Après plus d'un an et demi d'absence, Rached Ghannouchi réapparaît sur Nessma TV pour exhorter Youssef Chahed à se consacrer exclusivement aux défis économiques qu'affronte le pays. Il appelle également à un dialogue national social et économique entre les partis et les organisations nationales Ça fait un bail que les Tunisiens n'ont pas vu Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, parler à la TV pour leur dire ce que son parti se propose de réaliser en prévision, notamment, des élections municipales qui auront lieu le 17 décembre prochain. Hier, Nessma TV a offert, à vingt heures, l'opportunité au président d'Ennahdha pour dire ce qu'il pense des principaux évènements qui ont marqué l'actualité nationale ces derniers jours, dont en particulier les déclarations incendiaires du président provisoire Moncef Marzouki à la chaîne TV Al Jazeera, le projet de loi sur la réconciliation économique et financière, la loi sur l'éradication de la violence à l'égard de la femme et aussi la loi créant l'Instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, sans oublier la guerre que Youssef Chahed mène contre la corruption. Comme le prévoyaient plusieurs observateurs, Rached Ghannouchi s'est présenté avec un nouveau look. Un costume en deux-pièces, avec une cravate bleue, couleur d'Ennahdha. Et pour commencer, il a parlé de la crise opposant le Qatar à l'Arabie Saoudite, l'Egypte, Bahreïn et les Emirats, estimant qu'il doit y avoir une solution pacifique à cette crise et «la Tunisie veut que nos frères reviennent à la raison et au dialogue. Nous n'avons pas d'intérêt dans cette crise et il faut que le Conseil de coopération du Golfe règle la crise par le dialogue». Il a notamment insisté sur le fait qu'il faut que les belligérants sortent eux-mêmes de cette crise». Non à l'exclusion «Il est normal qu'Ennahdha participe au pouvoir. La particularité de l'expérience tunisienne est ce refus catégorique de l'exclusion et de la violence». Ennahdha et les accusations de recevoir de l'argent de la part de forces extérieures ? Ghannouchi considère qu'il s'agit d'accusations gratuites qui attèrent la vie politique nationale. «Nous sommes en compétition politique et nous n'avons pas besoin de ce genre d'affaires. Ennahdha propose ses comptes aux autorités compétentes et nous n'avons rien à cacher», affirme-t-il. La cohésion au sein d'Ennahdha est-elle véridique ? «Oui, nous sommes solidaires sauf que nous ne formons pas un seul moule. Il existe un débat permanent au sein de nos structures», précise-t-il. La réconciliation économique et financière s'est imposée au débat. «Ennahdha, faut-il le rappeler, a fait tomber la loi sur l'immunisation de la révolution. Nous avons évité à la Tunisie ce qui s'est passé en Libye et nous avons ouvert la voie à la réconciliation. Nous n'avons pas refusé le projet du chef de l'Etat. Nous avons demandé à ce qu'il soit rectifié et c'est ce qui s'est passé au Parlement», répond Ghannouchi. «Pour nous, il existe un seul Nida, Nous ne traitons pas avec les personnes. Le consensus se poursuit», insiste-t-il. Les instances ont-elles échoué ? «La corruption a profité de la liberté comme tout le monde. Les dérives sont multiples. Les instances font ce qu'elles peuvent mais nous remporterons la guerre contre la corruption mais en respectant les normes et nous avons le devoir d'attirer l'attention du gouvernement sur les éventuels dépassements», martèle Ghannouchi pour justifier les positions de son parti quant à ce que fait Youssef Chahed. Y a-t-il coordination avec le gouvernement dans ce domaine ? «Il existe des institutions qui contrôlent l'action du gouvernement. Nous coordonnons avec le gouvernement et nous sommes toujours attachés au Document de Carthage. Toutefois, le dernier mot doit revenir à la justice pour ce qui est de la confiscation des biens des prévenus», assène-t-il. Le gouvernement d'union nationale est-il toujours de mise ? «Nous sommes une démocratie naissante. Notre gouvernement comporte sept partis. La démocratie participative n'est pas facile. Ennahdha considère qu'il faut un remaniement ministériel. C'est le chef du gouvernement qui en décide. La coordination se réunira prochainement pour y statuer. Il existe des différends sauf que les lois sont votées au final», fait remarquer le président d'Ennahdha. «Il faut que les ministres de Youssef Chahed cessent de penser au rendez-vous de 2019. Le dossier prioritaire est celui des municipales de fin 2017», affirme Rached Ghannouchi. Il explique davantage : «Faites comme Si El Béji en 2011 et Mehdi Jomaâ en 2017. Maintenant, les priorités sont économiques. Il faut dire la vérité mais non aux déclarations qui démoralisent», ajoute-t-il. La culture du travail «Il faut revenir à la culture du travail et de la production de richesse pour offrir de l'emploi aux jeunes. L'Etat n'est pas en mesure d'employer tout le monde. Les entreprises nationales ne sont pas des associations de bienfaisance. Nous voulons que l'économie revienne à ses fondamentaux». Voilà comment Ghannouchi résume les solutions que son parti propose. Et les élections municipales constituent une partie de la solution à trouver. Il faut que les régions assument leurs responsabilités. Les solutions n'existent pas uniquement à Carthage, au Bardo et à La Kasbah. Nous aurons 7.000 nouveaux responsables municipaux qui proposeront leurs solutions», ajoute Ghannouchi. Les consensus sociaux doivent supplanter les solutions idéologiques. Nous avons besoin d'un dialogue national social et économique. Les forces sociales et politiques doivent travailler ensemble. Le gouvernement se doit d'avaliser les résultats auxquels aboutira le dialogue national et économique auquel nous appelons», conclut-il.