«Parce qu'il est une route creusée comme des ravins dans les âmes. Il est une alchimie jusqu'à l'extrême obsession ainsi que la croyance en sa mer salvatrice» La Galerie Alain Nadaud de l'espace Art Sadika à Gammarth abrite, jusqu'au 13 juillet, l'exposition personnelle de Amor Ghedamsi «La route de la moisissure». A l'image de la route de la soie ou celle du sel, il est une route de la rouille, qu'aucun livre d'histoire et aucune géographie ne citent, nous conte l'artiste. Depuis 1996, Amor Ghedamsi continue, de cimaises en cimaises, de tracer sa route artistique en conservant cette «manière» et cette signature qui font la particularité de son œuvre. L'on reconnaît d'emblée son empreinte sur la toile (ou support), celle d'un marabout des temps modernes. Invocations picturales, ésotérisme, psalmodies, l'artiste invoque ses ancêtres. Hommes, faunes et flores et autres signes incarnés ou réincarnés à travers de petits bouts de papiers colorés et autres matériaux récupérés et collés. L'artiste (re)constitue ce puzzle infini qui, comme il le note, n'a pas de commencement. Il assemble et superpose, sur de grandes ou de petites surfaces, des bouts de temps, un temps moisi marqué par la rouille, écrit par des âmes en errance... Des énergies condensées dans des réceptacles : des figures humaines disproportionnées, sans traits, de même pour la faune et la flore. Ghedamsi appose ce langage ésotérique, ses talismans au monde contemporain, le confronte à notre actualité, à nos réalités actuelles, une manière de nous réconcilier avec nos énergies et notre essence. Il explore et nous ouvre cette route de la moisissure ou de la rouille, qu'aucun historien ou explorateur ne cite. ll la trace, l'inscrit, l'écrit sur des parchemins («Le chemin de la rouille», «Le livre des secrets», œuvres-objets, sorte de manuscrits aux papiers figés), il en dessine les contours et en révèle les secrets. «A l'image de la route de la soie ou celle du sel, il est une route de la rouille qu'aucun livre d'histoire et aucune géographie ne citent. Méandres d'une route calme sans voies. Ni cheminement, ni fin. Ne possède pas de commencement. A travers ses pistes endommagées s'étendent les champs de rouille comme des pâturages pour des anges sans ailes. De ces champs proviennent les vents, chargés de rouille. Pour venir la déverser dans nos puits et nos rivières pour qu'ensuite s'en saisissent des mains, afin d'en extraire des parfums pour les morts et des clés pour le paradis, talismans, encre... une histoire pour les aïeuls. La rouille, aucun livre d'histoire et aucune géographie ne citent la route de la rouille, comme on cite la route de la soie ou la route du sel. Parce qu'il est une route creusée comme des ravins dans les âmes. Il est une alchimie jusqu'à l'extrême obsession ainsi que la croyance en sa mer salvatrice», racontent ses œuvres-talismans.