Les déclarations tonitruantes continuent de plus belle. Chaouki Tabib promet que son instance peut arracher 10 milliards de dinars par an aux corrompus à condition que l'Etat accorde 100 millions de dinars en tant que budget de fonctionnement. Il précise également qu'il a convenu avec Samira Meraï que les recrutements au ministère de la Santé auront lieu sous la supervision de son instance Il semble que Chawki Tabib, président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) et futur président de la Commission nationale de réconciliation économique et financière, (qui sera formée à l'issue de l'adoption de l'initiative du président Caïd Essebsi), a pris la décision de s'autoproclamer l'homme providentiel que les Tunisiens attendent désespérément depuis la révolution, l'homme qui possède la solution magique pour renflouer les caisses vides de l'Etat et l'homme qui permettra aussi à l'administration publique de se débarrasser définitivement du mal endémique qui la ronge depuis des décennies, celui du favoritisme et des recrutements arrangés se fondant essentiellement sur le clientélisme et les faveurs échangées. Vendredi 12 mai, Chawki Tabib s'adressait aux participants à une conférence sur le rôle du Conseil de la concurrence de Tunisie en matière de lutte contre la corruption en les termes suivants : «Si l'Etat mobilise un budget de 100 millions de dinars au profit de l'Instance de lutte contre la corruption, il pourra gagner 10 milliards de dinars par an, sous forme de revenus directs alimentant son budget». Le président de l'Inlucc ne fournit aucun détail sur la stratégie ou le plan d'action à mettre en œuvre pour que les 100 millions de dinars qui seront mis à sa disposition rapportent annuellement 100 milliards de dinars à la communauté nationale. Il se contente, comme à chaque occasion où il prend la parole, de souligner que «la lutte contre la corruption ne peut pas aboutir si nous ne mobilisons pas les moyens financiers nécessaires». Il révèle aussi que l'Instance s'est trouvée dans l'obligation, face à la faiblesse de ses moyens, «de licencier un certain nombre de ses employés et à mettre fin aux contrats d'emploi avec d'autres afin de parvenir à payer les salaires» de ses employés qui ne sont pas encore remerciés. La révélation faite par Chawki Tabib nous renvoie à ses premières déclarations quand il a été désigné à la tête de l'Instance en remplacement de Me Samir Annabi qui disposait d'un budget ne dépassant pas 500 mille dinars et dont la majeure partie était consacrée au loyer du siège de l'Instance et au paiement des salaires de deux employés (une secrétaire de direction et un chaouch qui faisait aussi le vaguemestre). Quand Tabib a pris ses fonctions, il a exigé un budget de fonctionnement de l'ordre de 10 millions de dinars. Il a réussi à arracher deux millions de dinars qu'il a consacrés au recrutement du personnel qui allait enquêter sur les affaires de corruption et coincer les corrupteurs et les corrompus et aussi organiser des colloques, à travers la République, pour sensibiliser les Tunisiens à leur devoir de dévoiler tout ce qu'ils savent sur les corrompus et sur ceux qu'ils payent ou engraissent pour qu'ils ferment l'œil sur leurs actes ignobles. Aujourd'hui, une année ou presque s'est écoulée depuis que Chawki Tabib dirige la bataille nationale contre la corruption. Le bilan est le suivant : une série de déclarations qui pointent quotidiennement les corrompus sans en révéler l'identité, une série de conventions ou d'accords de partenariat avec les ministères ou les organismes publics dans le but d'y répandre la culture du dévoilement de la corruption et surtout des phrases assasines distillées à un rythme régulier comme «La Tunisie est devenue un pays mafieux» ou «Il existe des conseillers convaincus de corruption exerçant au palais de La Kasbah prodiguant leurs conseils à Youssef Chahed». Quant aux dossiers de corruption qu'il a hérités de la commission de feu Abdelfettah Amor, Chawki Tabib nous indique qu'il les a transférés au pôle juridique anticorruption sans nous dire qui y sont impliqués ni la nature des affaires dont ils traitent. Mais comme l'appétit vient en mangeant, voilà Chawki Tabib annoncer (voir l'article de notre consœur Latifa Ben Amara dans le journal Assahafa du samedi 13 mai) que son instance envisage de superviser, à l'avenir, les concours de recrutement au sein de l'administration publique dans le but de leur conférer la transparence et la crédibilité qu'il faut. Et il nous informe que le Dr Samira Maraï, ministre de la Santé, n'y voit aucun inconvénient et lui a fait part de son accord pour que l'instance fasse le nécessaire. Donc, à l'avenir, les médecins, les infirmiers, les sages-femmes, les auxiliaires et les agents de santé passeront à travers le tamis du président de l'Inlucc en attendant que les policiers et les enseignants en fassent de même. Sauf que Me Tabib ne nous précise pas si Youssef Chahed est d'accord pour l'engagement de sa ministre ou s'il préfère que la loi en matière de recrutement des agents de l'Etat reste en vigueur.