Il faudrait bien parler de ce secteur qui n'est pas moins important que celui des dattes ou des olives. Considéré comme tabou ou relégué au second plan, il n'en constitue pas moins une activité à part génératrice de recettes pour l'économie tunisienne. Non seulement par les apports fiscaux, mais aussi par les exportations. Ce secteur, faut-il le préciser, est celui de la vigne. C'est, actuellement, sa saison. Celle-ci devrait se prolonger jusqu'à novembre ou décembre dans le cadre des vendanges. Depuis l'Antiquité, on célébrait cet événement qui, somme toute, n'est qu'une des étapes agricoles touchant à un domaine particulier et à une récolte comme toutes les autres. La célébration de la campagne des vendanges persiste, encore, dans la région du Cap Bon et du centre-est du pays. La vigne s'étend, aujourd'hui, dans la zone côtière nord du pays où elle jouit de conditions climatiques favorables. Elle commence, néanmoins, à s'étendre vers des zones plus reculées grâce à des variétés nouvellement introduites qui permettent une production précoce. En plus des festivals organisés à l'honneur du vignoble, des manifestations culturelles et économiques sont tenues en marge pour souligner l'intérêt d'un tel secteur et insister sur la pérennité de la production. Manque d'intérêt ? C'est l'occasion pour les professionnels et les viticulteurs d'attirer l'attention sur un secteur qui semble, de plus en plus, délaissé. On déplore le manque d'informations et d'encouragement aux efforts qui visent à promouvoir un produit qui n'a rien à envier aux autres filières. Même dans certaines statistiques spécialisées, il n'est pratiquement pas fait mention des raisins. Tout au plus, parle-t-on des dattes, des agrumes et des olives. Est-ce parce que les revenus des olives, par exemple, sont plus élevés ? D'autant que son exportation a atteint, jusqu'à mi-décembre 2016, 15 mille tonnes. Or, les prévisions tableraient sur 70 mille tonnes pour toute la campagne 2016/2017, avec des recettes qui pourraient atteindre 60 millions de dinars. Les recettes des exportations de dattes, elles aussi, ont évolué, depuis le début de la saison (1er octobre 2016) jusqu'au 8 mai 2017, de 31.5 % par rapport à la même période de la saison précédente. Elles passent, donc, à 453,6 MD (87 mille tonnes) contre 345 MD (80.6 mille tonnes). De son côté, la surproduction d'agrumes a créé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus. En dépit de tout, le secteur viticole ne cesse de connaître une mutation relative (sans commune mesure avec les trois secteurs cités), depuis le début des années 1990 essentiellement, caractérisée par la modernisation de l'appareil productif et des procédés de production, d'une part, et par l'impératif d'amélioration de la qualité, d'autre part. Ceci nécessite le renforcement de l'intervention des structures professionnelles et des services d'appui à l'agriculture dans la logique de dynamisation de la compétitivité par la modernisation tant des modes et moyens d'exploitation que par l'incitation à l'investissement privé. Cette modernisation passe par l'existence d'un partenariat avec des investisseurs étrangers. La présence de sociétés mixtes (trois sociétés tuniso-françaises, deux tuniso-allemandes, deux tuniso-italiennes et une tuniso-autrichienne) dont l'objet est la mise en valeur de domaines viticoles illustre cette orientation. D'ailleurs, le lancement de la première édition du festival des vignobles dans la région de Mornag, entre autres, s'inscrit dans cette optique. En effet, cette région produirait, à elle seule, la moitié des quantités de vignoble de Tunisie. La surface destinée à la culture des raisins de table se situerait aux alentours de 2.500 hectares. La superficie destinée au raisin de transformation, quant à elle, est estimée à 270 hectares. Côté rendement, un hectare de raisins de table produit 30 tonnes. Pour la dernière campagne, la production totale a été de près de 68 mille tonnes. S'agissant de notre récolte nationale de raisin de table, elle tourne, bon an mal an, autour de 130.000 à 135.000 tonnes. Les superficies cultivées en raisin de table peuvent atteindre 11.000 hectares dont 650 en irrigué et 4.500 à sec, répartis entre les gouvernorats de Ben Arous, Nabeul, Bizerte, La Manouba et Sidi Bouzid. Exportations : de nombreux atouts Pour ce qui est des superficies consacrées aux raisins de transformation, elles s'élèveraient à environ 9.750 ha dont 7.000 ha à sec et 2.750 ha en irrigué. La production de raisins destinés à la transformation s'élève, quant à elle, à 37.500 tonnes et donnerait environ 270.000 hectolitres de vin. En gros, la moyenne de la production de raisins de transformation a atteint 35.000 tonnes aux cours des cinq dernières années c'est-à-dire 52.000 hectolitres de vin. Nos exportations ne sont pas, encore, au niveau souhaité sans pour autant démériter. On estime que les quantités exportées au cours de 2016 étaient de l'ordre de 504 tonnes. Le principal marché est la Libye avec 248.1 t, suivi de la Russie avec 100.5 t, de la Norvège avec 71.5 t, du Sénégal avec 16.1 t, de l'Angleterre avec 5 t et de l'Arabie saoudite avec 0.05 t. En 2015, les exportations ont été de l'ordre de 430 t réparties entre la Libye (334 t), la Norvège (57 t), l'Italie (36 t), les Emirats arabes unis (2t) et l'Arabie saoudite (1 t). Or, de nombreux experts pensent que notre raisin avec toutes ses variétés est apprécié par les consommateurs compte tenu de sa qualité et de son goût sucré. Ce sont des atouts qui peuvent lui permettre de percer davantage et conquérir d'autres marchés en plus du renforcement des marchés existants. Certes, on sait que ce produit est délicat et, par conséquent, nécessite un traitement spécial. Cela pourrait, donc, constituer un handicap devant la conquête de nouveaux marchés. Mais les solutions existent grâce, notamment, aux moyens de transport et d'emballage. Evidemment, on est loin des revenus rapportés par les agrumes, les olives ou les dattes. Trop de tapage est fait autour des campagnes de cueillette de ces produits alors qu'il n'en est presque rien autour des raisins. Si l'on vient aux vins, force est de constater que, malgré la qualité reconnue des crus tunisiens, leur commercialisation à grande échelle n'est pas évidente. Entre 2015 et 2016, on a enregistré une baisse des exportations de 4.452 hectolitres (passant de 17.390 hectolitres en 2015 à 12.938 en 2016). Sachant, d'ailleurs, que le Maroc et la France sont les deux principaux importateurs de vin tunisien. Certaines quantités étant, également, exportées vers la Belgique, le Canada, la Chine, l'Allemagne, la Suisse, les Etats-Unis ainsi que certains pays d'Europe de l'Est et d'Asie. La Russie est le premier importateur de vin en vrac. Taxations Paradoxe, aussi, au niveau du marché local. Entre 2009 et 2016 les quantités écoulées ont chuté, passant de 258.537 hectolitres (sur une production totale de 300.000 hl) à 179.361 hl (sur une production totale de 244.013 hl). Les raisons ont été expliquées par des responsables de l'Utica. Il s'agirait, selon eux, des taxations successives sur les boissons alcoolisées et, particulièrement, celles contenues dans la loi de Finances de 2016. D'après les chiffres publiés, la taxe sur la consommation de la bière, par exemple, a augmenté, au cours de ces trois dernières années, de 130 %. De ce fait, les ventes de vins ont chuté de 30 % alors que celles de la bière ont baissé de 60 %. La réduction des prix des alcools forts est mise en cause. A leurs yeux, la loi de Finances de 2016 aurait favorisé les importateurs et fabricants d'alcools forts qui ont vu leur taxe divisée par 12 (de 650% à 50%). Ce qui explique la baisse spectaculaire des prix et l'enregistrement d'une hausse des ventes de 300% à 400% pour cette catégorie de produits. Le préjudice serait grave pour le secteur de la viticulture si l'on sait qu'il fait travailler des dizaines de milliers de personnes entre viticulteurs, industriels et autres emplois indirects. Les emplois indirects représenteraient environ 80.000 personnes sans parler de plus de 3.000 viticulteurs. Et, comme la taxation fait gagner à l'Etat près de 400 millions de dinars, annuellement, son application (sous sa nouvelle formule) lui en ferait perdre jusqu'à 30 %. De plus, l'augmentation des prix des produits locaux pénaliserait leur exportation du fait de leur coût élevé. Il est vrai que l'Etat assure des recettes assez conséquentes issues des alcools et du tabac. Mais il serait toujours plus logique de trouver des solutions pertinentes lorsqu'il s'agit d'un secteur comme celui des vignobles qui peine à refaire surface et dont les problèmes s'accumulent au fur et à mesure des campagnes de vendanges. Il faut rappeler, en outre, que le raisin n'est pas destiné, uniquement, à être transformé en vin. Sa consommation en tant que fruit est tellement appréciée qu'un intérêt plus soutenu aux prix appliqués est souhaité. Les industries de transformation en font, elles aussi, leurs matière première dans les jus ou les confiseries ainsi que pour les raisins secs.