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des corrections s'imposent
Pour un développement durable en Tunisie,
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 04 - 2016


Par Hédi DAMI *
Dans notre pays les problèmes s'accumulent, s'amplifient et on est toujours en quête de solutions. La crise dans les rapports sociaux en est un exemple flagrant. Les désaccords entre le capital et le travail s'intensifient et chacune des parties durcit sa position et personne ne peut improviser et prévoir l'avenir. Il faut donc apporter les rectifications nécessaires et qui s'imposent pratiquement dans toutes les branches de l'économie. Pour préserver l'avenir de nos enfants, et aspirer à un développement durable, il est donc urgent de réguler le système sur le plan économique, politique et social. Maintenant, les choses prennent une dimension inquiétante et, à l'avenir, nous risquons de ne plus pouvoir maîtriser la situation dans quelques domaines de l'économie.
Notre objectif dans cet article est de soulever quelques problèmes importants et nous essaierons, à chaque occasion, d'apporter des recommandations et quelques suggestions que nous estimons nécessaires. Il n'échappe à personne que, pendant les deux dernières décennies, malgré la sélection que connaissent les élèves et les étudiants dans les trois cycles d'enseignement, il s'avère que le rendement réel du système éducatif est nettement supérieur à la croissance de l'économie. Dès lors, chaque année, on voit apparaître un nombre important de chômeurs diplômés et non diplômés qui viennent s'ajouter au chômage déjà existant. En d'autres termes, c'est comme si nous sommes en train d'inscrire le système éducatif dans une dynamique autonome par rapport au système marchand. Dans l'enseignement supérieur il y a des «usines de chômage» lorsque des institutions à quelques mètres de distance, l'une de l'autre, donnent le même type d'enseignement que le système marchand n'en veut pas.
Pourquoi la plupart des 24 Iset dispensent-ils des cours d'économie et de gestion alors que leur mission principale c'est le développement technologique que le système productif en a tant besoin? En même temps ces institutions regroupées et ces Iset exigent chaque année universitaire des dizaines de milliards pour leur fonctionnement. C'est des investissements improductifs et qui créent, en même temps, des postes fictifs.
Nous sommes tout à fait conscients que le chômage des diplômés est dû, entre autres, à la flexibilité du marché du travail. Cela signifie que le marché du travail n'obéit plus à la loi du marché et que l'embauche se fait, couramment, par des relations personnelles et / ou familiales. Par conséquent, les plus vulnérables de la société ont moins de chances pour accéder à la vie active : c'est la loi du paupérisme social. Pour limiter les dégâts, la solution réside dans une planification centralisée pour mieux se connaître et connaître nos réels besoins dans les différents profils et dans les différentes spécialités scientifiques. Il serait alors possible d'orienter les étudiants en fonction des besoins de l'économie et non en fonction de l'infrastructure éducative disponible. En même temps, un courage politique s'impose pour convertir quelques Iset en fonction des besoins et de la spécificité de chaque région : si je suis preneur de décision, je n'hésiterais pas à convertir l'Iset de Sfax en un institut supérieur de la pêche.
A contre-courant des évènements, on est en train de réinscrire les élèves exclus dans les écoles primaires au nom de la justice sociale et dans le cadre de l'enseignement toute la vie. Si parmi ces exclus il y a ceux qui ont dû quitter l'école pour des handicaps physiques ou pour des raisons strictement économiques, la démarche du ministère de l'Education fait honneur à tous les citoyens. Il faut non seulement réinscrire ces élèves et en plus il faut leur apporter les soutiens matériels et logistiques nécessaires comme la gratuité des fournitures scolaires, la gratuité des transports publics, la gratuité des soins pour qu'ils puissent étudier dans de bonnes conditions, pour réussir et pour rentrer dans la vie active. Par contre, si certains élèves sont exclus pour des insuffisances scientifiques, ou pour absence totale d'adaptation et d'assimilation; ou encore pour des indisciplines et pour des incorrections fréquentes, ça serait une erreur de les réinscrire dans des écoles même si leur âge le leur permet. Ce qui convient de faire, plus tôt, c'est de donner à ces adolescents âgés de 13 à 16 ans une formation professionnelle fonctionnelle ou les intégrer dans des «écoles informelles».
L'alphabétisation doit être formelle
A l'âge de 24 à 25 ans ils seront de bons mécaniciens, de bons électriciens, de bons plombiers, de bons chaudronniers, de bons frigoristes, de bons spécialistes en aluminium, des techniciens qui manquent farouchement dans les marchés des biens et des services et ils gagneront aisément leur vie.
Ces nouveaux patrons, qui se mettront à leur propre compte, vont travailler et vont faire travailler d'autres ouvriers et ils vont distribuer des salaires pour soutenir la demande solvable. Dans cette «école informelle» il n'y a pas de professeurs, ni des maîtres mais des vieux patrons qui transmettent des connaissances sur le tas pour former les hommes de demain et faire de ces jeunes égarés des hommes consciencieux et bien équilibrés. Par contre, le secteur informel dans sa totalité, il croît proportionnellement à la croissance du chômage. Actuellement, il prend une importance considérable sur le plan national et on a du mal à le maîtriser. Il s'y développe, en effet, des transactions illégales qui imputent considérablement les ressources financières de l'Etat et il commence à nuire sérieusement aux entreprises de mêmes spécificités dans le secteur formel. Du coup, le secteur informel qui était, il n'y a pas long tant, générateur de plein emploi, risque fort bien d'être également générateur de chômage, ce qui complique et obscurcit davantage la situation. Il s'avère, en effet, que parmi les jeunes qui « s'investissent » dans le secteur informel, certains sont tentés à pratiquer des activités terroristes moyennant, bien sûr, des enveloppes importantes. Le terrorisme détruit l'économie de notre pays et tue des hommes innocents dans l'exercice de leur fonction (armée, police, garde nationale...). En grande partie, l'origine du terrorisme c'est le chômage et pour vaincre le terrorisme il faut trouver une solution radicale au chômage.
On a déjà assez de juristes, d'économistes, de littéraires diplômés à la recherche de travail, ce qui est paradoxal par rapport à un pays en voie de développement qui, théoriquement, a tant besoin de ses hommes instruits pour soutenir l'économie du pays. On peut concevoir ces institutions universitaires et ces instituts comme des « usines exportatrices » d'un « produit » (les hommes diplômés) abondant chez nous et rare dans d'autres pays. La question se poserait alors en termes d'externalités : des externalités positives pour le pays qui reçoit et des externalités négatives pour le pays formateur, c'est-à-dire pour nous. L'investissement dans les ressources humaines est un investissement parmi les plus rentables, pour le pays qui l'entreprend, mais il faut que ça soit fait dans la règle de l'art et convenablement.
L'analphabétisation doit être également fonctionnel. En effet, apprendre à des illettrés à écrire et à compter, cela ferait certainement sortir des femmes et des hommes de l'ignorance et de l'asservissement mais une formation obsolète ne les insère pas dans la vie active. En d'autres termes, le travail et le savoir-faire sont considérés comme des valeurs d'échange au service du développement économique et social.
Dans les zones déshéritées, beaucoup d'écoles primaires ont dû fermer par manque d'input. C'est, en partie, à cause de l'exode rural mais surtout à cause de la diminution de la croissance démographique (à peine 1%). Il y a 1⁄4 de siècle la croissance démographique en Tunisie était à peu près égale à celle de l'Inde (2,3%), un pays qui, pour des raisons ethniques, n'a jamais pratiqué le planning familial. La croissance démographique est une réponse à la pauvreté : une famille nombreuse même à salaire de Smig arrive aisément à subvenir à ses besoins. En outre, un homme, quand il vient au monde, il a sûrement des capacités physiques et intellectuelles qui lui permettent de créer des richesses et il serait donc capable de soutenir l'économie de son pays loin des démagogies malthusiennes. Alors la solution qui consiste à faire reculer l'âge de la retraite est une solution de courte durée. Elle n'assure pas l'équilibre à moyen et à long terme et par conséquent elle doit être abandonnée. Actuellement, en Tunisie, 15% de la population active est à la retraite. Elle serait de 25% d'ici l'an 2025. Dans ces conditions les charges et les responsabilités que devrait assumer la population réellement active seront difficiles à assurer. La solution réside donc dans la lutte contre le chômage : il faut que les jeunes se trouvent du travail, se marient et mettent des bébés au monde pour remplacer ceux qui partent à la retraite et on assure ainsi l'avenir du pays.
La formation sur le tas ou la formation professionnelle doivent permettre aux jeunes, surtout les jeunes dans le milieu rural, de réparer un moteur, une pompe, un tracteur, de préparer les insecticides pour la protection animale et /ou végétale. Cette stratégie permettrait aux jeunes ruraux de se maintenir dans leur milieu d'origine et donc d'éviter l'exode rural qui est à l'origine de beaucoup de problèmes et de profonds déséquilibres.
La mobilité sociale en Tunisie a bien créé un surpeuplement dans les grandes villes par rapport à un dépeuplement dans les régions déshéritées. A titre d'exemple, Tunis et Sfax, deux gouvernorats sur 24, abritent le 1/3 de la population totale. Quant ils arrivent dans les villes du littoral ils demandent un logement, du travail, de l'éducation pour les enfants, des soins...Pour subvenir à ces besoins on est obligé de concentrer les investissements dans les grandes villes et leurs banlieues. C'est pour ces raisons, et il y en a bien d'autres, que certaines régions en Tunisie polarisent la croissance alors que d'autres polarisent le retard de développement. Pour réduire sinon stopper la mobilité sociale il faut qu'il y ait obligatoirement une mobilité du capital : si ce n'est le capital qui va vers les hommes ce sont les hommes qui vont vers le capital. Il y a, certes, une abondance relative de l'infrastructure dans les grandes villes et une absence quasi-totale dans les régions du nord et du sud, ce qui oblige les responsables économiques et politiques à concentrer les investissements dans les surfaces agglomérées. On trouve souvent une infrastructure héritée de la période coloniale qui dénote que le tunisien indépendant n'a pas réussi à changer le cours de l'histoire. Il faut donc encourager les investissements nationaux et internationaux dans les régions peu développées. Mais au préalable, encore une fois, une planification s'impose pour connaître les spécificités et les besoins de chaque région et de procéder à un ordre de priorité vue l'absence quasi-totale des moyens techniques et surtout financiers que connaît notre pays actuellement.
L'une des priorités absolues c'est de réduire le chômage au strict minimum. Il s'avère, en effet, que le chômage est, à la fois, dangereux et plus difficile à traiter que l'inflation. Il est structurel et dévastateur du paysage économique du pays. Alors, Il faut mettre en place des investissements générateurs de plein-emploi et à effets multiplicateurs. C'est-à-dire des investissements qui auront d'autres répercussions positives. Il s'agit de construire des usines, dans chaque gouvernorat, et en nombre suffisant, pour le traitement des ordures ménagères dont le paysage incarne la honte et la désolation dans une Tunisie réputée être « verte ». Un autre investissement qui aurait plusieurs retombées positives tant sur le plan social que sur le plan économique : des usines pour dessaler l'eau de mer. Ça permet de satisfaire les besoins en eau potable des familles pauvres et surtout ça sert pour l'irrigation et le développement de l'agriculture dans les régions arides et affecter par les sécheresses. L'eau peut faire des déserts des paradis, à la fois, cultivables et exploitables et générateurs des revenus. En outre, ces investissements assureront sûrement des centaines voire des milliers des postes de travail, directs et indirects.
La Tunisie face à la crise la plus grave de son histoire
Certes, ces usines exigent des moyens financiers assez importants mais pour «faire une omelette il faut casser les œufs». En attendant, les travailleurs doivent être à la hauteur de leurs responsabilités, ils doivent changer de mentalité et travailler dignement. Autrement dit autant qu'ils pensent uniquement à augmenter les salaires il faut qu'ils pensent aussi à avoir un meilleur rendement pour augmenter les richesses.
Selon les experts du FMI et de la Banque mondiale, les travailleurs tunisiens ne travaillent qu'à 1/3 de leur rendement normal. Dès lors, le refus de travailler ne se justifie pas. Au besoin, il faut utiliser les grands moyens quitte à changer la loi en vigueur et un ouvrier, même titularisé, et qui refuse de travailler, sans excuse valable, risque d'être mis à la porte. Pour travailler correctement, comme il se doit et donc éviter les grèves sauvages et non autorisées, il n'est pas exclu et c'est même souhaité, que l'on adopte dans les administrations publiques et dans les entreprises privées le système keynésien de «l'Armée de réserve». Au besoin, on peut utiliser également la politique des salaires d'efficience : diviser pour régner. L'essentiel c'est d'assurer la continuité de la production et donc de sauver le système.
Il est également recommandé de réduire les jours fériés et chômés au strict nécessaire. On se contenterait alors de fêter les deux Aïds, la fête de l'Indépendance et au besoin la fête de la Révolution : une journée chômée et payée se chiffre à des milliards de dinars de manque à gagner.
Un peu de bonne volonté est aussi nécessaire et même indispensable. Quelques branches, et elles sont bien rares, dans notre économie, et jusque-là elles sont à l'abri de la crise, connaissent des erreurs d'improvisation et de gestion. Dans ces branches la production nationale dépasse la consommation nationale comme par exemple l'huile d'olive offerte à des prix de misère aux étrangers, car elle est exportée en vrac, les dattes qui se vendent dans des broutes au bord des rues dans des conditions lamentables alors qu'elle aurait pu être une source de devises, le lait qu'on verse sur les chaussées alors que nos voisins algériens produisent à peine 13% de leurs besoins en lait. C'est donc un marché à conquérir comme celui du gaz algérien qui transite par la Tunisie pour être acheminé vers l'Europe : des transactions où il y a toujours un avantage comparatif entre les deux pays voisins et frères. Les détergents qui font défaut dans les pays d'Afrique... En somme les débouchés extérieurs constituent «l'oxygène» pour nos entreprises afin d'éviter la faillite des entreprises et l'augmentation du chômage dû à la misère de l'abondance. En attendant, par le jeu de la concurrence, d'autres pays prendront notre place sur les marchés internationaux.
Certes, l'augmentation des salaires et l'indexation des prix aux salaires soutiendrait le pouvoir d'achat des plus vulnérables de la société, augmenterait la productivité du travail, généraliserait une situation de bien-être par l'accroissement du volume des richesses et surtout éviterait les remous sociaux. Les négociations actuelles arrivent à une impasse et la grève projetée est une solution absurde dans une économie au bord de la faillite. La crise dans les rapports sociaux est quasi permanente car l'objectif que visent les propriétaires des moyens de production et les travailleurs est tout à fait hétérogène : les premiers cherchent à maximiser les profits pour un besoin d'accumulation et les seconds cherchent plutôt à maximiser les salaires pour mener un train de vie normal. Or profit et salaire ne vont qu'exceptionnellement de pair, c'est-à-dire lorsqu'il y a une croissance économique généralisée, ce qui n'est pas le cas actuellement.
En attendant, nous vivons dans une situation de stagflation où le chômage et les prix des biens et des services augmentent en même temps, et il est quasiment impossible de pouvoir trouver une solution simultanée aux deux phénomènes à la fois. Cependant, on ne peut pas faire assumer aux entreprises, à elles seules, l'augmentation des prix. Certes, elles y sont pour quelque chose mais l'erreur incombe, en grand partie, à notre mauvaise politique financière. Sachant que la raison d'être du capitaliste c'est de maximiser les profits, l'augmentation éventuelle des salaires sans contre-partie (meilleur rendement et productivité), risque de porter atteinte à la vie de l'entreprise et la faillite éventuelle des entreprises augmenterait le volume du chômage : lorsqu'on tue le capital on tue le revenu. Les grèves qui en découlent ne font qu'empirer la situation. Par conséquent, il est impératif de trouver un champ d'entente et la solution serait entre les mains de l'Etat : même au prix d'augmenter le déficit public (qui est déjà insupportable). Il faut compenser la baisse du taux de change, soutenir le pouvoir d'achat de notre monnaie, alléger la baisse vertigineuse de notre monnaie par rapport aux monnaies de référence : l'or et le dollar, et cela ne peut se faire qu'avec un développement économique et social harmonieux car la monnaie est neutre. Il faut éviter le remboursement de la dette par les dettes : une manipulation monétaire sans créer des richesses. Elle augmente obligatoirement les prix des biens et des services sur le marché : on provoque, en effet, un déséquilibre des circuits car on injecte une masse monétaire en circulation sans qu'il y ait des valeurs économiques compensatoires. En Tunisie, on consomme beaucoup plus que l‘on produit et la croissance de l'économie varie entre 0 et 1%, ce qui augmente systématiquement notre dépendance vis-à-vis de l'extérieur.
En effet, les agrégats macroéconomiques expliquent clairement que la Tunisie traverse la crise la plus grave de son existence. Pour en avoir une idée claire, il suffit de voir le déficit de la balance des paiements, le déficit de la balance commerciale, la diminution des réserves de change, la dette qui s'accumule et qui joue, des fois, des rôles d'éviction par rapport à l'épargne nationale déjà insignifiante par rapport à la formation brute du capital fixe (FBCF)....La crise financière est tellement grave que la Tunisie s'est vue dans l'obligation de demander à ses partenaires étrangers (pays et institutions financières) un rééchelonnement de la dette. La Tunisie, qui a toujours honoré ses engagements financiers internationaux, risque fort bien, avec l'éventuel rééchelonnement de la dette, d'affecter négativement son honneur, son prestige et le sérieux qu'elle a réussi à voir dans le monde.
En somme, la Tunisie est à la recherche d'un équilibre et surtout elle a besoin d'une bonne gouvernance dans tous les domaines de l'économie. La crise qui s'amplifie entre les responsables politiques et entre les différents partis politiques provoque de sérieux problèmes économiques et sociaux, et retarde, par conséquent, la reprise économique.
On peut s'inspirer des expériences des pays du Sud-Est asiatique, que ce soit les NPI (les nouveaux pays industrialisés) ou les pays BIC (le Brésil, l'Inde et la Chine) devenus actuellement des pays industrialisés. Il y a un quart de siècle, les Chinois étaient parmi les pauvres du monde. Actuellement, la Chine est la deuxième puissance économique mondiale et les Chinois se permettent des vacances dans tous les pays du monde. Sans rentrer dans les détails, on se contente de dire que le miracle chinois est dû à l'ardeur au travail, à l'amour patriotique de la masse des travailleurs, à la mentalité des ouvriers qui veulent bien voir leur pays parmi les plus développés du monde et à la bonne gouvernance des responsables politiques et économiques.
Pour nous, il n'est jamais trop tard pour bien faire. Nous savons pertinemment que la principale ressource de l'Etat, c'est l'impôt. Alors l'impôt doit être prélevé d'une manière équitable et démocratique. Par conséquent, chaque citoyen doit payer ses impôts en fonction de ses revenus et conformément à la tâche qu'il accomplit. Alors les médecins doivent accepter le système des ordonnances numérotées. Les responsables au fisc doivent être mutés à la fin de chaque année pour le bon déroulement des redressements fiscaux. Les mêmes démarches doivent être entreprises dans les postes stratégiques dans les différentes administrations pour éviter le glissement des « enveloppes » qui lèsent ceux qui n'ont pas les moyens et réduisent énormément les ressources de l'Etat qui, pour assurer ses recouvrements indispensables, serait obligé de recourir à la dette. En attendant, les dessous de table font l'affaire des malfaiteurs et des truands. Ces manipulations sont assez répandues dans notre pays mais elles sont difficilement saisissables : l'honnêteté devient une denrée rare.
Redorer le blason du tourisme
Sur les 3 millions 600 mille personnes que compte la population active en Tunisie, le tiers travaille dans l'administration et par conséquent ils sont retenus à la source. Les deux tiers qui restent sont des fonctions libérales et des entreprises indépendantes. Généralement, les patrons tiennent deux comptabilités : l'une est fictive, destinée à l'Etat, où toujours les choses vont mal et l'entreprise connaît des problèmes sérieux et pour l'argent c'est toujours « Bah ! ». Bien entendu, la morale de l'histoire c'est pour payer le minimum d'impôts. La deuxième comptabilité c'est pour lui pour voir s'il est en train de couler ou d'émerger.
La Tunisie est classée au premier rang dans le monde en développement pour la question démocratique alors qu'on est en train de favoriser la délinquance et la ségrégation sociale. Le seul remède c'est de garantir un bon salaire aux responsables dans les postes stratégiques pour éviter ou du moins pour réduire les effets désastreux et dévastateurs des pots-de-vin et des dessous de table. Il convient, en même temps, de procéder à des permutations constantes des responsables dans les différentes villes, et donc dans les différentes administrations du pays. Ça ne va pas être facile pour leurs familles et leurs enfants, mais c'est la seule alternative pour stopper le blanchiment d'argent dans notre pays.
Si l'on parvient à mieux doter l'«assiette» de l'Etat par l'intermédiaire d'une meilleure politique fiscale, et l'on arrive à récupérer une bonne partie des capitaux dérobés par les responsables de l'ancienne administration politique du pays, on pourra résoudre pas mal de problèmes par le financement de grands projets nationaux de façon à soutenir les branches économiques qui accusent un retard de croissance, comme par exemple traiter les ordures, dessaler l'eau de mer, développer et imposer la loi dans le domaine de la pêche, mieux organiser le secteur de l'énergie qui avait coûté à la communauté nationale un manque à gagner estimé à plus de 4.800 milliards. Si l'on privilégie uniquement l'intérêt national, les grèves de Gafsa, M'dilla, Om Larayès, Gabès... sont injustifiées. On aurait pu trouver une solution si la volonté politique était présente. On aurait pu, en effet, utiliser les salaires d'efficience, des intéressements, recourir à notre armée de réserve de chômeurs pour remplacer une partie des grévistes et assurer la continuité de la production, quitte à employer les grands moyens. L'objectif c'est de sauver et protéger un secteur aussi stratégique que celui de l'énergie, un secteur sensible et constamment secoué par la concurrence internationale.
La fine fleur de notre économie, c'est le tourisme. Ce que nous avons entrepris à Douz, Nefta, Kébili, dans les déserts... c'est très bien, car ça encourage le tourisme local mais ça demeure très insuffisant. Il faut, en outre, faire revenir les touristes étrangers pour acquérir davantage de devises, maintenir sinon augmenter les recrutements des travailleurs et pour redonner aux hôtels leur dynamique d'autrefois. Le remède radical pour le développement touristique en Tunisie, c'est anéantir le terrorisme. Notre pays ne fait pas exception puisque le terrorisme ébranle et secoue tous les pays du monde. La communauté nationale supporte déjà des sacrifices financiers très importants, ce qui amplifie davantage la crise : au lieu de consacrer le peu d'argent qu'on a à l'achat de machines productives, on achète plus tôt des machines de guerre.
Maintenant, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, nous avons, certes, sacrifié du temps et des moyens techniques et surtout humains, mais on a obtenu de bons résultats et il faut continuer quels que soient les sacrifices à consacrer. Il est important d'imposer aux terroristes une guerre économique. Il faut leur couper les ravitaillements en eau, en pain, en pâtes, en légumes, en vêtements, en couvertures...dans les régions montagneuses où les terroristes trouvent refuge. Au besoin, il faut faire du porte-à-porte pour les répertorier et empêcher leurs parents et leurs amis de les aider à subvenir à leurs besoins : il est, certainement, un terroriste mais a des besoins vitaux indispensables à la vie comme se nourrir et se vêtir. Quand il en sera privé, il sera facilement saisissable et facile à liquider.
Créer 14.000 postes de travail dans l'armée, dans la police et dans la garde nationale est une très bonne initiative politique. Elle permet de faire d'une pierre deux coups : d'abord, elle permettrait, en même temps, de réduire le chômage et de mieux contrôler les activités terroristes. Alors, il convient de créer 4 à 5.000 postes de travail aux jeunes chômeurs originaires de Kasserine, Jendouba, Le Kef..., les endroits montagneux où résident les terroristes. Ces jeunes vont changer de statut : du statut des chômeurs vers un statut des travailleurs qui portent un uniforme, ce qui très important. Un homme qui a un minimum de rationalité ne retournerait pas à la situation d'autrefois. Pour cela, il ferait tout pour préserver et pour conserver son nouveau poste quitte à ce qu'il se fasse aider par ses proches et ses parents pour tenir tête et liquider les terroristes.
Notre modèle de développement
Maintenant, le chômage est donc notre principale préoccupation.
Nous proposons un modèle de développement qui implique beaucoup de courage politique et une nouvelle mentalité de la masse des hommes pour un consensus social.
Il serait fort intéressant de réduire l'intervention systématique de l'Etat dans tous les domaines de l'économie. Maintenant, l'Etat est, en effet, le premier investisseur, le premier épargnant, le premier patron, le premier décideur....si bien que il est systématiquement sollicité pour tous les problèmes économiques, sociaux et financiers. Alléger la charge de l'Etat lui donne la possibilité de mieux contrôler les questions et les domaines stratégiques : sécurité, éducation, santé, relations internationales...
Beaucoup de domaines peuvent être entièrement ou partiellement contrôlés et dirigés par les privés avec l'aide et le soutien financier de l'Etat. Ces derniers mettront en place des projets pour mettre l'huile d'olive dans des bouteilles et mieux emballé, ce qui permettrait de gagner davantage de devises étrangères. Ils réaliseront également des projets pour dessaler l'eau de mer. C'est le projet du XXIe siècle pour la Tunisie, car l'eau douce maintenant est loin d'être un bien libre. Ces entreprises vont satisfaire les besoins des hommes et de l'économie et préparer un meilleur avenir à nos enfants. D'autres projets pour le ramassage des ordures ménagères et du coup on éviterait la propagation des épidémies et la pollution de l'air et de la mer. Des investissements pour sauver le secteur de la pêche contre les pirates qui minent la richesse de la mer. Des patrons qui vont trouver des débouchés extérieurs pour notre marchandise additive (datte, lait, détergeant...) et éviter, ainsi, les misères de l'abondance. Il faut donc jouer les jeux de la privatisation dans les trois secteurs de l'économie.
Il s'avère, en effet, que le chômage est un mythe. Un chômeur est, par définition, un homme pauvre, un homme exclu et que la société n'en veut pas. Surtout lorsqu'il s'agit d'un chômeur diplômé, il est davantage frustré et davantage culpabilisé. Pour surseoir à son sort, il guetterait n'importe qu'elle opportunité et l'«émail» qui l'attire vers les organisations terroristes. Dans notre pays, le chômage est structurel et toutes les tentatives pour l'éradiquer se sont avérées vaines. Il est devenu dangereux au point où il « alimente » le terrorisme qui détruit le paysage économique de notre pays et empêche la relance de notre économie.
Dans le modèle que l'on propose, il faut s'attendre à ce que la crise des rapports sociaux augmente d'intensité, mais c'est une situation conjoncturelle. Les travailleurs auraient certainement un soutien inconditionnel de la part des patrons qui seraient amenés à payer un impôt de 1% sur les chiffres d'affaires pour « Assistance au chômage» et l'Etat s'y porterait garant.
Sur le plan économique, il s'agit de mettre en place un système de production fordiste. Le fordisme apparaît alors comme une forme de régulation. Il permettrait de réduire le coût du travail et il maintiendrait une augmentation systématique des salaires des inseders. Cependant, il augmente aussi le volume du chômage par le phénomène de substitution de l'homme par la machine. En même temps il assure une meilleure productivité du travail et une production de masse. Il s'ensuit une dynamique de consommation suite à la baisse des prix des produits sur le marché : à une production de masse, il faut opposer une consommation de masse. En d'autres termes, il s'agit d'une meilleure articulation entre le secteur des biens de production et le secteur des biens de consommation : notre économie doit être davantage flexible.
Le procédé de production fordiste est une forme de régulation de l'économique au détriment du social, mais à ce niveau le chômage n'est pas considéré comme un phénomène de déséquilibre mais le «prix de la croissance».
Dans ce modèle, toutes les composantes de la société se trouvent épanouies : l'Etat qui aurait une «assiette» bien garnie par le biais de l'impôt, les entreprises qui maximisent les profits, et les travailleurs qui doivent changer de mentalité et de comportement vis-à-vis du travail en étant plus dévoués et plus consciencieux, ils auraient un salaire efficient qui dépasserait leur productivité marginale. Enfin, les chômeurs qui auraient un salaire nettement supérieur ou égal au Smig eviteraient les remous, les descentes injustifiées dans les rues et surtout ne plus chavirer vers des activités terroristes.
Ce modèle, s'il était appliqué, généraliserait une situation de bien-être, et la Tunisie serait, à moyen terme, aussi développée que les NPI et les pays du BIC.
* Professeur émérite
Faculté des Sciences économiques et de Gestion, Sfax


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