avoir le bon angle, la bonne source ou la bonne image reste très élevé ». Pour Yasmina Kacha, parmi les solutions proposées par RSF pour faire pression sur les Etats afin qu'ils garantissent une plus grande sécurité des professionnels des médias, la mise en place à l'ONU du poste de Représentant spécifique pour la sécurité des journalistes. « 130 0NG à travers le monde soutiennent ce projet », a-t-elle ajouté.