Webmanagercenter: La Tunisie a toujours eu des bonnes relations avec la Banque mondiale, comment expliquez-vous cela? Ndiame Diop: La relation est plutôt celle d'un partenariat sérieux entre un pays qui définit et exécute sa stratégie de développement de manière autonome et compétente et la Banque mondiale qui soutient cette stratégie en apportant un financement complémentaire, de l'expertise et de l'assistance technique. Le partenariat entre la Banque mondiale et la Tunisie est objectif, franc et de haute facture technique. Nous apprécions mutuellement le travail que nous faisons ensemble. Selon certains économistes, le développement implique plus que la croissance définie par l'augmentation du PIB d'une année sur l'autre. Il pourrait se manifester par l'amélioration des performances des facteurs de production, par la densification et la modernisation du réseau d'infrastructures ou par le développement des institutions. Pensez-vous que la Tunisie soit en train de réaliser cette qualité de développement? Oui, la croissance signifie concrètement une augmentation des revenus et c'est une condition nécessaire pour l'amélioration du bien-être et de l'emploi. Classiquement, elle est portée par l'accumulation de capital induit par l'investissement public et privé, y compris dans les infrastructures, par le capital humain et par la productivité qui est fortement influencée par des facteurs tels que l'ouverture de l'économie, l'innovation et l'environnement des affaires au niveau macroéconomique et microéconomique. La Tunisie a connu une croissance appréciable ces deux dernières décennies. Au cours de celles-ci, tous les facteurs ci-dessus ont joué, même si celui de l'investissement privé national est resté moins dynamique que prévu. La Tunisie est bien notée par les agences de notation internationales. Dans le cadre de l'amélioration de la gouvernance y aurait-il des suggestions de la part de la Banque mondiale? Comme tout problème, un diagnostic rigoureux fondé sur des enquêtes bien élaborées est nécessaire pour remédier à certaines insuffisances. La Banque Mondiale n'a pas réalisé d'étude sur la gouvernance en Tunisie. Cependant, pour répondre à votre question, il semble que la compétition sur le marché reste problématique car les entreprises formelles relèvent l'existence de pratiques anticoncurrentielles et une concurrence déloyale venant du secteur informel. Estimez-vous le climat d'affaires en Tunisie propice au développement des investissements? Absolument, même si c'est un domaine où il faut toujours aller de l'avant pour ne pas être distancé par ses concurrents. Pensez-vous suffisantes les réformes engagées ces dernières années pour améliorer l'environnement des affaires, celles relatives au secteur financier et celles visant l'intégration régionale de la Tunisie dans son environnement maghrébin et méditerranéen? Les réformes relatives à l'intégration ont véritablement porté leurs fruits. Le secteur financier est moderne, mais fait encore face à quelques contraintes structurelles (à titre d'exemple, la part encore élevée des créances classées et l'étroitesse du secteur financier non bancaire). Quels sont les chantiers les plus importants soutenus par la Banque mondiale en Tunisie? L'appui de la Banque mondiale touche des domaines variés : appui aux réformes économiques initiées, appui aux chantiers de l'Etat dans les domaines de l'énergie, du développement rural (gestion des ressources naturelles et développement du nord-ouest), eau et assainissement, éducation (qualité de la formation et réformes de l'enseignement supérieur), développement municipal, valorisation du patrimoine culturel, mise à niveau du secteur de la santé, reformes dans le domaine de la facilitation du commerce, ) Comment est-ce que la Banque mondiale juge les stratégies mises en place par la Tunisie ? Elles sont bonnes et constituent une très bonne base de coopération. Pensez-vous qu'une dévaluation progressive du dinar soit bénéfique pour le tissu industriel surtout à l'importation? Il faudra étudier cette question pour une réponse précise. Une dépréciation de la monnaie est généralement favorable aux secteurs d'exportation et de substituts aux importations. Mais les firmes tunisiennes, même dans ces secteurs, importent des matières premières et équipements dont le prix en monnaie locale augmente avec la dépréciation. En outre, il faut toujours voir comment les prix sur les marchés mondiaux évoluent sur la période de dépréciation. L'effet net sur les firmes dépend de ces diverses évolutions. La libéralisation du dinar tant attendue a été freinée par l'avènement de la crise, pensez-vous qu'il faille achever le processus nonobstant la conjoncture mondiale difficile? Je pense que la stratégie de la Tunisie est de la réaliser mais par étape et selon un rythme qui tient compte de la conjoncture mondiale. C'est une bonne démarche. Il s'agit d'une réforme complexe à facettes multiples qu'il faut exécuter graduellement.