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« 2017 sera une année féconde et prometteuse»
Interview — Béji Caïd Essebsi à La Presse

Chaque fois qu'il y a une crise, c'est vers le chef de l'Etat, Béji Caïd Essebsi, que les regards se tournent. Malgré le système parlementaire, qui lui impose d'être en retrait sur certaines questions qui relèvent des prérogatives de l'Assemblée des représentants du peuple ou de la présidence du gouvernement, aux yeux des citoyens c'est encore lui qui symbolise tout autant l'espoir que le dernier recours. En le côtoyant de près, on découvre un secret latent de la personnalité de ce chef d'Etat, dont la volonté est constamment tendue vers l'action et la création.
Dans l'entretien qu'il nous a accordé avec nos confrères du journal Echourouk, il donne un éclairage subtil et proche de tous les acteurs s'intéressant à cette précieuse dynamique qu'il souhaite impulser pour entrouvrir toutes les lucarnes essentielles à la relance économique et financière du pays en 2017, et pour débarrasser les Tunisiens, asphyxiés par les effets des années de dépression économique, d'instabilité, d'insécurité et d'érosion du pouvoir d'achat, de leur humeur maussade, et retrouver sourire, joie et bonheur.
Monsieur le Président, comment voyez-vous l'année qui s'achève ?
L'année 2016 a été très difficile. Nous avons accompli des pas très importants dans le domaine politique. Mais dans le domaine économique, ce n'était pas le cas, dans la mesure où le taux de pauvreté et de marginalisation des régions n'a pas changé. C'est une année difficile, sauf qu'on a réalisé certaines victoires dont en premier lieu celle de Ben Guerdane contre le terrorisme.
C'est une bataille décisive dans la mesure où les terroristes voulaient y instaurer un émirat daechiste et ils ont échoué, grâce aux sacrifices de notre armée, de nos forces de sécurité intérieure et aussi des citoyens qui se sont solidarisés avec l'armée. C'était une leçon de solidarité entre les citoyens et les autorités. Nous avons stoppé le courant daechiste. C'est une grande bataille et une grande réalisation.
Puis nous avons réalisé le consensus sur le Pacte de Carthage avec la participation des grands partis et des organisations nationales et qui est à considérer comme une feuille de route pour le gouvernement d'union nationale.
Et ce gouvernement comprend les plus importantes sensibilités politiques, économiques et sociales. Certains ne veulent pas que ce gouvernement soit appelé gouvernement d'union nationale tant qu'ils n'y sont pas. C'est leur affaire.
La troisième réalisation, c'est la Conférence internationale sur l'investissement, qui a montré que la Tunisie bénéficie toujours d'une certaine crédibilité dans le domaine de l'investissement. Et nous avons réussi à collecter 34 mille milliards de dinars. Certains disent que ce sont des promesses et doutent de la finalisation des accords signés. Je leur dis que la moitié des fonds promis font l'objet d'accords déjà conclus et qu'en 2017, on procédera au décaissement.
Mon souhait, donc, est que 2017 soit une année d'abondance pour la Tunisie. Une année féconde et prometteuse. Il existe certains indicateurs qui montrent que 2017 sera meilleure que 2016. Et nous avons déjà dit que 2016 sera une année difficile grâce précisément aux indicateurs à notre disposition. Et voilà ces indicateurs qui nous font rassurer : D'abord, la production phosphatière a repris, et en novembre dernier, nous avons atteint le rythme ordinaire. Au cas où l'on poursuivrait sur ce rythme, nous gagnerons le pari. Pour moi, c'est un crime au cas où l'on reviendrait à perturber et à bloquer la production phosphatière.
Le deuxième indicateur concerne le tourisme. Les Européens sont de retour à Sousse, à Djerba, etc.
Le troisième indicateur, et c'est le plus important, c'est la pluie qui augure une bonne saison agricole.
Le quatrième indicateur, c'est la décision du gouvernement d'encourager les microcrédits au profit des jeunes. Les fonds y afférents sont déjà disponibles et le chef du gouvernement a déjà entamé l'opération d'octroi de ces crédits à leurs bénéficiaires.
Ainsi, 2017 enregistrera un taux de croissance qui sera supérieur à nos prévisions. Nous disons toujours qu'il existe une masse salariale très lourde mais on oublie qu'il faut de la croissance pour qu'on puisse réaliser l'équilibre.
Notre souhait est de commencer à sortir en 2017 de la mauvaise situation économique où se trouve notre pays depuis plus de 5 ans.
Personnellement, j'ai l'intuition que la dynamique est lancée et dès qu'il y a une dynamique, et il y a un effet multiplicateur.
Monsieur le Président, en parlant de bilan, on ne peut pas ne pas évoquer la crise au sein de Nida Tounès. On peut dire que vous y assumez une part de responsabilité eu égard à votre statut de fondateur de ce parti qui reste paradoxalement la première force politique nationale ?
Nida Tounès, c'est moi qui l'ai créé et pour cause. J'ai dirigé le gouvernement transitoire et après les élections du 23 octobre 2011, je me suis retiré en ayant l'espoir que ceux qui ont gagné les élections seraient plus démocrates que nous, puisque ce sont les urnes qui les ont portés au pouvoir. Malheureusement, j'ai compris rapidement qu'ils n'étaient plus sur la voie démocratique. Encore plus, ils prenaient la voie contraire. Le 26 janvier 2012, j'ai publié un communiqué pour alerter sur les erreurs qui allaient être commises, sauf que personne n'a prêté attention à mon message. Nous avons alors créé une commission avec la participation de trois femmes en vue de dynamiser le contenu de la déclaration et les discussions ont fini par proposer la création d'un parti politique. Il fallait créer un parti et les participants aux discussions tenaient à ce que j'y sois pour que ce parti soit crédible.
Et quand la Troïka a commencé à exercer le pouvoir, ont commencé les erreurs, dont en premier lieu le délai d'une année en vue de l'élaboration de la Constitution. Malgré nos remarques et nos critiques, ils ont montré qu'ils voulaient le pouvoir arguant qu'ils ont passé plusieurs années en prison comme si c'est au bagne qu'on s'initie à la pratique du pouvoir.
Donc, nous avons constitué Nida Tounès pour créer l'équilibre au sein du paysage politique, tout simplement parce que cet équilibre n'existait pas. La composition de Nida Tounès était la suivante : chaque destourien, syndicaliste, gauchiste ou indépendant pouvait y adhérer à condition qu'il soit contre la violence, qu'il reconnaisse le drapeau national et qu'il soit convaincu de la démarche démocratique. Mais tout ça c'est de la littérature, l'application c'est une autre affaire et c'est pour ça que j'ai été obligé de m'y consacrer. Ma conviction est que Nida Tounès doit être un parti du centre. Toutes les tendances étaient les bienvenues au parti, mais c'est moi qui assurais l'équilibre, et les fondateurs du parti étaient d'accord. Et arrive le Dialogue national auquel Ennahdha et le CPR ne voulaient pas participer jusqu'à ma rencontre avec Ghannouchi à Paris, et il n'y avait rien ni sur la table ni sous la table et nous avons convenu qu'il rejoigne le Dialogue national, ce qu'il a accepté. Tout simplement, il adhère à mon principe : «La patrie avant les partis». Lors des élections, nous avons accordé sa chance à la femme, sans oublier que nous étions contre l'exclusion dont nous étions les victimes les plus indiquées.
Au départ, je n'envisageais pas d'être candidat à l'élection présidentielle et nous avons pesé le pour et le contre et nous sommes parvenus à la conclusion suivante : au cas où je ne serais pas candidat, Nida Tounès ne gagnera pas les législatives et nous avons décidé que je devais me présenter.
Le plan d'Ennahdha était qu'il allait remporter les législatives et c'est la raison pour laquelle les nahdhaouis ont imposé, lors du Dialogue national, que les législatives se déroulent avant l'élection présidentielle. Ils voulaient un régime parlementaire et quand je me suis présenté à l'élection présidentielle, ils ont voté pour Marzouki qui a remporté un million trois cent mille voix, alors que son parti compte 50 mille adhérents.
Rached Ghannouchi déclare qu'il a voté pour moi et peut-être d'autres responsables d'Ennahdha. Mais c'est le peuple tunisien qui a voté pour moi et pas uniquement Nida Tounès qui a voté pour moi.
Quand j'ai quitté le parti, les choses ont commencé à s'y compliquer. J'ai amené avec moi au palais de Carthage deux parmi les fondateurs du parti : Ridha Belhaj et Mohsen Marzouk et ils ont fait du bon travail au palais. Malheureusement, Nida Tounès a connu certaines difficultés et les frictions ont commencé. Et Khemaies Ksila a entamé l'opposition au sein du parti à Ridha Belhaj et Mohsen Marzouk. Et les problèmes continuaient au sein du parti sauf qu'on oublie que Nida Tounès n'appartient pas uniquement aux nidaïstes. Il est le parti de tous les Tunisiens qui lui ont accordé leur confiance. Donc, si le parti échoue, le paysage politique dans son ensemble et le gouvernement aussi en pâtiront. Même après le congrès de Sousse et la création d'une commission politique, ils sont revenus vite à leurs conflits, chacun parmi les dirigeants du parti voulant présider et diriger à lui seul.
Quand j'y étais, personne ne contestait mes décisions, peut-être par respect pour mon âge et mon expérience. Aujourd'hui, ils se livrent une guerre de leadership sans merci. Mais n'est pas leader qui veut.
Certains ont quitté le parti comme Mohsen Marzouk qui a créé son propre parti «Machrou Tounès», le parti de la clé. Quant à Ridha Belhaj, il a constitué avec d'autres ce qu'il appelle la commission de sauvetage qu'il préside lui-même.
Ce qui pousse à la crainte quant à la crise de Nida Tounès, c'est que les élections municipales sont proches (fin 2017 ou début 2018). Si Nida Tounès va les aborder avec sa crise actuelle, on peut dire qu'il ouvre la voie à la victoire aux partis rivaux dont Ennahdha en premier lieu. Y a-t-il une initiative de votre part pour rassembler les frères ennemis au sein de Nida Tounès ?
D'abord, il faut souligner que les autres partis ne veulent pas que j'intervienne dans les affaires de Nida Tounès. Sauf qu'il existe beaucoup de Tunisiens et d'amis de la Tunisie à l'étranger qui m'interpellent pour me demander où vont les choses. Ma condition pour intervenir est qu'ils soient tous ensemble. Je ne soutiendrai jamais une faction aux dépens d'une autre. S'ils se mettent tous ensemble, la solution sera possible ?
Monsieur le Président, quelle est votre évaluation du rendement du directeur exécutif de Nida Tounès, Hafedh Caïd Essebsi ?
Comme tous les autres.
Est-ce qu'il assume la responsabilité de la crise ?
Tout le monde est responsable. Il n'y a personne qui assume à lui seul la responsabilité de la crise. Au congrès de Sousse, il a été élu au poste de directeur exécutif, mais ce n'est pas un poste qu'il va occuper éternellement. S'ils veulent s'entendre pour sauver leur parti et tenir le congrès avant les élections municipales, ceux qui gagneront représenteront le parti à condition que le congrès se déroule dans les règles sous la supervision d'une instance qui ne soutiendra aucune faction. Et c'est ainsi que se tiennent les congrès des partis. Moi, je ne dédouane personne. Pour moi, tout le monde est responsable.
Il existe une caractéristique qui marque le paysage politique national. Au sein d'Ennahdha, les hommes d'affaires se tiennent à l'écart des crises alors qu'au sein de Nida Tounès, ils y sont partie prenante ?
Qui par exemple ?
Moncef Sellami et Faouzi Elloumi, par exemple ?
Si vous pensez que Faouzi Elloumi a ouvert ses caisses pour financer ce qu'on appelle le comité de sauvetage, vous ne connaissez pas Faouzi Elloumi.
S'ils parviennent à proposer une solution acceptable pour tout le monde, les choses pourront avancer.
Ecoutez-moi, la crise existe au sein de tous les partis, y compris Ennahdha, sauf qu'au sein d'Ennahdha le chef est toujours là, alors que moi je suis parti en appliquant ce que prévoit la Constitution.
Mais vous pouvez Monsieur le Président lancer une initiative de rassemblement sans avoir à diriger directement le parti ?
Je dis aux Tunisiens, si l'affaire du leadership est toujours là, moi, je ne choisirai jamais un leader aux dépens des autres.
On dit, Monsieur le président, qu'il existe des désaccords avec Rached Ghannouchi ? Quelle est la part de vérité ?
La première vérité est que je ne suis pas à Ennahdha, je ne suis pas nahdhaoui et je n'a pas de désaccords ni avec Ghannouchi ni avec personne d'autre. Nous cohabitons et notre cohabitation a assuré une partie de la stabilité qui règne en Tunisie et nous travaillons ensemble. Il me rencontre et nous parlons ensemble chaque fois qu'il est nécessaire. Moi, personnellement, j'ai de la considération pour Ghannouchi et je pense qu'il a aussi les mêmes sentiments envers ma personne. Nous sommes responsables de notre pays et à chaque fois qu'il y a un danger que la Tunisie dérape, j'assume mes responsabilités, et lui aussi, il assume les siennes.
Monsieur le Président, les Tunisiens ont peur du retour des terroristes...
Ecoutez, c'est un faux problème ou ce que dit le dicton arabe : «C'est un droit qui vire à l'illicite» (Hakkoun ourida bihi batil). Les terroristes ne font pas la queue maintenant pour entrer en Tunisie. Ceux que nous arrêterons, nous appliquerons la loi à leur encontre et ils iront en prison et c'est ce que nous faisons actuellement. Reste ces appels à ce qu'ils ne reviennent pas. En réalité, la Constitution nous interdit de les empêcher de retourner en Tunisie et malheureusement, les gens ne lisent pas la Constitution et je suis obligé de respecter la Constitution qui stipule textuellement: «Il est interdit de déchoir de sa nationalité tout citoyen ou de l'empêcher de retourner dans son pays». S'ils veulent les empêcher de rejoindre le pays, ils peuvent amender la Constitution et je n'y vois pas d'inconvénient. Sauf qu'actuellement, nous disposons de la loi antiterroriste et ceux qui reviennent aujourd'hui sont traités en application de cette loi.
Sur le plan constitutionnel, l'affaire est tranchée et le chef du gouvernement a déclaré que la loi antiterroriste va être appliquée. Y a-t-il une stratégie spéciale pour le traitement de cette question ?
Soyons, d'abord, d'accord sur le nombre des terroristes. Ils sont au nombre de 2.929, toutes catégories confondues, et nos appareils de sécurité les connaissent tous. Le plus grand nombre de ces terroristes se trouve en Syrie où plus de 600 ont péri. L'essentiel est que les appareils de l'Etat soient mobilisés et en état d'alerte, ce qui veut dire que ceux qui reviennent sont directement renvoyés devant la justice.
Ce qui me préoccupe est bien la presse étrangère qui répète maintenant que la Tunisie est le vivier du terrorisme dans le monde, alors que notre presse ne leur répond pas.
Monsieur le Président, nous leur avons répondu. La Presse a publié un éditorial dans lequel elle a dénoncé les attaques gratuites du Figaro
Merci, mais il ne faut pas oublier que ceux qui ont perpétré les attaques terroristes à Nice et à Berlin vivent en Europe, ont été initiés au terrorisme là où ils séjournaient et ils n'ont pas agi ainsi parce qu'ils sont tunisiens.
Anis Amri, à titre d'exemple, vit en Europe depuis 6 ans et c'est en Europe qu'il a prêté allégeance à Daech.
Les Européens se doivent de comprendre que ce sont les conditions de vie qu'ils offrent aux émigrés qui ont poussé ces derniers à se «radicaliser».
L'Allemagne a profité de l'attaque terroriste contre Berlin pour rapatrier les Tunisiens qui y vivent en situation irrégulière ?
Non, ce n'est pas vrai. En Allemagne, il existe 1.200 Tunisiens en situation irrégulière et les Allemands m'ont demandé de les reprendre. Il y a eu un accord entre M. Habib Essid, ancien chef du gouvernement, et le ministre allemand de l'Intérieur. Nous ne pouvons pas refuser d'accueillir nos compatriotes mais pas pêle-mêle (chila bila). Il faut d'abord qu'ils soient authentifiés tunisiens. Anis Amri par exemple disposait de six nationalités et de six cartes d'identité. Ils nous ont proposé des identités qui ne peuvent pas être tunisiennes. Le jour où on avait confirmé son identité aux Allemands, c'était le 17 décembre, soit 2 jours avant son attentat-suicide malheureusement.
Ceci dit, il y a une différence entre terroristes et résidents en Allemagne dans une situation illégale. Le dossier de ces derniers est en examen continu et 84 sont déjà retournés depuis un an et demi. Il n'empêche, ils sont plus de 1.200 et leurs dossiers sont suivis régulièrement.
Angela Merkel vous a contacté personnellement...
Oui et je lui ai fourni les données nécessaires sur le cas d'Anis Amri. Pour le reste des Tunisiens en Allemagne, nous avons convenu de poursuivre l'application de l'accord déjà conclu entre nos deux pays.
Le soutien de l'Allemagne à la Tunisie pourrait-il s'en ressentir ?
Au contraire, Mme Merkel viendra en Tunisie. Nous avons convenu que Youssef Chahed effectuera une visite en Allemagne au cours du premier trimestre de 2017. Immédiatement après sa visite, Mme Merkel sera parmi nous.
Monsieur le président, le retour des terroristes comporte une dimension positive consistant en la position du peuple tunisien qui se dresse contre le terrorisme ?
A coup sûr, c'est une réaction positive mais elle doit s'inscrire dans l'approche générale de l'Etat en tant qu'Etat souverain et ayant des rapports suivis avec les pays frères et amis et respectant les conventions internationales qu'il a signées de son propre gré. Sauf qu'on ne peut pas expulser un Tunisien résidant à l'étranger sans respecter les législations en vigueur.
On a toujours le sentiment qu'il existe toujours un problème de communication ?
Oui, c'est vrai, il existe des insuffisances. Ils sont en réalité 900 terroristes et non 800 à avoir rejoint la Tunisie avant l'approbation de la loi antiterroriste en juin 2015. Ils ont tous fait l'objet de procédures que prévoit la loi avant de comparaître devant la justice.
Monsieur le Président, le terrorisme, la corruption et le chômage ne sont pas une production tunisienne. Ils concernent tout le monde. La communication extérieure est-elle à l'ordre du jour afin de redorer l'image de la Tunisie ?
Oui, il est possible d'y penser
Vous avez parlé de la négligence au sein de l'administration dont plusieurs cadres n'assument pas leur mission, de peur d'être poursuivis, et je fais allusion au projet de réconciliation. Où en est-on, Monsieur le président ?
Le projet est rejeté par ceux qui ne veulent pas tourner la page du passé et cherchent à sanctionner les gens. Moi, je dispose d'une expérience administrative que ces gens-là n'ont pas. Qui nous a sauvés du chaos qui menaçait le pays aux premières semaines de la révolution ? Ce sont les administratifs qui l'ont fait.
Aujourd'hui, les cadres de l'administration sont menacés comme c'est le cas pour les hommes d'affaires. Mon initiative pour la réconciliation économique ne vise pas à innocenter les fautifs mais bien à faire redémarrer la machine économique. Il fallait ménager ceux qui ont appliqué les consignes et qui ne pouvaient refuser les ordres. Il faut que ces gens reviennent au travail. Ceux qui ont tiré profit doivent payer. Malheureusement, mon initiative a suscité la colère et les opposants sont descendus dans la rue m'accusant de violation de la Constitution.
Le projet de loi sur la réconciliation est au parlement. S'ils veulent le rejeter, qu'ils le fassent. Moi, je ne leur demanderai pas de l'examiner.
Les séances publique de l'IVD ont enregistré l'absence des trois présidents ?
Moi, personnellement, je n'y étais pas allé parce que je n'y vois aucune utilité. J'ai suivi ces séances et j'ai trouvé que ceux qui ont témoigné disaient vrai. Toutefois, je me demande : est-ce que la justice transitionnelle est bien ce qu'on a vu à la TV ? Où sont ceux qui ont accepté de s'excuser ?
Je n'ai pas à assister à ces auditions parce que la justice transitionnelle ne fait pas partie de mes attributions. Elle est du ressort du Parlement. Et je ne veux pas interférer dans les affaires de cette instance.
La justice transitionnelle est une action à saluer à condition qu'elle soit appliquée selon les normes.
Beaucoup de Tunisiens soutiennent que la Constitution du 27 janvier 2014 a créé un problème de pouvoir. Où si situe le centre du pouvoir réellement, à Carthage, à La Kasbah ou au Bardo?
En réalité, la société tunisienne n'est pas prête à ce genre de répartition des pouvoirs. Nous n'avons pas de traditions dans ce domaine mais nous devons nous y préparer. La démocratie n'est pas une loi, c'est une pratique et nous somme encore à ce stade. La Constitution est claire : la souveraineté revient au peuple qui est représenté par le président de la République et le Parlement, chacun dans son domaine.
Le président de la République dispose d'une partie du pouvoir exécutif (les affaires étrangères, la défense et la sécurité) alors que le chef du gouvernement dispose d'autres pouvoirs. Mais il n'y a pas de problème à condition que chacun respecte les attributions qui lui sont confiées, et c'est mon cas.
La diplomatie est votre domaine préféré. Que faites-vous alors que la Libye voisine vit les difficultés que l'on connaît ?
Je fais tout. D'abord, j'ai participé à la réussite de la révolution libyenne. Aujourd'hui, il est difficile de traiter en tant que chef d'Etat avec toutes ces milices qui essaiment et dont chacune prétend représenter la Libye.
Nous avons des frontières communes de 500 km avec les Libyens et la plus grande catastrophe que nous avons subie est bien ces milliards que nous avons perdus quand les frontières ont été fermées.
Il existe aussi les terroristes tunisiens établis en Libye et nous sommes obligés de nous préparer à leurs tentatives d'intrusion.
Notre ambition est qu'en 2017 nos frontières avec la Libye soient sécurisées.
Pour le moment, le gouvernement Sarraj fait ce qu'il peut mais ces choses ne sont pas en mesure de dominer totalement la situation. A Tobrouk, les choses ne sont pas claires encore. D'autres pays interviennent pour compliquer davantage la situation. Donc, la situation n'est pas encourageante et la Tunisie n'est pas en mesure de trouver à elle seule la solution qu'il faut.
Nous entretenons des contacts réguliers avec le gouvernement Sarraj et l'ONU. Ce qui nous importe est que la Libye revienne aux Libyens et notre ambition est que les frères libyens en conflit, dont en premier lieu le président du parlement de Tobrouk, acceptent notre invitation à venir dialoguer en Tunisie début janvier 2017.
Il viendra me rencontrer et s'il existe des dispositions à une solution négociée, la Tunisie ne pourra que la soutenir.
On parle, Monsieur le Président, d'un sommet qui vous réunira avec les présidents algérien et égyptien...
Oui, c'est vrai. Nous avons proposé ce sommet mais je ne sais pas s'il va avoir lieu ou non. Nous voulons garantir à ce sommet les conditions de succès.
Le plus important est que les Libyens montrent qu'ils sont disposés à trouver une solution entre eux.
Le congrès de l'Ugtt verra le départ de Hassine Abassi, votre partenaire depuis des années. Dans la liste des candidats à sa succession, y a-t-il des noms qui sont prêts, selon, à poursuivre la politique de partenariat gouvernement-Ugtt ?
L'Ugtt constitue une partie importante du paysage politique national. Je ne pense pas que le changement de personnes à la tête de l'Ugtt soit à même d'opérer un quelconque changement dans les positions de l'Ugtt. Nous traitons avec l'Organisation syndicale en tant que structure nationale et c'est à elle de choisir ses dirigeants.
Comment commentez-vous, Monsieur le président, les appels de certains syndicalistes qui exigent la révocation de tel ou tel ministre ?
Dans ce cas, le ministre concerné a aussi le droit d'appeler à la révocation de tel ou tel syndicaliste.
Comment appréhendez-vous la polémique provoquée par l'assassinat de l'ingénieur Mohamed Zouari. Pensez-vous internationaliser l'affaire comme ce fut le cas en octobre 1985 pour l'attaque contre Hammam-Chott ?
D'abord, il faut prouver que les Israéliens sont impliqués dans l'assassinat. Pour le moment, il y a des présomptions. Ce qui est prouvé, c'est qu'il existe des parties étrangères derrière l'assassinat. Mais pour aller à l'ONU, il faut avoir les preuves qu'il faut. Israël n'a pas revendiqué l'assassinat. Nous poursuivons notre enquête.
Si on arrive à avoir ces preuves, on ira à l'ONU. Toutefois, nous n'y irons pas sans avoir des preuves.
Quelle évaluation faites-vous, Monsieur le Président, des résultats du congrès national de la jeunesse ?
Mon ambition est de réunir les meilleures conditions possibles à l'intégration de la jeunesse.
La Tunisie doit devenir l'Etat du 21e siècle et ce sont les jeunes qui vont diriger cet Etat et on a le devoir de les former conformément aux normes internationales.
Pour le congrès, ce sont les jeunes qui décident eux-mêmes ce qu'ils veulent.
Il faut préparer les nouvelles générations. Quand on me pose la question qui va vous succéder, je leur réponds : je veux que mon successeur provienne des nouvelles générations.
Avec les changements intervenus dans la crise syrienne, comment la Tunisie va se comporter ?
Bachar Al-Assad n'est pas le problème. Le plus important est que la Syrie puisse reprendre sa splendeur d'antan.
Ne focalisons pas sur Bachar. Au cas où le peuple syrien l'élirait de nouveau, nous ne pourrons pas nous opposer aux décisions des Syriens.
La Tunisie dispose d'un consul général en Syrie. En politique, l'essentiel est le résultat et à chaque chose son temps. Malheureusement, l'ancien président a expulsé l'ambassadeur syrien et ce fut une erreur impardonnable.
Il ne faut pas oublier les mérites de la Syrie face à Israël et l'œuvre accomplie par Hafedh Al-Assad. Quand la Syrie reviendra aux Syriens, nous ferons ce que nous avons à faire.
Le Conseil supérieur de la magistrature est opérationnel. On attend maintenant la Cour constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle ne peut être constituée qu'une fois le Conseil supérieur de la magistrature devenu opérationnel.
Pour revenir à l'accident de train à Jebel Jeloud, est-il normal qu'un tel accident se produise en Tunisie ?
Non, il n'est pas acceptable qu'un tel accident ait lieu et le chef du gouvernement a pris les décisions qu'il faut. En tout état de cause, il nous faut tirer les conclusions de cette catastrophe.
Le pouvoir d'achat des Tunisiens est en baisse constante...
Pour préserver le pouvoir d'achat des Tunisiens, il faut augmenter les salaires et c'est ce que nous sommes en train de réaliser. Nous ne pouvons augmenter les salaires indéfiniment tant qu'il n'existe pas de croissance.
Vos vœux pour 2017 ?
J'espère que 2017 sera une année d'abondance pour tous les Tunisiens. Les indicateurs à notre disposition montrent que l'année 2017 sera meilleure que les années précédentes à condition que tout le monde se mette au travail.
Propos recueillis par


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