Par Jawhar CHATTY Le FMI serait-il plus optimiste que nous le sommes s'agissant des perspectives de l'économie nationale? Serait-il plus avenant et indulgent à l'égard de nos gouvernants que ne l'est notre classe politique, sans compter bien sûr tous ceux pour qui la contestation est devenue systématique, un fonds de commerce, une religion? «Les derniers éléments de conjoncture économique nous amènent à maintenir notre prévision de croissance de 2,3% pour cette année», soutient Björn Rother, chef de la mission du FMI pour la Tunisie. Dans l'entretien qu'il a accordé en exclusivité à notre journal (lire interview en page 7), il affirme que «la Tunisie dispose d'un potentiel économique important qui demande à être libéré». Jusque-là, il n'y a rien à dire puisque tout le monde (du moins on l'espère) admet le fort potentiel de croissance de l'économie tunisienne. Le malaise et les divergences se font cependant ressentir dès qu'il s'agit des voies et des politiques économiques à emprunter pour justement «libérer» ce potentiel. Nous avons ici même déploré la diabolisation (systématique) du FMI et nous continuerons à le faire de la même manière que nous déplorons du reste les discours populistes et démagogiques. L'on ne fera toutefois pas du tort à l'institution de Bretton Woods de dire qu'elle n'est pas spécialement soucieuse d'inclusion ni même de croissance. Elle est plutôt soucieuse de la restauration des grands équilibres macroéconomiques. Le développement, l'inclusion, la lutte contre les inégalités, la répartition de la rente ne sont pas ses préoccupations tant qu'ils ne font pas obstacle à la croissance et aux équilibres. « Il serait important de poursuivre le resserrement de la politique monétaire pour mitiger les pressions inflationnistes croissantes », soutient Björn Rother. Sans doute, mais la dépréciation du dinar ( voulue par le FMI) est une des principales causes de l'augmentation du taux d'inflation qui a atteint 5,7% en août. Et puis, un «resserrement» de la politique monétaire induirait une nouvelle augmentation du taux d'intérêt et étoufferait ainsi la croissance. Ce sera un message négatif qui viendra renforcer le climat de méfiance... La balle est donc à La Kasbah. Le gouvernement de guerre sera (de nouveau) sur les fronts de la lutte contre le terrorisme et contre la corruption, sur les fronts de la lutte contre l'informel et les importations anarchiques. Il engagera sans doute aussi la guerre du recouvrement fiscal. Des guerres sans merci qui lui permettront de renforcer le capital confiance pour engager les réformes douloureuses... D'ores et déjà, le FMI prépare sa décision de fin octobre où il va autoriser la libération de la troisième tranche de crédit. Espérons que le pays sera au rendez-vous du planning des réformes. Björn Rother sera là la semaine prochaine pour deux jours pour rencontrer les nouveaux ministres en charge de ses dossiers et prendre date pour la mission d'octobre...