Conformément à cette « politique d'Etat » établie sur le long terme de venir à bout de toutes les pratiques de corruption, Youssef Chahed détaille quelques volets de l'attirail juridique. Estimant que « l'arsenal législatif initié par le gouvernement d'union nationale favorise l'instauration de l'Etat de droit ». La très attendue séance de dialogue avec le chef du gouvernement a eu lieu hier dans l'enceinte parée de lumière du Parlement. Présidée par Mohamed Ennaceur, en présence de 155 députés et des ministres installés selon l'ordre protocolaire, la plénière a été annoncée sous le label de la guerre contre la corruption. Outre quelques points de politique générale, Youssef Chahed a axé l'essentiel de son intervention sur l'engagement pris par le gouvernement d'union nationale lors de son investiture en août 2016, de mettre tout en œuvre pour lutter contre la corruption et ses corollaires : la contrebande et le commerce parallèle. Dans un discours de trois quarts d'heure à peu près, moyennant une langue dialectale soutenue, Youssef Chahed, prenant à témoin les représentants du peuple, fait valoir le bien-fondé des engagements édictés par le Document de Carthage ainsi que leur mise en œuvre. En tête de liste des promesses ratifiées alors par un large éventail de partis politiques et de partenaires sociaux, vient la lutte contre la corruption. Nul n'est au-dessus de la loi « Une guerre n'est pas une expression métaphorique mais bel et bien un terme qui décrit une réalité et notre engagement à aller de l'avant dans cette direction », martèle Youssef Chahed dans un discours de la vérité. Fort des succès enregistrés par la campagne mains propres menée récemment, parfois contre vents et marées, le locataire de La Kasbah annonce à qui veut l'entendre que « nul n'est au-dessus de la loi, quelle que soit sa notoriété ou son affiliation politique ». Moquant par ailleurs ceux qui se considèrent comme des adversaires politiques, « ils ne sont ni adversaires ni politiques », raille-t-il. Il a exprimé sa volonté de n'épargner personne, y compris les hommes de son camp. Si besoin. L'allusion était on ne peut plus claire. « Cette lutte contre la corruption est une action pérenne, non sélective visant quiconque animé par la volonté de porter atteinte à l'Etat et aux intérêts des Tunisiens », fait-il valoir. Annonçant en guise d'avertissement que « ni les campagnes de dénigrement, ni les tentatives de pression ni encore les menaces ne nous feraient plier ». Le discours qui a croisé à la fois le rappel des engagements pris, les actions en cours, les perspectives d'avenir, les réformes à entreprendre s'est voulu rassurant mais volontaire et ferme : «Nous avons un grand nombre de défis à relever tels que garantir la croissance économique, mener à bien la lutte contre le terrorisme ou encore la numérisation de l'administration». Conformément à cette « politique d'Etat » établie sur le long terme de venir à bout de toutes les pratiques de corruption, Youssef Chahed détaille quelques volets de l'attirail juridique en passe d'être mis en place. Estimant que « l'arsenal législatif initié par le gouvernement d'union nationale favorise l'instauration de l'Etat de droit ». A ce tire, le chef du gouvernement annonce que les projets de loi portant sur la déclaration de patrimoine et ceux relatifs à la lutte contre les conflits d'intérêts seront bientôt présentés à l'Assemblée, déplorant l'enrichissement spectaculaire de «fonctionnaires possesseurs de patrimoine et biens immobiliers ne correspondant ni de près ni de loin à leurs revenus ». Félicitant Chawki Tabib, président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, qui était présent à l'hémicycle, pour le travail accompli, il a rappelé la nécessité de doter cet organe des moyens nécessaires pour mener sa délicate et stratégique mission. Les lanceurs d'alerte et dénonciateurs d'affaires de malversation ont eu droit de cité, en vue de la mise en place d'un cadre légal les protégeant. Le chef du gouvernement, à l'aise par ailleurs dans les épreuves orales, se voulant déterminé, clôture son intervention par un solennel : « Nous resterons debout, vive la Tunisie ». Solidarité sans équivoque Le débat général a laissé s'exprimer une solidarité sans équivoque à l'égard de Youssef Chahed, ainsi que des actions qu'il a menées, déclinées concrètement en des interpellations de gros bonnets dont certains sont politiquement très influents. Tous les partis politiques et leurs élus ont conscience, du reste, que cette guerre est populaire auprès de l'opinion publique. Las du climat délétère qui s'est installé depuis quelques années et révoltés contre cette immunité dont semblent bénéficier des personnes notoirement hors-la-loi, les Tunisiens ont soutenu Youssef Chahed. Hier les députés ont suivi le pas. Il reste que chaque bloc parlementaire ou encore chaque élu a modulé son discours selon ses attentes. A cet effet, associées aux louanges, les critiques n'ont pas manqué : « puisqu'il ne suffit pas d'arrêter les têtes pensantes mais les arrestations doivent toucher les hommes de main ». Les conseils n'ont pas manqué non plus, on a prié le maître de La Kasbah de prendre garde des tirs fratricides. Des secteurs d'activité comme la douane, la gestion des ports, le fonctionnement de l'administration d'une manière générale revenaient souvent dans le débat parlementaire. Si Youssef Chahed a été, in fine, encouragé et soutenu, les députés l'ont tous prié de ne pas s'arrêter en si bon chemin.