Pour une économie équilibrée, la monnaie en circulation ne dépasserait pas les 6% du PIB. En Tunisie, on est aux environs de 12% Au 5 juillet 2017 la valeur des billets et monnaies en circulation était de 11,017 milliards de dinars et le volume global de refinancement des banques par la Banque centrale était de 10,204 milliards de dinars. Ce sont des records et, d'après certains experts, ces indicateurs sont porteurs de plusieurs mauvaises significations. Pour M. Ezzeddine Saïdane, qui ne cesse de tirer la sonnette d'alarme pour sauver l'économie tunisienne, moyennant un nouveau plan d'ajustement structurel, le fait qu'il y ait beaucoup de liquide en circulation signifie que l'économie échappe du contrôle en faveur du secteur informel qui se base principalement sur le cash. Certes, le gouvernement a déclaré la guerre depuis environ deux mois contre la contrebande et la corruption, action suivie tout récemment par une prise d'assaut contre les vendeurs ambulants de la capitale et on a même procédé à la confiscation des biens et des comptes des personnes poursuivies. Mais, semble-t-il, cela n'a pas encore donné des résultats sur les comptes des finances publiques. Il faudra, sans doute, attendre le passage de la saison de grande consommation, en l'occurrence le Ramadan, l'été et la rentrée scolaire pour faire le point de la situation, car, pendant cette période, le Tunisien lambda n'est pas généralement disposé à faire une quelconque concession. Toutefois, cette attitude consumériste n'est au fait que la partie apparente et superficielle du problème. L'explosion de la masse monétaire n'est pas dissociée de l'ensemble des autres indicateurs économiques dont la valeur du dinar par rapport aux monnaies étrangères, le taux de croissance qui renferme l'ensemble de la valeur ajoutée et l'évolution des revenus qui reflètent le fruit du travail et également l'état général de la santé économique du pays. Jusqu'à un moment peu lointain, la situation était proche du chaos, dans la mesure où l'économie tunisienne est entrée à un certain moment en récession technique avant d'enregistrer des prémices de reprise à la fin du premier trimestre 2017. D'où, donc, la dimension structurelle du problème et qui tourne principalement autour d'une seule problématique : pourquoi l'économie informelle a tendance à proliférer rapidement et pourquoi l'économie formelle peine toujours à reprendre son envol ? Formel vs informel Il est évident que le côté dissuasif est important dans cette lutte entre formel et informel. Mais sans une approche globale permettant de réajuster les vraies causes du problème, le risque de rechute sera toujours présent. L'emploi décent pour tous, le pouvoir d'achat équilibré et la bonne gestion du budget de l'Etat mais aussi des ménages seraient toujours des préalables à une bonne santé économique. A vrai dire, ces objectifs jouissent d'un grand accord consensuel, mais comment y parvenir, toute la question est là. Pour une économie équilibrée, la monnaie en circulation ne dépasserait pas les 6% du PIB. En Tunisie, on est aux environs de 12%. Dans des pays où la situation est optimale, on pense aujourd'hui à supprimer carrément les transactions en espèces (comme dans les pays scandinaves) par le développement de la monétique, mais aussi par l'augmentation de la conscience collective en faveur d'un système transparent généralisé. Là, toute la circulation de la monnaie passe par des serveurs centralisés et l'on parvient à assurer une traçabilité même pour l'achat d'un café ou d'un sandwich dans un restaurant populaire. C'est ainsi dire, qu'on est encore loin, très loin même, de ce degré élevé de développement humain, lorsqu'on observe des résistances de toutes parts contre toute forme d'amélioration de la transparence. L'on se rappellerait au passage de l'attitude des patrons des cafés, refusant le système automatique de prélèvement relié à la gestion des finances publiques. L'on citerait aussi le refus des médecins de l'ordonnance numérotée pour éviter essentiellement de payer leur impôt réel. Plusieurs autres métiers veulent garder un aspect opaque de leurs activités et donc informel. L'on s'interrogerait au final, que voulons-nous faire, nous autres Tunisiens, de notre économie ?