Par Abdelhamid Gmati Certains événements survenus ces dernières années ont, par leur gravité et leur ampleur, des effets stupéfiants sur un grand nombre de Tunisiens. Et en particulier, cette prolifération des stupéfiants dans notre pays. Certes, la consommation de zatla a été signalée depuis longtemps, même au temps de la dictature. Mais là elle atteint des proportions inquiétantes, stupéfiantes. Qu'on en juge. Des réseaux de trafic de drogues, œuvrant dans l'importation et la distribution des stupéfiants, sont démantelés, régulièrement, un peu partout dans le pays. Cette semaine, cinq individus, membres du réseau qui est actif dans le gouvernorat de Béja, ont été arrêtés en possession de 5 kilogrammes de cannabis pour une valeur de 40 mille dinars. En mars dernier, la Garde maritime tunisienne annonçait la saisie inédite de plus de 31 kilos de cocaïne pure, d'une valeur de six millions d'euros. Cette opération a été réalisée en Méditerranée, ce qui indique qu'il y a de nouvelles formes de trafics avec l'Italie. En juin, la brigade des stupéfiants de la Garde nationale a démantelé un réseau de trafic de drogue, spécialisé dans l'écoulement des stupéfiants à Hammamet. Et mercredi dernier, le colonel-major et porte-parole de la Garde nationale, Khalifa Chibani, déclarait que « à Menzel Temime, 324 kilos de haschich, d'une valeur de plus de 49 MD, ont été saisis lors des opérations de ces derniers jours. Nous avons aussi saisi plus de 8.690 pastilles d'esctasy et près de 64 kilos de cocaïne. Ceci en plus des 2.000 pieds de marijuana saisis le mois dernier ». Et le colonel-major de conclure avec ce commentaire : « On dirait que Menzel Temime est devenue le cartel de Medellín !». Commentaire justifié par un constat : la plantation des herbes stupéfiantes telles que la marijuana s'est répandue dans le pays ces dernières années, devenant une pratique « habituelle ». Au point que certains n'hésitent pas à dire que la Tunisie est en passe de devenir peu à peu un producteur grâce à l'existence de plants de stupéfiants un peu partout dans le pays. En quelques mois, des arrestations ont eu lieu en raison de la culture de la marijuana, appelée aussi cannabis ou zatla. A Ben Arous (Oued Méliane) comme au Cap Bon (Menzel Témime) ou à Bizerte, les unités de la police et de la Garde nationale ont fait la découverte de plusieurs pots de cette plante psychotrope bien disséminés et dissimulés dans des domaines agricoles. La culture de la marijuana, à l'intérieur comme à l'extérieur des maisons, fait une apparition en force dans le marché des stupéfiants en Tunisie. La marijuana est cultivée dans des pots dans les jardins ou sur les toits des maisons en petite quantité pour la consommation personnelle, ou dans des fermes agricoles quand il s'agit de grandes quantités destinées à la vente. Ce n'est pas la première fois que des plants de stupéfiants sont découverts en culture dans des maisons privées à travers différentes régions du pays. Récemment, c'est dans la région de Nabeul qu'une véritable plantation de marijuana a été découverte en plein air. Des centaines de plants ont été découverts par les services de sécurité, disséminés à travers les arbres d'un champ. «Cannabis, marijuana, haschich, zatla, les appellations et les utilisations diffèrent, mais l'effet psychotrope est toujours le même. Une fausse sensation de bien-être qui se dissipe au bout de quelques heures et un risque d'addiction engendrant la désolidarisation du consommateur sont les effets de cet acte». Le mode de consommation le plus répandu demeure sous la forme de feuilles séchées mélangées avec du tabac, c'est-à-dire sous forme de «joint», d'où le risque élevé d'être atteint par un cancer bronchique. La marijuana peut aussi être infusée comme du thé, sous forme de tisane. C'est une autre forme de consommation fort appréciée des personnes plus âgées, et ce, par le biais du narguilé (chicha). Les feuilles de la marijuana sont séchées et mélangées avec le tabac à narguilé, avec du whisky au lieu de l'eau dans la bouteille du narguilé. Mais ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la consommation de cannabis dans notre pays, note une source sécuritaire. Le nombre de procès pour consommation de drogue a été multiplié par huit entre 2000 et 2016 en Tunisie, avait indiqué le ministre de l'Intérieur, Hédi Majdoub, lors d'un débat au Parlement. Les fumeurs de zatla représentant aujourd'hui un tiers de la population carcérale. Selon des chiffres publiés en mars 205, il y aurait en Tunisie 3 millions de fumeurs dont 30% de femmes. En août dernier, à Kalaa Kbira (gouvernement de Sousse), un imam, âgé d'une trentaine d'années, a été arrêté par l'unité de la police judiciaire de Sousse pour détention de cannabis. Il avait environ 100 grammes de cannabis pour sa propre consommation, et a avoué être habitué à consommer de la drogue. Faut-il rappeler que plusieurs terroristes consomment du captagon, appelé« drogue des terroristes ». « Drogue du conflit syrien », qui est un psychostimulant créé à la fin des années 1950 et consommé par les soldats de Daech. Les cachets saisis dernièrement en France contenaient de l'amphétamine et de la théophyline. Des composants qui permettent de lutter contre la fatigue, la peur et de rendre insensible à la douleur. Le terroriste qui avait tué 36 personnes sur la plage de Sousse en Tunisie en avait consommé. Selon Jean-Paul Tassin, neurobiologiste à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), « la noradrénaline va augmenter la vigilance et les facteurs de concentration. La dopamine, elle, va intervenir sur le circuit de la récompense. En le stimulant, elle va vous donner l'impression que vous êtes bien, que tout va bien...Vous n'avez pas peur, pas faim, pas soif... Vous ne risquez rien, y compris la mort ». Un sentiment de bien-être, de toute-puissance presque, dont témoigne un jeune homme, filmé en Jordanie il y a quelques mois: « C'est sur le champ de bataille que c'est efficace. Le combattant peut prendre 5 ou 6 balles, il ne les sent pas. Il devient invincible. Il est rempli de bravoure. Il n'a plus peur de la mort ». Comme quoi, il y a là aussi « une guerre » à mener contre ce fléau dont la gravité n'est plus à démontrer.