Plus de 1.500 protestations sociales recensées au cours du mois écoulé. Le phénomène du suicide continue à ronger les jeunes Il ne passe presque pas un jour sans qu'un sit-in, grève ou des conflits tribaux n'éclate ici ou là. Le sit-in prolongé d'El- Kamour à Tataouine, il y a maintenant plus de trois mois, en est un fait marquant. Et les dérapages qu'il a générés ont fait acte de rébellion inavouée. Bref, ces événements troublants n'ont jamais atteint un tel record en un laps de temps aussi court. Soit 1.533 mouvements recensés au cours du mois écoulé, trois fois plus que ce qu'on avait enregistré pendant la même période de l'année passée, a jugé le sociologue Abdessattar Sahbani, chef de l'Observatoire social tunisien (OST) relevant du Ftdes. Lors d'une conférence de presse périodique, tenue hier matin à Tunis, il a présenté son rapport mensuel des mouvements citoyens de protestation, qualifiant ce «mai 2017» d'exceptionnel en termes d'évolution et de rebondissement des émeutes. Mais les manifestants d'El Kamour ne sont pas les seuls à avoir exacerbé la tension dans d'autres régions, fait-il remarquer. Le discours du président de la République, la démission- surprise de Chafik Sarsar, la guerre, brusquement, déclarée à la corruption ont, tous, fait monter l'adrénaline. A telle enseigne que la grogne a, parfois, pris une mauvaise tournure. Dans le sud tunisien, témoigne-t-il, certains mouvements ont connu une évolution graduelle pour finir en escalade et affrontements avec les forces sécuritaires. En cause, relève-t-il, des revendications sociales ayant trait essentiellement à l'emploi et au développement. Sauf que les motifs à caractère éducatif ont bien reculé face à des raisons d'ordre administratif, politique, sportif et environnemental (pollution à Gabès). S'y ajoute, en début de Ramadan, un remue-ménage dû à des considérations purement religieuses (comportements des non-jeûneurs..). Le sociologue a évoqué un tollé général qui a gagné tout le pays, et dont l'épicentre se situe, gravement, dans le sud tunisien avec plus de 200 mouvements à Tataouine et à Kebili. De même pour Kairouan et Sidi Bouzid. Seulement, selon le rapport, deux autres gouvernorats sont, heureusement, épargnés, à savoir Siliana et l'Ariana. Autre fait nouveau, faut-il le signaler, l'émergence des marches féminines constatées à Oueslatia (Kairouan), au siège de la délégation d'El Faouar (Kebili), à Ouled Chamekh (Mahdia), ainsi qu'au passage frontalier de Dhehiba, en signe de soutien aux sit-inneurs d'El Kamour. L'effet boomerang ! Toujours selon le même rapport du mois de mai, plus de 60 cas de suicide et tentatives de suicide ont été recensés. « Avec 30 cas de suicide effectifs dont 16 par immolation, le reste par pendaison ou par arme blanche...», détaille le rapport, constatant que la tranche d'âge 26-35 ans est la catégorie la plus touchée, et donc la plus facile à céder à la tentation. Par ailleurs, le rapport n'a pas manqué d'alerter sur la montée de la violence, pointant du doigt la cellule familiale d'être « le théâtre malheureux » de plusieurs manifestations violentes. En marge de la conférence, l'ex-secrétaire adjoint de l'Ugtt, Kacem Afaya, a pris la parole pour dénoncer les procès collectifs intentés contre 61 jeunes keffois, natifs de Tajerouine. Soit, trois affaires judiciaires portées devant la chambre criminelle relevant du tribunal de première instance du Kef, et dont les chefs d'accusation ont trait à des actes de trouble préjudiciables à l'ordre public (vol et incendie de locaux non habités au cours d'émeutes, entrave à la circulation et sédition armée en réunion de plus de 10 personnes...). L'ancien syndicaliste prend la défense des inculpés en tant que coordinateur du comité national de défense des mouvements sociaux, avec l'appui d'un ballet d'avocats volontaires. En conclusion, le président de l'OST a fini par prédire que la réserve protestataire serait d'envergure. «A moins qu'un plan d'action soit conçu dans l'immédiat...», préconise-t-il.