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Les richesses naturelles de la région du Kef
Redécouvertes
Publié dans Le Temps le 02 - 09 - 2007

L'an dernier, dans un article intitulé : « Les joyaux de la Couronne », nous avions présenté un inventaire, incomplet hélas, des sites historiques importants de la région d'El Kef.
A l'occasion de cet « anniversaire », nous allons évoquer des phénomènes géologiques et certaines « curiosités » naturelles qui pourraient, en étant intégrés dans une vision globale, constituer une ébauche de tourisme « intégré ».
« A tout seigneur, tout honneur » ! El Kef, l'antique capitale de la Numidie, « Bled El Korsi » : « ville du trône » à l'époque beylicale, et sanctuaire des combattants algériens durant la guerre d'Indépendance a, apparemment, suffisamment d'atouts pour mériter d'attirer l'attention des touristes. Elle est, de plus, « agrippée » au flanc d'un superbe synclinal perché dont les falaises, à la patine ocre rouge, lui font une couronne. A ce titre, nous considérons qu'El Kef et le Jebel Dyr constituent une étape de choix dans un circuit « géotouristique ». Tant pis pour le néologisme barbare !
Qu'est-ce que le géotourisme qui intéresse 30 % des touristes Nord-américains ? C'est un aspect très particulier du tourisme qui exige des « animateurs » compétents, capables de fournir aux visiteurs, même peu formés en géologie, une information qui leur permet de comprendre la géologie et la géomorphologie d'un site de manière à ce que ces visiteurs puissent dépasser la simple appréciation esthétique : « Le paysage est magnifique ! ». L'objectif est de leur faire comprendre les interactions existant entre « l'histoire naturelle » du site et celle des populations qui y ont vécu. Il faudrait qu'en finale les visiteurs aient compris, constaté à quel point la Nature a façonné l'homme qui a, en retour, agit sur elle.
En partant d'explications générales, simples - qui peuvent être très « pointues » pour un public informé ! - il faut expliquer, à partir de ce que les visiteurs voient, la dérive des continents, les transgressions marines, la mer Thétis, les ères géologiques, les plissements alpins qui forment « l'épopée de la Terre ». Et ... les terrains nummulitiques ... sont là, soudain, sous les pieds des visiteurs qui n'en ont peut-être plus entendu parler depuis leurs études secondaires. Il faudra expliquer que, du point de vue de la faune, les différences, entre le Crétacé, Secondaire antérieur et le Tertiaire, sont très tranchées. On en arrive aux fossiles : alors que les Ammonites et les Dinosaures disparaissent, on voit - au sens propre ! - des nummulites apparaître aux côtés des ancêtres des mammifères placentaires - dont l'homme fait partie ! - et des plantes dicotylédones qui assurent actuellement la majeure partie de notre nourriture. L'émersion de ces couches sédimentaires, leur plissement, la formation de la vallée au centre du Jebel Dyr, les fractures, les énormes glissements de terrain et une érosion « plurimillénaire » expliquent le relief actuel. L'action de pluies acides chargées de gaz carbonique engendre ces « marmites » qui rendent la marche très difficile. L'eau qui s'infiltre dans ces couches perméables, dissout la roche et forme, sous terre, des grottes qu'une faille a mis à jour aux alentours de la source de Sidi Mansour.
Les hommes de la préhistorique ont habité et peint ces grottes. Un peu plus bas, l'eau infiltrée ressurgit, au contact de strates imperméables de marnes argileuses et ... autour du rocher et de Ras El Aïn, d'autres hommes, plus tard, ont conçus un mythe et construit un noyau urbain qui s'est appelé Cirta puis Sicca Veneria et El Kef. L'orientation des plissements montagneux presque perpendiculaires aux vents humides de Nord-Ouest déterminent des précipitations qui, alliées à un certain ensoleillement et à la nature du sol engendre la croissance de forêts principalement constituées de Pins d'Alep, de Genévrier de Phénicie, de Thuyas de Berberie et parfois d'Oliviers Sauvages abritant un sous-bois de lentisques, de genets et de romarins sous lesquels croissent discrètement de superbes orchidées sauvages. Toute une faune, des proies : perdrix, cailles, lièvres, sangliers et des prédateurs terrestres : renards, chacals, hyènes, ou aériens : aigles, vautours, milans, peuple ces bois et ces maquis. Que nos lecteurs se rassurent : nous n'avons pas perdu le « fil de nos idées ». Partant de la géologie et du géotourisme, nous en sommes venus à considérer que l'écotourisme n'est qu'un autre aspect, tout aussi particulier, d'un tourisme « total » que nous appelons le « tourisme intégré » tout simplement parce qu'il intègre toutes les « facettes » du tourisme y compris l'homme du site.
L'écotourisme n'est pas synonyme de « promenade à la campagne ». Il peut être très technique et prendre l'aspect d'un voyage d'étude. Il exige donc aussi des « animateurs » très compétents qui doivent avoir de solides connaissances en géologie et en pédologie.
Si les « curiosités » géologiques sont à peu près inamovibles, la présence de la faune et de la flore, naturelles et « domestiques », dépend de la volonté de l'homme qui veut en tirer profit. Si la population locale n'y trouve aucun intérêt, au sens propre, le touriste ne traversera pas ses champs pour aller voir un récif corallien fossile. Il n'observera pas un parterre d'orchidées qui aura été brouté par des moutons ni le nid d'un aigle qui aura fui parce qu'il aura été dérangé. Mais, à l'inverse, la population locale, respectée par les touristes parce qu'elle fournit les « animateurs », aura à cœur de faire connaître sa culture, son artisanat, sa gastronomie qui ont été, en grande partie, façonnés par son environnement.
Des éléments très semblables peuvent composer une histoire presque identique que nous pourrions raconter en empruntant une belle piste dont l'amorce, à 5 kilomètres d'El Kef, sur la route de Sakiet Sidi Youssef, est située en face du mausolée vénéré de Sidi Abdallah, ancêtre de la tribu berbère des Charen, et balisée par une pancarte indiquant « Les forêts du Mellèg ».
A quelques centaines de mètres du village d'El Haria qui se trouve sur cette piste, on atteint un site d'importance mondiale puisqu'il a été reconnu comme le site de référence où on peut voir des roches qui se sont formées il y a 65 millions d'années environ et qui sont capables d'expliquer la théorie de la disparition des dinosaures au moment du passage entre l'ère Mésozoïque, secondaire et Cénozoïque, tertiaire. C'est une strate-type contenant de l'Iridium, métal rarissime sur terre, qui aurait été apporté par un énorme astéroïde. Il aurait, en heurtant la Terre, provoqué un changement complet de climat. La faune et la flore en auraient été modifiées et nous revenons aux nummulites du Jebel Dyr !
Le long de cette piste, nous rencontrons d'abord la Nature façonnée par l'homme qui a défriché la forêt de pins, dont il reste des lambeaux, pour semer des céréales et planter des oliviers. Puis, on prend connaissance du mythe d'Oum Chlalig : des chiffons votifs pendent aux branches d'un olivier sauvage.
Ensuite, à la « ferme Muzar », on renoue avec l'histoire moderne. Dans les ravines boisées des alentours, les combattants algériens ont creusé de nombreuses « galeries ». La présence de ce camp très important expliquerait en partie le bombardement de la ville de Sakiet Sidi Youssef toute proche. L'Indépendance de l'Algérie y aurait été fêtée en 1962 en présence de Messieurs Ben Bella et Boumédienne.
Enfin, on atteint la magnifique vallée de l'Oued Mellèg. Il est, pour nous, l'appellation en arabe de l'antique Muluccha, frontière du royaume numide de Jugurtha. Il déploie ses méandres entre deux magnifiques massifs boisés et giboyeux : les Jebels Ouergha et Debadib.
La géologie ressurgit sous la forme d'une source sulfo-chlorurée qui jaillit à 40° environ. Les hommes de l'époque romaine l'ont captée et ont construit des thermes dont certaines salles bien restaurées abritent actuellement les malades qui viennent y soigner leurs rhumatismes ou leurs problèmes gynécologiques. Les dames, parfois, s'agenouillent à la hauteur de l'exutoire de l'eau de la source, à l'endroit où elle se jette dans l'oued. Elles demandent à « Oum Dareb » des « guerriers » - des enfants donc pour ces héritières de tribus nomades et guerrières ! - en lui offrant de la « bsissa » !
Histoire, mythes antiques et modernes façonnés par la géologie et la Nature se regroupent aussi autour de Kalaat Esnan : La Table de Jugurtha. Elle est aussi le vestige d'un énorme synclinal perché formé de couches dures de calcaire à nummulites et à globigérines reposant sur des couches de marnes argileuses, molles. Le Kef Rebiba voisin s'en est détaché il y a quelques millions d'années. Une énorme fracture fend la Table et annonce un autre « glissement ». Depuis la préhistoire jusqu'aux combattants algériens, les hommes l'ont toujours considéré comme un refuge, un lieu sacré et une citadelle : dolmens, tombeaux rupestres, fortifications antiques l'attestent ! Les pressoirs à huile mégalithiques taillés sur les versants et les appellations de sites tout proches telles que « la vallée des chênes » balisent, dans le temps, la désertification des pentes par l'érosion et la surexploitation. Les grands rapaces qui planent dans les cieux et les hyènes rayées, typiques d'Afrique du Nord qui hantent les forêts voisines, intéresseront les écotouristes qui apprécieront aussi l'artisanat local de la laine et la fabrication de la kachabia qui vient sans doute de l'époque romaine.
Le Jebel Slata, tout proche, permet d'observer une superbe faille, de nombreux niveaux fossilifères, un pli renversé et surtout un ensemble de récifs coralliens associés à de grands ostréidés et des brachiopodes fossiles. Les galeries forées dans le Jebel Slata ainsi que la mine abandonnée de Sidi Salah toute proche et la cité minière de Jérissa voisine permettent des visites intéressantes, sans compter l'escalade ou la randonnée, très difficile, sur les crêtes du Slata.
Lorbeus et son diapir salin alliés au souvenir de la Larès de Jugurtha et d'Ellorbous arabe qui supplante un moment El Kef grâce à la culture très lucrative du safran ou le Sraa Ouertane qui offre, au même endroit, des affleurements de phosphate, des couches contenant des dents de requins gigantesques, des dolmens et des « mines de silex » préhistoriques constituent des sites privilégiés.
La réserve naturelle du Jebel Saaddine présente une flore et une faune méditerranéennes différentes en fonction de leur localisation et des curiosités géologiques telles que l'existence de minerai d'antimoine dont on tire le « K'hol » qui vient peut être de la nuit des temps ... pharaoniques. A côté des gazelles de montagne et des mouflons à manchettes, il faudrait aussi y réintroduire le caracal.
Dans la région d'El Kef, la Nature est d'une « prodigalité » inégalée : aux cultures des hommes, elle mêle, tel un peintre talentueux, des nappes dorées de ravenelles, des étendues sanglantes de coquelicots, des semis nacrés de camomilles et des lavis azurés de bourraches. Le long des talus, les mauves des « Chardons Marie » succèdent à celles des lavatères et précèdent les boules bleues épineuses des « oursins bleus » tandis qu'à leur pied, humblement, croissent les petits et les grands mourons bleus, les soucis oranges, les diverses « marguerites » blanches ou violettes et de superbes orchidées sauvages. Mille et une plantes comestibles, médicinales ou aromatiques ornent l'herbier régional.
Dans les cieux, les oiseaux migrateurs : le majestueuses cigognes, les guêpiers au plumage bariolé, le rollier d'Europe d'un bleu profond, les bécassines et les bécasses mordorées croisent l'aigle royal, les milans et les grands vautours sédentaires. Tout un peuple de « petits oiseaux » enchante les sous-bois : le chardonneret, le serin, le verdier, la linotte, les mésanges, le loriot et le rossignol sans compter le « rouge-queue » de Moussier qui est la mascotte de la réserve du Jebel Saaddine.
Toutes ces curiosités géologiques et écologiques intégrées à l'Histoire, aux traditions locales et au folklore encore vivaces permettraient d'organiser un tourisme total, durable parce qu'il respecte et sauvegarde l'environnement, implique et rétribue la population locale en assurant son développement économique et social. C'est un tourisme qui ne crée pas seulement des postes de domestiques mais des fonctions d'animateurs qualifiés.


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