La Tunisie célèbre cette année le centenaire de la naissance de l'artiste et peintre de la beauté, Aly Ben Salem, qui s'est éteint le 20 février 2001 à Stockholm (Suède). Personnage fascinant de par son œuvre et son charisme, ce peintre de la lumière et de la couleur a laissé une empreinte indélébile dans le paysage artistique en Tunisie où il n'a cessé de célébrer la splendeur, en Suède, sa seconde patrie, ainsi que dans le monde. Aly Ben Salem et ses périodes, passage exigé vers l'empreinte magique Khalil Gouia, chercheur et critique d'art, explique que trois grandes périodes caractérisent l'œuvre de Ben Salem. ''Entre les années 30 et les années 40, le peintre passe la majeure partie de son temps à peindre la médina, et ce, à travers une approche narrative''. Ce microcosme, qui constitue une mère symbolique pour l'artiste, devient son terrain de prédilection où il s'exerce à la peinture des souks, des artisans et des traditions tunisiennes, ainsi qu'aux scènes de mariage. Un rapport de genèse et d'enfantement unit ainsi la médina au génie créateur de l'homme. La seconde période, qui caractérise l'œuvre de Ben Salem, s'étend de 1938 jusqu'à 1950, période au cours de laquelle l'artiste évolue vers une approche plus esthétique. Elle correspond à un moment de découverte créatrice après un séjour à Paris où il apprend à mieux connaître les œuvres des grands maîtres de l'impressionnisme, de l'expressionnisme et du fauvisme. C'est la troisième et dernière période que se révèle le véritable cachet de Ben Salem. Cette époque, qui démarre dans les années 50 et ne se termine qu'avec son décès en 2001, donne le ton au travail monumental que l'on connaît de lui. Il s'inspire de sa muse, la suédoise Kerstin Nilsson, qu'il épouse en secondes noces. Sa beauté nordique l'inspire dans tous ses tableaux. Au cours de cette période, Ben Salem laisse libre cours à son imaginaire, nous dévoilant sa propre vision de la femme et de l'homme, dans un jardin édénique fleuri, entourés de dromadaires bleus, de gazelles blanches, de colombes ou de paons. L'œuvre de Aly Ben Salem est bien réelle. La sinuosité du tracé enrobe et enlace le corps et les formes avec une sensualité presque palpable. Il puise sa source dans la mythologie et la littérature, peignant Antar et Abla ou Roméo et Juliette. Bref, il n'y a de place qu'à la beauté sensuelle, un brin orientaliste. Dans sa palette chromatique, le peintre utilise du blanc, du bleu, du jaune ou du rose qui constituent un appel, presque un cri à la lumière et à la joie, et ce, malgré les nombreux drames qui ont habité le cœur de l'artiste. Le mosaïste en quête d'éternité L'on ne peut parler de cet artiste sans évoquer sa passion pour l'art de la mosaïque. Depuis 1945, l'artiste entreprend la composition musivale, un rêve qu'il réalise, comme il le dit dans le portfolio qu'il coécrit avec Leila Ladjimi Sebai, Hédi Slim et Rachida Triki: ''J'ai compris que l'usure du temps s'en prend moins à la mosaïque. La pierre est plus robuste, plus coriace que les huiles et les dérivés plastiques...''. Et d'ajouter: ''En optant pour reproduire en mosaïques mes tableaux...j'ai voulu éterniser certains des us et coutumes de mon peuple''. Le collectionneur, l'ethnologue Derrière l'œuvre foisonnante de l'artiste, né un certain 25 décembre 1910 à Tunis, se cache un petit homme aux yeux gris pétillants, au sourire taquin et au verbe facile. Rieur, aimant l'art et la bonne chère, il croquait la vie à pleines dents en compagnie de Kerstin-Hédia la douce. Il était joyeux de nature, et ses amis disent de lui qu'il était très fidèle et profondément attachant. Cet homme avait réuni une impressionnante collection d'objets ethnographiques de Tunisie qu'il avait offerte, comme le souligne Bady Ben Naceur dans son livre Mémoires d'époques, au Musée national d'ethnographie de Stockholm. En 1936, Ben Salem obtient le premier prix de peinture du gouvernement tunisien et le premier prix de la miniature d'Afrique du Nord. Et ce n'est que le début de sa gloire. Profondément nationaliste, il a longuement et ardemment milité pour l'indépendance de la Tunisie, du Maroc et de l'Algérie contre le joug colonial français. Cette célébration par la Tunisie du centenaire de l'artiste Aly Ben Salem s'inscrit au cœur du projet initié par le Chef de l'Etat et annoncé dans son discours du 25 février 2010 à l'occasion de la célébration de la Journée nationale de la culture. Cet hommage aux grandes figures de la création en Tunisie constitue un témoignage particulièrement vibrant au talent et à l'esprit créatif de cet homme, au service de la culture tunisienne et de la sauvegarde de la mémoire collective.