Les projections pour 2030 ne sont guère rassurantes Naguère considérée comme une région relativement nantie en eau, la bande frontalière ouest de la Tunisie, intégrant les deux gouvernorats du Kef et de Kasserine est en voie de se transformer, curieusement, pour se muer en véritable désert où le manque d'eau commence, déjà, à se faire sentir cruellement. Pire encore: les projections pour 2030 ne sont nullement rassurants. Partant de constat, le spectacle qui s'offre au visiteur dans certaines régions du sud du gouvernorat du Kef est plus qu'inquiétant, tant la terre semble quasi déserte, dépeuplée et défraîchie alors que la végétation, autrefois luxuriante, est en train de laisser place au désert, avec déjà une flore très appauvrie. Et pourtant, l‘effort de reboisement dans certaines micro-zones montre que l'action de l'homme en matière de préservation de la faune et de la flore sauvages dans de tels lieux n'est pas passée inaperçue, grâce à la création de nouveaux parcours fourragers et le reboisement des bassins versants de certaines collines ou encore la création de banquettes de retenues d'eau et du sol Et, cependant, il suffit , tout bonnement, de se rendre, au hasard d'une incursion, dans certaines contrées des délégations de Kalaat Senan ou de Tajerouine ou au sud de Sakiet, pour se rendre à l'évidence que le péril est déjà en la demeure et que le phénomène de la désertification s'est implanté inévitablement, voire irréversiblement , à moins d'un miracle, dans ces hauts lieux de la Tunisie continentale . Autant dire que la sonnette d'alarme doit être tirée le plutôt possible afin de sauver le pays d'un avenir incertain, d'autant plus encore que le phénomène de l'érosion a accentué cette sensation de désertification et que les études accomplies sur le réchauffement climatique montrent, à leur tour, que la région du Kef est menacée par la désertification à hauteur de 75% de son territoire d'ici les 20 prochaines années. Baisse de la pluviométrie Et c'est alors que survient la question du manque d'eau et de la chute de la production agricole dans la région, comme le montre l'étude sur la réduction des gaz à effet de serre diligentée, ces derniers mois, par des experts tunisiens et français, et ce, dans le cadre du partenariat établi entre les deux régions du Kef et de la Seine maritime en France. L'étude montre, en effet, que les menaces de désertification qui pèsent sur le Kef sont réelles et inquiétantes et que, à terme, la production de céréales va baisser de 44%, contre 34% pour la production animale et 52% pour la production oléicole. Un topo guère tranquillisant, en ce que les émanations de gaz vont connaître une hausse de 1,4% par rapport à la situation actuelle. Elles pourront même atteindre un seuil plus inquiétant si l'on ne mène pas à bien toutes les actions sectorielles recommandées par les experts dans cette même étude présentée cette semaine aux différents acteurs économiques et de la société civile de la région, actions qui seraient un tant soit peu en mesure de minimiser les risques de réchauffement climatique et ses répercussions sur la vie de la population et des agriculteurs surtout. Mais les scénarios tendanciels visant l'atténuation des émanations de gaz dans la région ne sont pas toujours rassurants, car ils sont assortis de la mise en place impérative et rapide d'un ensemble d'actions écologiques et de réduction des émanations de gaz issues de l'industrie ( boisement fourrager et forestier, conservation des eaux et du sol, réduction des émanations de la cimenterie, etc.) Déjà, la pluviométrie a sensiblement baissé dans la région, ces dernières années, entraînant de graves problèmes pour le secteur agricole et pour l'eau potable, au demeurant devenue une denrée rare, ces dernières années. Du coup, près de 120 mille ha sur les 200 mille ha emblavés dans le gouvernorat du Kef ont été déclarés perdus cette saison, et ce, suite à une longue période de rétention d'eau, transformée quelques semaines après, en calamité naturelle de grande envergure. Celle-ci a eu raison des emblavures céréalières et de l'arboriculture, tout en aggravant le déficit des stocks hydriques dans les barrages et les lacs collinaires. Ainsi, le barrage de Mellegue est actuellement à un niveau très bas, avec seulement 13 millions de mètres cubes contre plus de 17,5 millions pour la même période de 2016, également considérée comme une année de référence pour la sécheresse (capacité de 130 millions de m3) Les nappes phréatiques affectées par la sécheresse De leur côté, les nappes phréatiques ont été affectées par le phénomène de la sécheresse et ont vu leur niveau sensiblement baisser au cours de ce mois de juillet, entraînant de graves pénuries d'eau pour la population, essentiellement dans les villes du Kef, Kalaat Senan et de Sakiet Sidi Youssef. Résignée, la société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonede) même si elle n'a pas jeté l'éponge, est alors passée, inévitablement, au rationnement de l'eau potable, en alimentant la population par alternance au cours de la journée, et ce, en dépit de la mobilisation des eaux profondes dans plusieurs régions. L'accès à l'eau potable reste aujourd'hui réellement difficile pour tout le monde, notamment en milieu rural, eu égard à la chute des débits des sondages profonds créés dans la région, et dont certains ont été équipés et mis en exploitation ces dernières semaines, en un temps record, en raison de la forte pression sur l'eau potable dans la région . Mais ce qui est considéré comme étant grave et quasi inévitable, c'est que le désert semble s'installer durablement dans la région, d‘autant que certaines enseignants-chercheurs de l'école supérieure d'agriculture du Kef ont découvert, ces dernières années, des plantes propres au désert parfaitement adaptées au climat de la région, expliquant, selon eux, l'accélération du phénomène de la désertification qui frappe cette partie de la Tunisie . L'alerte doit être générale contre ce phénomène.