Les mesures gouvernementales prises en urgence, fin janvier dernier, dans le but d'apaiser, un tant soit peu, les tensions dans les régions insurgées n'ont pas, semble-t-il, réussi à calmer les esprits et satisfaire les doléances et réclamations des habitants. Certes, le taux des mouvements sociaux a relativement baissé, mais la grogne des frondeurs couve encore sous la cendre. Bilan du mois écoulé : quelque 529 mouvements, majoritairement collectifs, dont 51 actes de suicide et tentatives de suicide ont été enregistrés. Soit, un recul de 25% par rapport au mois précédent (987 mouvements signalés en avril). Ce triste tableau mensuel vient d'être dressé par l'Observatoire social tunisien (OST) relevant du Ftdes, lors d'une conférence de presse, tenue, hier matin, à son siège à Tunis. Présentant son rapport du mai 2016, le 33e déjà depuis le lancement de l'Observatoire, M. Abdessattar Sahbani, membre actif du forum, a souligné que cette régression notable est due, normalement, à la saison estivale et à l'avènement du mois saint, période où tout est repoussé ultérieurement. Cela n'empêchera pas de voir, deux mois plus tard, ces mouvements reprendre de plus belle. Et avec une intensité encore plus grave, si rien n'est fait d'ici là. C'est que l'élan revendicatif atteint, à chaque fois, son pic, à partir de janvier, pour finir par se mettre en veilleuse au cours de l'été. Une évolution des faits rythmée en dents de scie. Pourtant, la répartition géographique par gouvernorat continue de maintenir le cap, Kairouan et Gafsa figurant toujours en tête de liste des régions les plus insatisfaites. Viennent ensuite Tunis, Jendouba, Kasserine, Médenine et Sidi Bouzid. Et avec un moindre degré, ayant pour autant un impact similaire, le reste du pays. Sauf que les gouvernorats de Zaghouan, Manouba et Tozeur avaient connu, quant à eux, une accalmie totale, lit-on dans ledit rapport. Quid du rôle de l'Etat ? S'agit-il, vraiment, d'une trêve sociale, dictée d'une manière naturelle? Aussi, serait-elle encore une occasion à saisir, permettant au gouvernement de rectifier le tir et d'en finir avec sa fuite en avant ? Le retour à la table des négociations pourrait, prône-t-il, nous éviter le pire. Car, outre la crise endémique du chômage et les disparités régionales persistantes, il y a autant de motifs d'émeutes et des manifestations. Cadre de vie indécent, situation professionnelle précaire, pollution multiforme, coupures d'eau et d'électricité répétitives, mauvaise gouvernance locale, projets en difficulté et infrastructure non aménagée sont bien des maux décevants. Le manque à l'appel n'est, en fait, que l'élément provocateur de la colère. Les promesses non tenues sont censées jeter de l'huile sur le feu. Et là, ni le gouvernement actuel ni ceux qui l'on précédé n'ont pu retenir la leçon. En ces temps post-révolution, la solution doit passer par la voie de la négociation, commente le président du Ftdes, M. Abderrahmane Hedhili. L'incapacité de répondre aux attentes des protestataires amène certains parmi eux à se suicider ou tenter de le faire. Cinquante et un cas ont été recensés dans au moins 17 gouvernorats. Kairouan, Béja et Sidi Bouzid en donnent, ainsi, l'explication inquiétante dans les rangs d'une tranche d'âge entre 26 et 35 ans. De même, des enfants et des personnes âgées ont fait, à égalité, l'objet de six cas de suicide. On demande une solution Les mêmes causes mènent, forcément, aux mêmes conséquences, s'indigne M. Hedhili. Il a, vivement dénoncé le silence du gouvernement et la position passive qu'il manifeste à l'égard de ces flux incessants de protestation. En ces termes, il est revenu sur quatre points qu'il juge nécessaire d'évoquer : les dégâts collatéraux générés par la suspension des activités de la société Petrofac à Kerkennah, les sit-in prolongés des jeunes chômeurs à El Mourouj, Kasserine, Om Laârayes et Redayef. A qui incombe la responsabilité ?, s'interroge-t-il. Puis, il a abordé la question des régions-victimes dont les dossiers ont été déposés auprès de l'IVD. S'y ajoutent, récemment, ceux liés à la pollution, aux ouvriers temporaires des chantiers, ainsi que les femmes travaillant dans le textile et l'agriculture. Et là, le porte-parole du sit-in de Kasserine, Wajdi Khadhraoui, a saisi l'occasion pour s'étaler sur les revendications de ses camarades dans la région. « Sans négociation et sans solution, on n'arrêtera pas de manifester», prévient-il, appelant l'Etat à assumer ses responsabilités.