Après avoir parcouru l'avenue Habib-Bourguiba (ex-avenue Jules-Ferry), nous bifurquons vers la rue de Vésoul (l'actuelle rue Hédi-Nouira) où vous rencontrez une salle de sport, puis l'hôtel Claridge. A l'angle de la rue Pierre de Coubertin, le père du mouvement olympique moderne, se trouvait le restaurant Pomme d'Api, un coin tranquille pour rendez-vous d'amoureux ou de fiancés Toujours du même côté, un café-bar tenu par M. Prost, marié à une Bretonne, Le Triomphe. En y accédant, vous serez surpris d'y trouver un piano. Une ravissante danseuse en mini-jupe égayait les lieux où de jolies demoiselles vous servent, avec le sourire en sus. Elles venaient presque toutes d'Alsace, dans l'Est de la France. C'est, en fait, un coin pour gens aisés. En traversant la rue Kamel-Ataturk, vous tombez sur le restaurant-bar Baghdad, un lieu mythique, puisqu'il a su résister à l'épreuve du temps, même si sa configuration a subi quelques changements. Dans une de ses dépendances se vendait un délicieux petit pain tout blanc Khobz el Bey (le pain du bey) qu'on servait également au, bar annexé au Baghdad. Ce bar, depuis fermé, était tenu par un Stambouliote qui avait choisi les superbes faïences distinguant ce haut lieu de la bouffe pour gens distingués. Le poète de la jeunesse Mahmoud Bourguiba a été inspiré par la magie des lieux en écrivant Kalou el haffalet alech chaârna ellila ma jech (Les noceurs se demandent pourquoi notre poète n'était pas venu ce soir), composé et chanté par Ali Riahi. A côté du «Baghdad» se tenait un commerce de vélos. Puis le «Coq d'or», remplacé, depuis, par un hôtel dont la spécialité consistait en de succulentes pâtes préparées par des cuisiniers italiens. Mme Morgan et sa queue de cheval A l'angle de la rue du Caire, un petit bar «Maxime», puis les «Champs-Elysées» qui jouxtait un cabaret. Derrière le comptoir, vous accueillait Mme Morgan à la queue de cheval distinctive. Après le bar Frécho, c'est le célèbre restaurant-café «Chez Max», tenu par un juif et fréquenté les jours de tiercé. Ce restaurant a été tenu quelques années plus tard par un certain Si Ridha Etita. Puis, les boutiques «Zitouna», les premières à avoir commercialisé dans notre pays le voile de Suisse, des chemises élégantes fabriquées à Paris. A l'angle de la rue de Marseille, la «Brasserie Suisse» tenue par René était réputée pour sa cuisine israélite (Akoud, bkaïla…). Le vendredi, on y servait les hlalem et briks aux pommes de terre. Bref, on y proposait la meilleure bouffe de la place. Une adresse pour les fins gourmets. Le «Camélia» Le «Camélia» a été le premier café en Tunisie à disposer d'un comptoir en inox et à proposer un juke-box. Vous glissez 20 francs, et vous avez droit à écouter un des cent disques qui s'y trouvent. Les chansons de Charles Aznavour et Gilbert Bécaud étaient en ce temps-là les plus demandées. Le «Paris bar» était le lieu de rassemblement des colons de la région de Souk El Khémis (Bousalem), Souk El Arbaâ (Jendouba) et Béja. Un écriteau annonçait dès l'entrée qu'il y est interdit de servir l'alcool aux musulmans. Première pizzeria A la place de l'hôtel «El Hana International» était installé le journal La Dépêche tunisienne, à côté de l'imprimerie du journal La Presse. Au bout d'un long corridor se tenait la première pizzeria et le poulet rôti de Tunisie, tenue par des Italiens. A l'angle de la rue Ali-Bach Hamba, un commerçant de tissu de confession juive livrait les tissus les plus chers : prince de galles, le printemps, cachemire, l'hiver, et l'épinglé noir pour les costumes de soirée. Le café «l'Univers» est toujours là, bravant les siècles. Ensuite, le cinéma «Le Parnasse», puis le «Crédit Lyonnais», un établissement bancaire. A la cathédrale de Tunis, une kermesse était organisée chaque 14 juillet, la fête nationale française. Le «Cercle militaire» (à l'angle de l'avenue de France), un café-bar réservé aux soldats français, prenait place à côté de la Banque de Tunisie. Bref, l'avenue Jules-Ferry, rebaptisée après l'Indépendance avenue Habib-Bourguiba, était — et reste — le cœur battant de la capitale, son lieu de loisirs, de détente et de rencontres.