Bientôt un projet de loi sur la protection des agriculteurs contre le vol Le vol de bétail n'est plus un événement passager s'inscrivant dans la rubrique faits divers, mais un phénomène de plus en plus dangereux qui menace le secteur de l'élevage comme l'indiquent les données du ministère de l'Intérieur qui a recensé 778 plaintes relatives à des vols de bétails, au cours du 1er semestre 2017, contre 1.876 plaintes pour le même motif en 2016. Les structures et organisations agricoles n'ont cessé de pousser des cris d'alarme pour arrêter ce fléau, d'autant que les opéraions de vols ont lieu même en plein jour. Le gouvernorat de Nabeul et notamment la région d'Eddakhla, qui regroupe les délégations de Menzel Temim, El Mida, Menzel Horr, outre Korba, Béni Khaled et Menzel Bouzelfa, qui figurent parmi les plus importantes régions agricoles du pays, constituent un échantillon des difficultés auxquelles fait face le secteur agricole, compliquées davantage par la multiplicaion des vols. S'agissant des vols de bétail, les structures agricoles ne possèdent pas de statistiques ni d'évaluation de leur impact, d'autant plus que les vols ne ciblent plus seulement le bétail, mais aussi les pompes d'irrigation, les équipements agricoles, les systèmes d'irrigation goutte-à-goutte et les récoltes, précise à TAP Imed El Bey, président de l'Union régionale de Nabeul. Pour le responsable, la promulgation d'une loi visant à protéger les agriculteurs contre les vols est devenue une nécessité, appelant les députés à accélérer l'examen et l'adoption du projet de loi présenté et visant à mettre un terme à ce fléau. A noter que la commission de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, du commerce et des services à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) examine une initiative législative présentée par plusieurs députés du mouvement Ennahdha relative à un projet de loi portant sur la protection des agriculteurs des vols (n°21/2017). Le projet de loi se compose de quatre articles appelant dans leur ensemble à augmenter les peines prononcées à l'encontre des voleurs de bétail pour les porter à cinq ans, en plus de la non-application des dispositions de l'article 53 du code pénal relatif à l'allègement des sanctions. Dans ce contexte, El Bey a recommandé de renforcer les sanctions contre les voleurs en considérant les opérations de vols comme des crimes passibles d'une peine d'emprisonnement de plus de 5 ans. La remise en liberté du voleur qui risque, selon les lois actuelles, une peine entre 6 et 8 mois ne peut régler le problème, a-t-il encore fait savoir, estimant que le phénomène est devenu une source de peur pour les agriculteurs. «Les agriculteurs qui déposent des plaintes sont sujets aux représailles des criminels», a affirmé le responsable. Et d'ajouter sur un ton ironique « qu'un agriculteur du Cap Bon a été emprisonné pour avoir défendu ses biens en arrêtant un voleur et en le ligotant avant de le présenter au poste de police». Il a, en outre, appelé à la création d'une unité chargée de la sécurité agricole, à l'instar de la police touristique et la police environnementale. Il s'agit, par ailleurs, de renforcer le contrôle des routes situées dans les zones agricoles et d'aider les agriculteurs à doter leur bétail de systèmes d'identification électronique (puces), outre le contrôle des viandes qui se vendent désormais sur les routes au vu et au su des agents de la sécurité, des équipes de contrôle sanitaire et économique et des différentes autorités locales et régionales sans s'assurer de leur origine. Des réseaux organisés derrière les vols agricoles Contacté par l'Agence TAP, un agriculteur originaire de la région de Menzel Temim, ayant préféré garder l'anonymat de peur d'être ciblé par les voleurs, a affirmé que « les vols sont souvent commis en plein jour, parfois en présence même des propriétaires des fermes agricoles, en utilisant des voitures légères louées, dont les sièges arrière sont démontés pour ne pas attirer l'attention des passants». Il a, par ailleurs, souligné que la lutte contre ce phénomène nécessite la conjugaison des efforts de plusieurs parties, d'autant plus que ces vols sont perpétrés par des bandes organisées, au sein desquelles les tâches sont minutieusement réparties entre ceux qui effectuent les opérations de vols, ceux qui assurent le transport et ceux qui s'occupent de la liquidation des viandes du bétail volé auprès des bouchers et restaurants. L'agriculteur contacté a plaidé pour l'intensification des contrôles routiers, surtout que les transferts des animaux volés s'effectuent généralement selon le calendrier des marchés des animaux dans les différentes régions du pays. Il a aussi estimé nécessaire de contrôler les marchés et les abattoirs pour pouvoir repérer les bêtes volées, proposant l'installation d'équipements mobiles de contrôle électronique des numéros d'identification des bovins et des autres animaux d'élevage et à adopter la traçabilité des viandes. L'éleveur a également invité l'Office de l'élevage et des pâturages à assumer ses responsabilités, à aider les éleveurs à poursuivre leur activité, à trouver les solutions à même de mettre fin aux vols, à œuvrer pour la mise en place d'un tribunal agricole et à former des juges spécialisés dans le domaine agricole. Les réclamations et propositions des agriculteurs ont été transmises, par le correspondant de la TAP, à un responsable du district de la garde nationale à Nabeul, qui a affirmé que les différentes unités sécuritaires poursuivent leur lutte contre le crime, soulignant que des malfaiteurs ont été arrêtés à maintes reprises et que des réseaux ont également été démantelés, dont l'un comptait 32 membres entre voleurs, transporteurs, revendeurs... Pour ce responsable, la lutte contre ce phénomène nécessite la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes, à commencer par l'agriculteur. Il a aussi évoqué la nécessité de pallier les manquements enregistrés au niveau des systèmes d'autosécurité des exploitations agricoles et d'éviter le retard à avertir la police en cas de vol, faisant savoir que des enquêtes ont démontré que plusieurs opérations de vol ont lieu dans la même agglomération rurale, d'autant plus que la région du Cap Bon attire un bon nombre d'ouvriers saisonniers généralement employés sans déclaration de leurs identités et de leurs lieux de résidence et qui sont souvent impliqués dans la planification des vols. En conclusion, il a souligné la nécessité de mettre en place un système de numérotation des différentes espèces d'élevage spécifiques à chaque gouvernorat pour faciliter les opérations de contrôle et d'optimiser l'autosécurité des grands éleveurs, à travers l'installation d'équipements de contrôle et le renforcement du renseignement sur les ouvriers saisonniers.