Il semble que le mois de Ramadan, les vacances d'été, le régime de la séance unique et bien d'autres vicissitudes politiques marquées par l'initiative présidentielle de formation d'un gouvernement d'union nationale ont fait de l'ombre à la fréquence des protestations citoyennes et leur rythme d'intensité dans les régions. Ces données ont été relevées lors d'une conférence de presse tenue hier matin au siège du Ftdes à Tunis. Selon les rapports mensuels des mois de juin et de juillet derniers, réalisés par l'Observatoire social tunisien (OST) relevant du Ftdes (Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux), la courbe des mouvements sociaux individuels et collectifs a légèrement chuté, notamment par rapport au mois d'avril écoulé (987 mouvements signalés). Bilan de juin: l'on y recense seulement 398 protestations déclenchées de façon instantanée ou spontanée, soit une régression notable en comparaison de celles constatées un mois plus tôt (quelque 529 mouvements en mai). Cet important recul, analyse l'OST, s'explique par une modification caractéristique des revendications en forme et en nature, mais aussi par l'architecture régionale et des acteurs contestataires, comme ce fut le cas à Gabès, Kasserine, Kairouan et Sidi Bouzid. Ces régions forment le plus souvent l'épicentre des crises et le sentiment d'insatisfaction populaire. Cependant, lit-on encore dans le même rapport, cette accalmie observée à ce niveau est due essentiellement à une couverture médiatique trop limitée et à la négligence que l'on a perçue à l'égard de l'opinion publique et du gouvernement. En revanche, prévoit-il, un tel recul n'est, en aucun cas, un indicateur pertinent sur l'amélioration de la situation générale, mais plutôt sur le manque d'intérêt que suscite cet élan protestataire, en contradiction avec ses éventuels risques de débordement dans les mois à venir. Paradoxalement, l'on enregistre, durant le même mois, quelque 69 cas de suicide et de tentatives de suicide. Un chiffre, certes, alarmant, mais qui demeure aussi limité que conjoncturel. Cela étant, le phénomène obéit, en partie, aux aspects de volatilité et de variabilité tant par tranche d'âge, genre que par région. Soit, moins d'actes de suicide chez les enfants de moins de 15 ans face à leur évolution à la hausse dans les rangs des 16-25 ans. Et là, un lien de causalité en a été établi avec les résultats de l'épreuve nationale du bac, souligne le rapport. En répartissant le phénomène par région, on constate que le gouvernorat de Nabeul devance ceux de Kairouan (8), Jendouba (7), Kasserine (6) et Sidi Bouzid (5), avec 22 cas, soit 20 fois plus qu'en mai dernier. Il ressort du même rapport que le taux de violence continue à être en hausse. Conjugales, familiales ou sexuelles, le phénomène gagne encore en ampleur et en intensité. En juillet, pas d'accalmie.. Contrairement aux prévisions, cette relative accalmie constatée en juin dernier n'aura pas duré jusqu'à juillet. C'est qu'il y a eu une certaine reprise de la tension sociale qui s'est soldée par 568 mouvements citoyens individuels et collectifs, soit presque le double par rapport à la même période en 2015, avec 272 protestations. En cause, le climat d'incertitude qu'a connu le paysage politique suite à la rupture due à la démission du gouvernement Essid et à la poursuite des concertations autour de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Et ce n'est pas tout, il existe d'autres raisons : coupures répétitives d'eau dans plusieurs régions du sud-est et du nord-ouest et d'autres problèmes liés à l'état environnemental, aux services administratifs et d'autres d'ordre social et économique. En fait, Tunis, Kairouan, Gafsa, Sidi Bouzid, Jendouba, Kasserine et Tataouine sont des régions considérées comme le théâtre des événements les plus fréquents. Tandis qu'ils sont de moindre importance dans le reste du pays. Zaghouan fait exception, n'ayant pas connu, depuis deux mois, des sit-in ou vagues de protestation, précise le rapport de l'OST. Force est de constater, aux dires de M. Abdessattar Sahbani, sociologue et rapporteur à l'OST, que ces mouvements sociaux ont pris, alors, une nouvelle forme, focalisés particulièrement sur la pénurie d'eau, un sérieux problème aggravé par la grande chaleur d'été. Pourquoi cette crise d'eau ? Pourquoi ne touche-t-elle pas les villes et les régions littorales ?, ainsi s'interroge-t-il. D'autres mouvements d'ordre économique, politique, éducatif et administratif ont été aussi alertés. La femme victime de violence Cette évolution des faits rythmée en dents de scie pourrait prendre une nouvelle tournure si rien n'est fait dans l'immédiat. Et les mois qui viennent s'annoncent plus chauds, sur fond de tensions sociales. Quant aux suicides et tentatives de suicide, le rapport de juillet a pu enregistrer une baisse remarquable par rapport au mois précédent. Bilan : 53 cas dont la tranche d'âge 20-39 ans a été la plus touchée. Ledit rapport lie les cas de suicide ou tentatives de suicide des enfants à des causes d'ordre scolaire et éducatif, étant donné, explique-t-il, qu'il y a une forte régression en dehors des périodes d'examens et des résultats de fin d'année. D'après le même rapport, les femmes ont toujours été victimes de toute forme de violence faite à leur encontre dans les espaces tant publics que privés, à savoir à caractère sexuel, conjugal et familial. Ce qui induit que la femme n'est plus en sécurité, les parties concernées devraient prendre le taureau par les cornes.