Après une éclipse de trois ans pour des raisons sécuritaires, le Festival des jeux équestres à Agareb fait son retour. Le vice-doyen des festivals en Tunisie a présenté une 54e édition dédiée à un patrimoine précieux auquel seuls des mordus, de plus en plus rares, continuent de se dévouer au prix de sacrifices pécuniaires difficiles à supporter.. Si le programme de l'édition a comporté des divertissements destinés à donner une certaine animation à la ville, ce sont les attractions hippiques qui font la spécificité du festival et lui donnent une notoriété et une popularité jamais démenties, en dépit des contraintes budgétaires et un manque d'intérêt incompréhensible dans un pays où l'on se targue à cor et à cri d'œuvrer à la conservation du patrimoine équestre. Comme son nom l'indique, les attractions les plus courues du festival d'Agareb sont les jeux équestres. Il est de coutume, à cette occasion de voir, la ville devenir le centre de convergence d'une multitude de cavaliers consentant le déplacement des quatre coins cardinaux du pays. On trouve des gens de la région et d'autres venus de Douz, Kebili, Kasserine, Sidi Bouzid, Kairouan, Tajerouine et autres contrées du Nord. Tous mus par une seule et unique motivation : maintenir vivace leur flamme pour cette activité et marquer leur attachement à leurs nobles montures. En effet, l'amour du cheval et la passion pour l'art équestre sont le dénominateur commun de ces inconditionnels de l'art hippique dans sa dimension chevaleresque la plus profonde, liée aux nobles valeurs, de courage, de générosité, de dévouement aux siens, de courtoisie, d'hospitalité, de défense de la veuve et de l'orphelin, de don de soi et surtout d'honneur. N'eût été cette passion dévorante, ces cavaliers n'auraient d'ailleurs pas accepté le dérangement pour des miettes des plus dérisoires. Deux spectacles se partagent la vedette au festival d'Agareb, le «Mchef», une chevauchée époustouflante mettant en scène des cavaliers à fière allure, drapés dans des costumes aux origines ancestrales et montés sur des chevaux somptueusement harnachés. La démonstration de ces cavaliers intrépides se fait soit par groupes soit en solo. Alignés au point du départ d'une large piste, en guise d'hippodrome fraîchement nivelé, le groupe se lance dans une course éperdue mais coordonnée. Chevauchant des montures ventre à terre et bride sur le cou, ils évoluent sur le même rythme de façon à garder leur alignement. En entrant dans le champ de vision des spectateurs, ils font entendre le bruit de leur cavalcade effrénée et se font suivre par la poussière soulevée par les sabots des chevaux. Dans cette lancée fantastique, les cavaliers et leurs montures, soudés à merveille évoluent dans une complicité des plus remarquables, présentant un spectacle pittoresque culminant avec le roulement du tonnerre des coups de fusil pointés vers une cible que les cavaliers sont les seuls à percevoir. Une fois le rite de la salve de tir coordonnées accompli, les cavaliers rebroussent chemin pour l'évolution suivante. Le «Mchef», une variante de la fantasia, simule, dit-on, une charge militaire fulgurante des cavaliers berbères et arabes, au Maghreb, ayant pour apothéose la salve de tirs coordonnés visant l'ennemi, avant la retraite des cavaliers. Dans d'autres cas, c'est un seul cavalier qui entre en lice. La responsabilité est alors plus grande et la dextérité plus de rigueur. Fonçant dans une cavalcade prodigieuse, il se fait un point d'honneur à se démarquer autant que faire se peut par une touche personnelle : lancé à sa propre poursuite, majestueusement debout sur selle, imperturbable, communiant avec sa monture, il se fait fort de réussir des prouesses «techniques» d'une admirable maîtrise, couronnées par un double tir de son fusil manié avec une virtuosité formidable. Un filon touristique superbement négligé Si, auparavant, l'Office du Tourisme exploitait judicieusement ce filon touristique de premier plan, organisant des excursions pour touristes à l'occasion de chaque session dont de très hautes personnalités politiques présidaient la cérémonie d'ouverture et que des prix substantiels étaient décernés aux lauréats des différents concours hippiques, depuis plusieurs années déjà, à cette sollicitude des hautes autorités a succédé un délaissement regrettable, illustré par une budget dérisoire. Pourtant, la situation ne semble aucunement interpeller le ministère du Tourisme, alors que le Festival des jeux équestres à Agareb est en mesure de se prévaloir d'un produit hautement touristique, commerciable à souhait. Il a au moins le mérite d'exister et de réunir tous les ingrédients susceptibles d'en faire un véritable pôle d'attraction pour les touristes férus d'exotisme, d'inédit et d'authenticité.