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«Il faut prévenir et réprimer toutes les formes d'atteinte à la vie privée des enfants»
Entretien avec... M. Hatem Kotrane, membre du Comité des Nations Unies des droits de l'enfant
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 08 - 2017

Pionnière en matière de protection des droits de l'enfant, la Tunisie vient de poser un nouveau jalon à travers l'adoption récente d'une loi qui vient renforcer les acquis et les mécanismes de protection de la femme et des enfants. Les points les plus saillants concernent notamment l'âge de la maturité sexuelle qui passe de 13 à 16 ans, la peine d'emprisonnement prévue pour les personnes qui ont des rapports sexuels avec des mineurs de moins de 16 ans et de moins de 18 ans avec leur consentement et, surtout, l'interdiction de l'emploi de jeunes mineures comme aides-ménagères. Même si ces acquis sont notables, la Tunisie doit poursuivre son combat pour la protection des droits de l'enfance et ne pas dormir sur ses lauriers. Le Professeur Hatem Kotrane, membre du comité des Nations unies des droits de l'enfant, nous en dit davantage. Entretien
Aujourd'hui, peut-on affirmer que les enfants sont suffisamment protégés par la loi contre les différentes formes de violence auxquelles ils peuvent être exposés? A titre d'exemple, un attouchement pratiqué sur un mineur peut-il être assimilé à un viol et être passible d'une peine de prison? Que dit la loi à propos de tout cela?
Il y a deux niveaux de protection. Le premier est celui de la protection sociale, telle qu'elle est définie par le Code de protection de l'enfant, adopté le 9 novembre 1995, qui tend à prévenir toute forme de violence et d'exploitation, en mettant en place des mécanismes, comme les délégués à la protection de l'enfance, chargés d'intercéder auprès des familles ou de toute autre personne en charge de l'enfant en vue de prévenir toute forme d'atteinte ou d'abus menaçant la sécurité et le développement de l'enfant, l'institution d'un devoir de signalement incombant à toute personne d'informer le délégué des formes de violence et autres manquements qui lui sont révélés, ainsi que la définition de prérogatives précises permettant au délégué de procéder aux enquêtes et évaluations nécessaires et d'arrêter les mesures adéquates sous la forme d'accords concertés avec les parents et l'enfant concerné et, le cas échéant, sous forme de mesures d'urgence provisoires et appropriées, sous l'autorité et le contrôle du juge de la famille.
Le second niveau de protection, auquel votre question fait implicitement référence, est celui de la protection pénale de l'enfant, définie dans le Code pénal qui prévoit des peines aggravées chaque fois que la victime des différentes formes de violence — ainsi le cas des abus sexuels — est un enfant ou que les auteurs des infractions sont des ascendants de la victime, s'ils ont de quelque manière que ce soit autorité sur elle, ou si l'acte est commis par plusieurs personnes. Nombre de ces peines viennent d'être, à cet égard, réaménagées par la loi organique n°60-2016 relative aux violences faites aux femmes, adoptée par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), mercredi 26 juillet en plénière à l'unanimité des 146 députés présents.
Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, à savoir si les enfants sont ou non suffisamment protégés par la loi contre les différentes formes de violence auxquelles ils peuvent être exposés, la réponse doit être nuancée. La récente loi est, certes, d'un apport significatif sur un certain nombre de points, comme l'aggravation de certaines peines lorsque la victime de l'infraction est un enfant — ainsi les peines prévues en cas de coups et blessures volontaires (article 208 (nouveau) et 218, alinéa 2 (nouveau) du Code pénal), de harcèlement sexuel (article 226 Ter (nouveau) du Code pénal — ou encore l'ajout de nouvelles peines, comme en cas de mutilation génitale féminine (exision) dont les victimes sont généralement les petites filles, infraction assimilée désormais à la castration et punie des mêmes peines très lourdes par l'article 221, alinéa 3 (nouveau) du Code pénal.
Je ne dirais pas la même chose des révisions apportées aux dispositions traitant de l'attentat à la pudeur, spécialement les articles 227 (nouveau) et 227 bis (nouveau) du Code pénal, traitant successivement du viol et des actes sexuels sans violence commis sur un mineur ! Contrairement à ce qui est avancé un peu partout, y compris par les militant(e)s des droits humains, à savoir que la loi nouvelle organique n°60-2016 relative aux violences faites aux femmes constituerait « une révolution législative », et avec tout le respect et la considération à Madame la ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, qui présente un peu partout, y compris jeudi 3 août dernier devant les enfants parlementaires réunis dans une session extraordinaire du Parlement de l'enfant tenue au siège de l'ARP, cette loi comme ayant relevé l'âge de la majorité sexuelle de 13 à 16 ans, il convient de rappeler que la loi n'a, en réalité, sauf abus de langage, aucun lien avec l'âge de la majorité sexuelle, lequel désigne, en droit tunisien comme ailleurs, l'âge en-deçà duquel un enfant ne peut se livrer à une activité sexuelle avec une personne civilement majeure sans que celle-ci ne commette une infraction pénale conformément au droit national de chaque pays. La majorité sexuelle dans notre pays est en réalité, avant comme après la réforme, établie à l'âge de la majorité civile, c'est-à-dire à 18 ans, toute relation avec les moins de 18 ans, même consentie et sans violence, étant punie par la loi (en l'occurrence l'article 227 bis (nouveau) du Code pénal)! L'article 227 (nouveau) a, en réalité, un objet tout différent : il définit une sorte d'incapacité sexuelle absolue, un «âge de non-consentement sexuel» en deçà duquel les relations sexuelles avec des mineurs ne sont pas seulement interdites, mais ressortent, par définition, du crime sexuel le plus grave, à savoir le crime de viol, ainsi défini non pas par les moyens illicites utilisés, mais par l'âge de la victime.
En portant cet âge à 16 ans, au lieu de 13 ans actuellement et en qualifiant désormais de telles relations entretenues avec les moins de 16 ans comme étant constitutives de viol, dans tous les cas, la nouvelle loi désigne dorénavant toutes les personnes, y compris les enfants mineurs eux-mêmes ayant eu de telles relations, comme « violeurs » et tous les enfants de moins de 16 ans comme « violés ». Solution unique et extrême, qui n'est consacrée nulle part en droit international et en droit comparé et qui ne nous semble pas de nature à prévenir les atteintes aux droits de l'enfant, sans égard au fait que l'enfant lui-même peut être reconnu comme «agresseur sexuel» et puni pour viol lorsque son partenaire sexuel est âgé de moins de 16 ans, dès lors qu'aucun régime spécial n'a été aménagé par l'article 227 (nouveau) pour le cas où l'acte sexuel serait commis sur un enfant de moins de 16 ans par un enfant lui-même mineur civil, voire un mineur de moins de 16 ans, alors que l'acte sexuel en question peut avoir été entretenu entre mineurs civils consentants!
Tout cela montre à quel point, malheureusement, la loi organique n°60-2016 relative aux violences faites aux femmes a été marquée par la précipitation et la confusion dans ses dispositions adoptées et traitant des relations sexuelles avec des mineurs. Une plus large consultation des experts rompus à ces questions aurait pu permettre d'éviter les confusions ci-dessus relevées. C'est tout le sens de l'appel que j'ai lancé via La Presse en espérant que le Président de la République pourra utiliser les possibilités de renvoi du projet de loi en vue de son amendement par l'ARP!
S'agissant du volet de votre question relatif aux attouchements sexuels, et autres crimes sexuels commis sur un enfant, la nouvelle loi, dont l'objet est relatif à la violence à l'égard des femmes, n'a pas pu tout couvrir. Les attouchements sexuels relèvent en fait du crime d'attentat à la pudeur commis sur un enfant, tel que défini par les articles 228 et 228 bis, du Code pénal.
La loi pénalise l'emploi des enfants. Le dernier projet de loi qui a été adopté stipule, à titre d'exemple, que toute personne qui emploie un ou une mineure est passible d'une peine de prison. Pensez-vous que cette loi soit suffisamment efficace pour pouvoir protéger des enfants employés au noir dans des réseaux de mendicité organisés ou comme aides-ménagères dans des maisons alors qu'ils ne sont pas visibles?
La nouvelle loi organique n°60-2016 relative aux violences faites aux femmes punit dans son article 18 d'un emprisonnement de trois à six mois et d'une amende de deux mille à cinq mille dinars toute personne qui emploie un enfant comme travailleur domestique. La même peine, portée au double en cas de récidive, est encourue par les intermédiaires. Mon opinion est que cette disposition qui interdit dorénavant l'emploi des enfants – c'est-à-dire des moins de 18 ans – dans des travaux domestiques va au-delà des normes internationales de protection, en l'occurrence la Convention n°189 de l'OIT (2011) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, qui invite les Etats à « ...fixer un âge minimum pour les travailleurs domestiques qui doit être compatible avec les dispositions de la convention (n° 138) sur l'âge minimum, 1973, et de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et ne pas être inférieur à celui qui est prévu par la législation nationale applicable à l'ensemble des travailleurs ». La nouvelle loi organique n°60-2016 aurait ainsi pu fixer cet âge minimum à 16 ans, conformément à l'âge minimum de travail fixé par l'article 53 du Code du travail, ainsi que par la loi n° 65-25 du 1er juillet 1965, modifiée par la loi n°2005-32 du 4 avril 2005. En vertu de l'article 2 (nouveau) de cette loi, « Est interdit, l'emploi d'enfants de moins de 16 ans comme employés de maison ».
Plutôt donc que d'interdire l'emploi des enfants dans des travaux domestiques, la loi aurait gagné à mettre en place, conformément aux dispositions de la Convention n°189 de l'OIT, précitée, « ...des mesures pour veiller à ce que le travail effectué par les travailleurs domestiques d'un âge inférieur à 18 ans et supérieur à l'âge minimum d'admission à l'emploi ne les prive pas de la scolarité obligatoire ni ne compromette leurs chances de poursuivre leurs études ou de suivre une formation professionnelle ».
La loi aurait gagné, en même temps, conformément à la Recommandation n° 201, qui complète la Convention n°189 de l'OIT, à mettre en œuvre des mécanismes pour suivre la situation des enfants qui travaillent comme domestiques, y compris toutes les garanties de contrôle et de suivi que l'Etat est appelé à mettre en œuvre pour que le travail domestique d'enfants âgés de 16 à 18 ans soit effectué dans des conditions bien définies par la loi, adaptées à leur situation propre, avec la mise en place de mécanismes de contrôle adéquats pour suivre la situation des enfants qui travaillent comme domestiques.
On comprend, dans ces conditions, que la nouvelle loi organique a choisi de fixer l'âge minimum d'emploi dans le travail domestique à 18 ans, tant il est vrai que l'Etat n'est pas à même de mettre en place toutes les garanties ci-dessus décrites et tous les mécanismes de contrôle et de suivi.
Mon opinion est, pourtant, que la question de l'emploi domestique aurait gagné à être organisée dans le Code du travail lui-même, en élevant le travail domestique en général, et celui des enfants en particulier, au rang du travail visible et réglementé, avec la mise en place de mesures de protection et de mécanismes de contrôle adéquats, y compris notamment la protection contre toute forme d'abus, de harcèlement et de violence, la fixation de conditions d'emploi équitables et de conditions de vie décentes, l'information des enfants travailleurs domestiques, ainsi que leurs parents, des modalités et conditions de l'emploi de façon aisément compréhensible, et de préférence par un contrat écrit, fixation des heures de travail, des périodes de repos journalier et hebdomadaire, des congés payés annuels, détermination de la rémunération, y compris le salaire minimum, garantie du droit à la sécurité sociale avec des conditions non moins favorables que celles applicables aux travailleurs en général, exigence de conditions de vie décentes concernant les enfants travailleurs vivant chez l'employeur, respectant la vie privée des enfants, etc.
La loi a choisi, au lieu de tout cela, d'interdire purement et simplement le travail domestique des enfants ! Soit ! Mais elle a assorti tout cela de sanctions pénales, bien plus lourdes que celles encourues par les entreprises — du secteur formel comme celles du secteur informel ou invisible — où les sanctions pénales, sous la forme d'amendes dont le taux n'a connu aucune augmentation depuis plus de vingt ans, sont autrement plus dérisoires et inadaptées aux objectifs de prévention poursuivis par la loi.
En fait, les dispositions protectrices de l'enfance au travail sont tributaires des organes de contrôle et de l'évolution des mentalités, sans égard à l'attitude des enfants eux-mêmes et de leurs parents : tant que les enfants — c'est-à-dire en fait les filles — et leurs parents perçoivent le travail comme une faveur et un privilège qu'il convient de sauvegarder, les moyens qui leur sont offerts par la loi resteront insuffisants : la précarité de leur situation affecte, pour ainsi dire, leur combativité et leur dicte une attitude passive en ce domaine.
Aujourd'hui, il existe une nouvelle forme de violence à l'encontre des enfants, celle qu'on peut qualifier de «violence virtuelle» ou violence pratiquée par le biais des nouvelles technologies. Des pédophiles attirent des enfants dans leurs filets par le biais des réseaux sociaux en se dissimulant sous une fausse identité. Il est difficile de les démasquer. Est-ce que la loi protège les mineurs contre cette nouvelle forme de violence?
En fait, la loi organique n°60-2016 relative aux violences faites aux femmes n'a pas pour ambition de traiter de toutes les formes de violence à l'égard des enfants ! Le Code pénal lui-même n'a pas encore pris toute la mesure de l'ampleur des défis créés par l'Internet. La loi organique n°61-2016 du 3 août 2016 concernant l'interdiction et la lutte contre la traite des personnes, de son côté, ne couvre pas toutes les infractions commises. En fait, les enfants sont les grands oubliés du combat pour la protection de la vie privée et de l'intégrité physique et sexuelle sur les réseaux. Le Protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant, relatif à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié par notre pays, appelle pourtant les Etats parties à adopter à tous les stades de la procédure pénale les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes des pratiques proscrites par le Protocole.
L'opinion, largement partagée, est pourtant que les enfants en Tunisie sont insuffisamment protégés contre les atteintes à leur intégrité, y compris notamment lorsqu'ils consultent les sites internet. Une certitude règne à ce sujet et d'aucuns déploreraient l'insuffisance d'un cadre juridique adapté à l'ampleur des risques encourus par les enfants.
Notre pays gagnerait, dans ces conditions, à prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées, en vue de prévenir et réprimer toutes les formes d'atteinte à la vie privée des enfants. Il est nécessaire de disposer d'un système intégré, cohérent, interdisciplinaire et coordonné comprenant toute la gamme des mesures pouvant contribuer à prévenir et réprimer les atteintes aux droits des enfants. La participation des enfants à l'élaboration, au suivi et à l'évaluation des mesures évoquées ici est essentielle.
L'Etat devrait, à cet égard, veiller à ce que la législation pertinente offre une protection adéquate aux enfants eu égard aux médias et aux TIC. Il faudrait, en particulier, veiller à ce que les politiques et les mesures tiennent compte des risques différents que courent les filles et les garçons face aux diverses formes de violence dans différents cadres, y compris celui de la protection contre toute intrusion indue dans la vie privée.
Le Code de protection de l'enfant présente-t-il des lacunes? Est-il en harmonie avec les principes des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant? Faut-il, selon vous, réviser ce Code à la lumière des mutations et des changements sociaux qui ont marqué récemment la société tunisienne?
Le Code de protection de l'enfant constitue, encore aujourd'hui, une référence historique de ce qu'un pays peut faire de mieux en matière de protection des droits de l'enfant. Il gagnerait pourtant à être enrichi dans divers domaines, y compris en vue de renforcer les droits de l'enfant victime et d'adapter ses dispositions relatives aux enfants en conflit avec la loi. Certes, en ce domaine, le système tunisien de justice pénale pour enfants est souvent présenté comme étant largement conforme aux dispositions de la Convention des droits de l'enfant et des autres normes de l'Organisation des Nations unies, en conférant un véritable statut protecteur à travers la mise en place par le Code de protection de l'enfant d'une série de garanties relatives aux différentes phases du procès pénal, y compris l'instauration d'une présomption irréfragable en faveur de l'enfant âgé de moins de 13 ans de n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale, la spécialisation obligatoire des magistrats composant les juridictions pour enfants, qu'ils soient magistrats du Parquet ou juges d'instruction ou de siège, la mise en place de juridictions spécialisées pour enfants : juge des enfants compétent en matière de contraventions et délits (magistrat de deuxième rang) et tribunal pour enfants compétent en matière de crime, etc.
Le système tunisien de justice pénale pour enfants reste marqué, néanmoins, par une logique donnant largement prédominance à l'action pénale et coercitive au détriment de l'action pédagogique et sociale. C'est la conclusion dominant l'ensemble des observations recueillies lors de divers ateliers de concertation par les professionnels représentant l'ensemble des acteurs du système de justice juvénile.
L'option stratégique consisterait à changer radicalement de cap et à mettre en place un dispositif cohérent et pérenne assurant le renforcement du système de justice juvénile dans son ensemble, et ce, aux différents stades de la poursuite et de l'instruction, du jugement et de l'exécution des décisions concernant les enfants en conflit avec la loi, y compris les mesures et programmes visant leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale : amélioration du système et des mécanismes de prise en charge des enfants en conflit avec la loi au stade de l'enquête préliminaire, y compris par la modification du régime juridique de la garde à vue, amélioration du système et des mécanismes de prise en charge des enfants en conflit avec la loi au stade de l'instruction, y compris par la modification du régime juridique de la détention préventive, amélioration du système et des mécanismes de prise en charge des enfants en conflit avec la loi au stade du procès et des voies de recours, y compris notamment en assurant l'effectivité de la présence et du rôle des conseillers spécialistes dans les affaires de l'enfance à la phase de jugement, renforcement des garanties de protection des enfants privés de liberté, y compris par l'interdiction formelle de l'usage de la force contre les enfants privés de liberté et la garantie que les procédures disciplinaires ne soient utilisées qu'en dernier recours et que les sanctions correspondent au minimum nécessaire, tout en veillant à ce que les enfants privés de liberté bénéficient du meilleur état de santé possible, aient accès aux soins préventifs et curatifs appropriés et à un éventail d'activités et d'interventions significatives, qui favorise leur progression vers des régimes moins contraignants, ainsi que leur préparation à la sortie et leur réinsertion dans la société.


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